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EDITORIAL - Union de l’Afrique : En finir avec les incantations sans lendemain

Dans son ouvrage désormais célèbre intitulé Africa must unite (L’Afrique doit s’unir), l’ancien Président du Ghana, le Dr Kwame Nkrumah, panafricaniste devant l’Eternel y a exposé ses conceptions sur l’évolution de l’Afrique. Pour autant que ses dirigeants daignent vouloir la faire entrer de plain-pied dans la modernité en assumant son propre développement. Et s’ils ne font pas de telle sorte qu’elle s’unisse, ils la condamneraient  ipso facto à d’éternelles lamentations, pour ainsi dire. Si encore elle ne venait pas carrément à disparaître en tant que Terre qui compte dans le concert des Nations du monde. Autant dire que si le projet des Etats-Unis d’Afrique fut proposé par le journaliste et écrivain jamaïcain Marcus Garvey à l’origine, le Dr Kwame Nkrumah en a fait le sien dans sa concrétisation en Afrique.

« L’Union fait la force ». Cet adage n’est pas seulement un concept ou une réalité abstraite. Il s’agit d’une vérité concrète que l’on peut prouver et éprouver à chaque entreprise, et dans quelque domaine que ce soit. Et, en dépit de ce que l’on peut considérer comme une vérité de La Palisse, il appert toujours difficile de l’appliquer. Même quand les faibles, eux-mêmes, sont on ne peut plus convaincus qu’en s’unissant ils deviendraient plus forts qu’ils ne seraient plus la risée des plus forts.

Tous les dirigeants africains vous diront qu’ils n’ont aucun doute que si tous les pays d’Afrique parvenaient à s’unir, ils changeraient automatiquement le cours de l’Histoire du monde et celle des Africains aussi. Mais alors, pourquoi diantre ne s’unissent-ils pas ? En vérité, au-delà des incantations, il ne faut guère leur demander de franchir les derniers écueils indispensables afin de réaliser sinon l’Union du continent africain du moins de ses différentes régions, pour commencer. Et là, devant leurs yeux écarquillés et exorbités, apparaît quelque chose de plus terrifiant encore que le Mythe de Sisyphe. Le possible devient impossible. Chacun préférant son petit pays sur lequel il règne en maître à un Pays-Continent sur lequel il n’est plus le maître.

Pourtant…Et pourtant, ils sont les premiers à admirer un dirigeant comme Xi Jinping et la grande Chine jusqu’à en rêver pour s’imaginer dans pareille situation en Afrique. Le mégalomane et dictateur libyen, Mouammar Kadhafi, pseudo-panafricain en fait, qui aimait à armer  et financer rebelles par-ci ou fomenter coups d’Etat par-là contre des dirigeants d’Afrique Noire qui refusaient de se soumettre à ses desiderata, en était absolument obsédé. Au point de se faire couronner à travers un événement dont lui seul avait le secret « Roi des Rois traditionnels d’Afrique ». Un nom par lequel il voulait désormais qu’on l’appelle.

Une Afrique Unie avec un Gouvernement Fédéral et une Armée capable de se déployer partout sur le continent, est une position à laquelle ils sont nombreux les chefs d’Etat d’Afrique se verraient bien. A la tête d’une grande et puissante Fédération des Etats-Unis de l’Afrique. A moins, et c’est là la condition sine qua non, de fédérer leurs micro-Etats sur lesquels ils règnent on eût dit à la manière par laquelle un léopard veille sur son petit. Et, à cette allure, l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA) sera sans doute remis aux calendes africaines. Il ne suffit pas que certains chefs d’Etat et de gouvernements africains se montrent seulement obsédés par l’exemple des dirigeants chinois. Il s’agit surtout de chercher comment faire pour que l’Afrique, à l’horizon 2063, ne soit plus en train de prononcer des incantations d’unification. 

Si la Chine a réussi le bond qu’il a réalisé, elle le doit d’abord à la force de sa démographie, laquelle dépendait elle-même de plusieurs antécédents historiques ayant permis à l’origine de créer un grand empire fortement centralisé. Elle a ensuite très tôt compris que son développement économique devait prioritairement s’appuyer sur deux piliers qui méritaient autant des investissements conséquents qu’une grande attention, à savoir l’agriculture ainsi que l’éducation. Et les résultats de ces actions conjuguées ne se firent pas attendre longtemps. Les succès économiques de ces dernières décennies qui grisent bien des chefs d’Etat africains au point de les faire tourner vers le pays de Xi Jinping pour espérer des financements et des investissements afin de tracer leurs propres sillons, en sont les preuves éloquentes.

A moins de vouloir tromper leurs peuples, rares sont les pays en Afrique à disposer d’atouts démographiques et institutionnels nécessaires pour conduire des mutations à la manière dont elles le furent en Chine. Ç’eût été envisageable et réalisable, au bénéfice du doute encore, si tous les Etats de l’Afrique étaient d’abord capables de s’unir. Mais tout le monde sait que là réside en particulier la principale faiblesse de l’Afrique. Une faiblesse que d’aucuns diraient presque congénitale en ce qu’elle est inhérente à la création même de ces Etats par les grandes puissances occidentales qui les avaient colonisés et ensuite constitués en tant qu’entités modernes, bien évidemment balkanisées à dessein. Et, pour ce faire, encore moins des territoires comparables à la Chine tant de par ta taille géographique que démographique pour espérer réussir une œuvre de transformation à tout le moins économique au profit des Africaines et des Africains.

A la différence des dirigeants chinois, ceux d’Afrique qui ainsi se verraient bien dans cette position d’unificateurs à l’instar des prédécesseurs de Xi Jinping, n’ont ni leur patriotisme ni leurs ambitions. Et, fédérer, est un mot-fétiche pour ces dirigeants africains, lequel mot semble provoquer chez eux des crises épileptiques à chaque fois qu’ils l’entendent. Tant ils préfèrent régner sur des micro-Etats que devenir plus fort en concédant un peu de leur Souveraineté propre, voire en vendant aux Chinois ou autres puissances étrangères des portions de leurs terres ou de leurs territoires. Il ne faut donc jamais le prononcer en face de l’un deux pour parler de l’Afrique. Sauf à des fins lénifiantes comme une incantation dont on sait pertinemment qu’elle ne sera suivie d’aucun effet. Ils ne croient d’ailleurs pas que l’un des atouts majeurs de la Chine fût d’être un Pays-Continent. Pour eux, il faut lier le développement prodigieux de ce pays au fait que ses dirigeants avaient su imposer un parti qui exerçait seul son joug sur tout le pays et décidait de tout, en leur lieu et place, au nom de toutes les Chinoises et de tous les Chinois. La seule chose que ces chefs d’Etat et de gouvernement africains idolâtraient chez Xi Jinping et bien de ses prédécesseurs dont ils étaient capables de surpasser Xi Jinping lui-même, c’était de faire main basse sur le pouvoir et de développer des tentations à la fois autoritaires, voire messianiques. En la prédation des ressources de leurs pays au détriment de leurs peuples, ils étaient inégalables aussi. Et pour le reste, il mieux vaut compter sur les larmes d’un chien que sur beaucoup d’entre eux. 

A vrai dire, ce qui intéresse vraiment donc en définitive nombre de Chefs d’Etat et de gouvernements africains à l’état de puissance de la Chine est tout autre chose que son modèle de Socialisme chinois. C’est uniquement sa gouvernance autoritaire. Or, la gouvernance moderne devrait être démocratique et ses exigences élevées au rang de celles des sciences. En refusant qu’elle soit soumise aux dogmes ou autres convictions pour n’obéir qu’à la parfaite coïncidence des professions de foi avec les réalisations concrètes, ainsi qu’en sciences la théorie ou l’hypothèse doive toujours s’arc-bouter sur la démonstration pour être sanctionnées de succès ou d’insuccès, selon le cas.

A l’analyse des comportements d’un certain nombre d’activistes de la société civile africaine et des politiciens, la question que l’on est en droit de se poser est de savoir si Axelle Kabou n’avait pas très tôt eu raison. En écrivant son fameux essai Et si l’Afrique refusait le développement ? pour pointer du doigt les élites africaines qui n’ont de cesse de désigner de manière puérile la Traite négrière et la Colonisation comme les causes de leurs incapacités notoires à assurer une certaine Renaissance de l’Afrique.  Comme pour s’exonérer de leurs propres turpitudes, leur « bombe nucléaire » consiste à accuser tout simplement l’Occident de tous les maux dont souffre l’Afrique. Et Axelle Kabou le dit fort joliment et justement lorsqu’elle relève que : « tout peuple est, en première et en dernière analyse, responsable de l’intégralité de son histoire, sans exclusive ». La philosophie sociopolitique des Nubiens anciens, elle aussi, repose exactement sur cette idée qu’il n’y a rien de plus infantile que de désigner l’autre comme le responsable de votre propre histoire. Et cela, quelles que soient les contingences inhérentes à cette histoire-là.

Par Marcus Boni Teiga

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