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EDITORIAL – NIGER : Le départ annoncé de la France est une bonne nouvelle pour les Français

Dans une Interview accordée à notre confrère de RFI, il s’est exprimé sur la présence de la France en Afrique de l’Ouest et particulièrement par rapport aux putschistes de Niamey. Et, au passage, il a répondu notamment à la question suivante : 

« La junte du CNSP a d'ailleurs beaucoup insisté sur la responsabilité de la France dans cette crise. Lors du débat de l'Assemblée générale des Nations unies la semaine dernière, les représentants du Mali, du Burkina Faso ont enfoncé le clou au nom du Niger en parlant de néocolonialisme, d'impérialisme, de souveraineté bafouée par Paris. Avec le rappel des troupes, est-ce que le CNSP ne se prive pas finalement d'un argument qui a largement contribué à rallier de nombreux Nigériens à sa cause ?

Peut-être, mais ce n'est pas là l'essentiel. Regardez les opinions publiques au Mali ou au Burkina : les troupes françaises sont parties et l'expression - presque parfois hystérique - du sentiment anti-français, c’est-à-dire que la France serait encore derrière la Cédéao et manipulerait tout, continue à exister. Donc, je ne pense pas que ça suffirait. Il est certain que le régime militaire utilise ou manipule ce sentiment anti-français, qui est complexe à comprendre. Parce qu'il se base sur des phénomènes réels : les crimes de la colonisation, les errements – le moins qu’on puisse dire - de la Centrafrique ; et puis, en même temps, il y a des théories du complot invraisemblables, répétées d'ailleurs à l'ONU par le ministre Affaires étrangères du Mali, comme quoi la France aiderait les terroristes, etc. C'est un mélange, mais c'est un imaginaire collectif assez puissant, alors même que la France n’est plus capable de tirer toutes les ficelles, ni de vouloir s'approprier les ressources naturelles. C'est une époque finie, mais dans l'imaginaire collectif, elle en est encore capable. Je pense qu'il faudra du temps, il faut que la France accepte de se taire un peu plus. Il faudra peut-être aussi que les opinions publiques se rendent compte que le discours hyper-nationaliste des militaires cache, en fait, une gouvernance tout aussi déplorable que celles qu'ils ont prétendues supprimer ».

Jean-Pierre Olivier de Sardan n’est pas un inconnu dans les milieux universitaires tant en France qu’en Afrique. Né le 11 juillet 1941 en France, il est un Anthropologue français et nigérien, Professeur d'anthropologie (directeur d'études) à l'École des hautes études en sciences sociales de Marseille. Directeur de recherches émérite au Centre national de la recherche scientifique à Paris, et Professeur associé à l'Université Abdou-Moumouni (Niamey, Niger) où il a fondé le Master de Socio-Anthropologie de la Santé. Il conduit des recherches au Niger depuis les années 1960.

Le départ annoncé de la France du Niger, comme elle l’a déjà fait au Mali et au Burkina Faso, est une bonne nouvelle d’abord pour la France elle-même et surtout pour les Français. En ce qu’elle se libère d’une situation intenable qui était devenue un fardeau à la fois pour ses diplomates et pour son Armée. Maintenant, le Niger devra pouvoir s’assumer. Il n’y aura plus de France, comme bouc émissaire de tous les maux du Niger, et plus rien pour susciter la haine contre la France et mobiliser en faveur des putschistes. Les Citoyens et les Citoyennes du Niger pourront ainsi prendre leur Destin en mains dont beaucoup pensent qu’il était plutôt entre les mains de la France.

Que leur restera-t-il encore pour assumer pleinement leur Destin : renoncer au Franc CFA, changer le Français comme langue officielle pour élire une nouvelle langue ou plusieurs langues nationales, etc. Bref, ils ne pourront plus accuser la France d’être à l’origine de leurs malheurs. En cela, c’est déjà une excellente nouvelle pour les Nigériennes et les Nigériens.

La question n’est pas de soutenir la France en aucune manière ni d’aimer Emmanuel Macron ou de ne pas l’aimer, mais de refuser que pour justifier leurs coups d’Etat, des militaires parrainés par Wagner ou la Russie de Vladimir Poutine se cachent derrière le masque de la France néocolonialiste ou impérialiste, responsable de tous les maux de l’Afrique. Argument que les putschistes ne dégainent par ailleurs que seulement après leurs coups d’Etat. Et pas avant quand il fallait empocher les aides de la France ou d’autres pays occidentaux au nom de la lutte contre le Terrorisme et dont la gestion a laissé à désirer particulièrement au Niger.

Il est bien trop facile d’agiter l’épouvantail de la Colonisation pour fédérer des gens qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez et qui ne comprennent pas grand-chose aux réalités sociopolitiques tant nationales qu’internationales. Tout comme il est toujours plus facile de fédérer autour des mensonges qu’autour de la vérité. En oubliant que la Colonisation, dans tous les sens du terme, est une donnée permanente des relations dans toutes les sociétés humaines, que ce soit entre individus du noyau le plus nucléaire à celui le plus global entre pays ou groupes de pays. Si l’on devait évoquer la Colonisation interne aux peuples africains eux-mêmes, il n’y aurait pas beaucoup de peuples pour coexister et vivre ensemble en paix au lendemain de l’étalage de ce que furent les réalités historiques des relations entre divers peuples africains. Ressasser le passé colonial de la France ne saurait par conséquent masquer les coups d’Etat qu’il faut condamner sans appel. Et le coup d’Etat du Niger fait partie intégrante de ces coups d’Etat-là. On ne peut pas continuer à tolérer que des putschistes s’abritent derrière l’argument de la présence de la France qu’ils voient partout - y compris derrière la CEDEAO -  pour prendre en otage tous les citoyens de leurs pays sous prétexte qu’ils sont les défenseurs de la Souveraineté nationale contre la France. Qui pis est, quand on sait qu’ils ne sont que des marionnettes de Wagner et la Russie de Vladimir Poutine.

Le temps est un grand maître, dit-on souvent. En Histoire, le temps est bien souvent long. Mais il est toujours important de ne pas avoir la mémoire trop courte. L’essentiel étant de toujours assumer ses responsabilités, advienne que pourra, et de ne jamais finir par dire : on n’avait pas compris, on ne nous avait pas dit cela et tutti quanti, tout ce genre de prétextes que l’on se trouve après avoir compris ses errements afin de tenter de se dédouaner d’avoir suivi aveuglément une certaine tendance sans y réfléchir auparavant. La Souveraineté, avant d’être celle que l’on revendique à un niveau supérieur doit être toujours et avant tout celle de sa propre réflexion vis-à-vis d’une situation donnée à un échelon plus personnel. Avant de vouloir un Etat souverain, il faudrait d’abord être individuellement souverain dans ses propres réflexions : être capable de réfléchir par soi-même pour faire le distinguo entre ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, ce qui est raisonnable et ce qui ne l’est pas, ce que l’on vous dit et ce que l’on pense soi-même…Sans jamais suivre personne d’autre que sa propre conscience et son jugement. Est-ce le cas pour les Nigériennes et les Nigériens qui manifestent bruyamment en faveur des putschistes du CNSP P ? L’avenir le dira…

Par Marcus Boni Teiga

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