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EDITORIAL – NON merci, l’Afrique n’a point besoin de Dictatures. 

Dans son article intitulé « AFRIQUE : ENTRE CAFOUILLIS ET DESIRS DEMOCRATIQUES », notre confrère Serge Mathias Tomondji ne croit pas si bien faire de se poser le questionnement suivant :

« Doit-on s’émanciper de cette camisole de force et laisser les peuples décider de reconduire ou non leurs dirigeants dans les urnes ? Comment la démocratie peut-elle impacter le quotidien des populations rurales par exemple, qui ne savent pas grand-chose de cette architecture institutionnelle ? Comment promouvoir l’intégrité et la bonne gouvernance, qui sont aussi de vrais piliers de l’exercice démocratique ? Sur quoi devrait finalement reposer la démocratie en Afrique ? Faut-il relire, reformater la démocratie telle qu’elle se pratique sur le continent ? Plus de Trente ans après les conférences nationales, doit-on convoquer des états généraux d’Afrique pour penser un nouveau modèle de fonctionnement institutionnel ? » 

Et de répondre ensuite par lui-même:

« Beaucoup de questions auxquelles les mutations en cours actuellement sur le continent devraient trouver des réponses adéquates, en gardant toutefois à l’esprit que l’Afrique aspire majoritairement à la démocratie, à la liberté et au développement. 

L’institut Afrobaromètre, qui a compilé des données de 36 pays sur la question en 2021-2022 révèlent en effet que 66%, soit deux tiers des Africains, « préfèrent la démocratie à toute autre forme de gouvernement », tandis que « 78% rejettent les régimes du parti unique et 67% les régimes militaires ». À noter aussi que 67% des sondés sont favorables à la liberté des médias, pendant que « 73% des Africains approuvent la limitation du nombre de mandats présidentiels ».

Des données qui éclairent sur les désirs de démocratie, d’alternance et de liberté en ces temps où l’Afrique cherche à nouveau ses repères, entre refondation, résurgence de coups d’État, lutte contre le terrorisme et crises multiformes et multidimensionnelles… »

En effet, il convient de reconnaître en toute honnêteté que « la limitation des mandats présidentiels n’offre pas forcément une garantie pour l’alternance et certains pensent même qu’elle ne constitue pas un gage de réussite démocratique et de développement ». Mais c’est parce que les pays d’Afrique sont pour le moment à la recherche de la meilleure voie démocratique qui leur convient que le Constituant a choisi, par prudence et sécurité, de limiter les mandats présidentiels. Pour éviter les mandats des Présidents-à-vie que l’Afrique a déjà malheureusement expérimentés par le passé. En attendant des institutions de l'Etat plus fortes au lieu des Hommes prétendument forts - mais en réalité trop faibles pour créer un parti politique et utiliser les urnes putôt que les armes afin d'accéder au pouvoir -, il vaudrait mieux un balisage parfait pour tenter d'empêcher des gouvernants de s'éterniser au Pouvoir.

Les peuples d’Afrique sont très attachés aux valeurs séculaires de libertés individuelles et collectives, de laïcité – pour ne citer celles-là -, et qui sont fondamentalement celles sur les bases desquelles leurs sociétés traditionnelles et ancestrales ont été fondées depuis des millénaires. Il s’agit de valeurs intrinsèques aux sociétés africaines et auxquelles elles tiennent comme à la prunelle de leurs yeux. Or, il est de notoriété publique que Vladimir Poutine n’est pas le meilleur porte-drapeau de la Liberté et de la Démocratie au monde, loin s’en faut. En orchestrant une propagande anti-française et anti-occidentale à travers ses agents locaux en Afrique et ailleurs, il ne cherche nullement le bien des peuples africains comme ils s’évertuent à le faire croire. C’est de bonne guerre, dirait-on ! Il cherche ainsi à régler ses comptes avec la France et l’Occident. En promettant du Blé au passage, tout comme si en Afrique Noire le Blé était une denrée de première nécessité. Et qu’il lui suffisait d’envoyer du Blé à quelques pays africains dont les dirigeants sont des alliés pour acheter la Conscience de tous les Peuples de l’Afrique.

La dénonciation de la présence française en Afrique et le fait de monter en épingle de son passé colonial ne participent que d’un stratagème dont le seul but est de favoriser l’émergence et l’implantation sinon des pouvoirs militaires dictatoriaux, du moins des régimes militaro-civils tout aussi dictatoriaux. Lesquels seront naturellement plus enclins à devenir des alliés en Afrique de ces grandes puissances hostiles non pas à l’Occident au fond, mais au mode de gouvernance politique de l’Occident par la Démocratie et non par la Dictature. Et dans ce jeu éminemment géopolitique d’opposition des grandes puissances du monde, ce sont les peuples africains qui en seront les premiers perdants.

Ce que l’Afrique Noire risque de perdre, si elle n’y prend garde, ce sont ses différentes formes d’organisations et de gestions sociales ainsi que ses espaces de liberté qui constituent des basses intrinsèques de sa Démocratie à l’Africaine. Certes, la Colonisation occidentale lui a déjà largement substituées à cela ses propres formes de gouvernance à l’Occidental, sans que pour autant elle ait jamais renoncé à ses aspirations fondamentales à la liberté des individus et la liberté de choix de leurs collectivités. Pire, l’Afrique Noire doit prendre garde à ne point tomber dans le piège infernal de régimes où la Dictature est le seul maître-mot de la gouvernance. Et des pays comme la Chine ou la Russie n’ont rien d’autre à proposer aux peuples africains qu’à renforcer les pouvoirs déjà autoritaires pour la plupart des Princes qui les gouvernent cependant que ces peuples seront en train d’applaudir contre l’Occident, verront leurs libertés s’amenuiser peu à peu jusqu’à s’étioler littéralement pour ne laisser la place qu’à une chape de plomb. Au motif que l’Occident a fait ci et ça ou couci-couça. Et ce serait bien trop tard pour faire machine arrière afin de retrouver les libertés perdues quand ces peuples-là s’en rendront compte au réveil de ce que la promesse du Développement par la Dictature n’est que de la poudre aux yeux. En somme, l’opium du peuple, pour ainsi dire.

Au Burkina Faso et au Mali, en l’occurrence, ils sont déjà très nombreux à être en train de regretter les temps où ils bénéficiaient d’une certaine liberté. Des médias sont menacés ou fermés et des personnes aux voix critiques sont accusées de délits divers et jetées en prison. Comme en Russie ! Mais le pire reste bien sûr à venir. Car un processus démocratique qui fonctionne mal vaut toujours mieux qu'une dictature qui fonctionne bien. Tous ceux qui ont tôt fait d'applaudir ou de soutenir des putschistes ne tardent pas souvent à constater cette triste réalité qui ne s'est jamais démentie dans l’Histoire en fin de compte.

Le vrai problème de la Démocratie en Afrique – il faut bien le dire et sans ambages –, c’est l’Armée. Composante nationale parmi les composantes, elle se croit néanmoins au-dessus de toutes les autres composantes nationales, parce qu’elle détient les Armes. Or, c’est le contraire que dit la Démocratie. L’Armée est au service du Politique par essence et par conséquent de la composante civile qui est plutôt partout majoritaire.

Longtemps cantonnés dans les casernes, pour ne pas dire des bureaux comme des fonctionnaires de l’Etat civil, les militaires qui n’ont le plus souvent eu que des exercices militaires en théories ont malheureusement connu de nouvelles réalités ces dernières années avec l’apparition du terrorisme islamiste en Afrique. Mais ce n’est pas une raison pour remettre en cause la Démocratie à travers des coups d’Etat. Sous divers prétextes, y compris les plus loufoques… Tous les moyens et les arguments sont bons pour s'arroger le pouvoir. Et le Président Vladimir Poutine, dans sa volonté manifeste de faire reprendre pied à la Russie en Afrique, leur en tend la perche à travers les mercenaires de Wagner mais aussi les missions diplomatiques russes. Quand on a personnellement vécu, ne fût-ce que pendant quelque temps sous un pouvoir ou régime d'obédience soviétique dans son propre pays, pendant la guerre froide, l'on comprend vite alors pourquoi il faut prendre ses distances avec les "nouveaux libérateurs de l'Afrique" parrainés par des régimes dictatoriaux, notamment celui de la Russie de Vladimir Poutine.

Faut-il encore le répéter : les Grecs n’ont pas inventé la Démocratie, ce qu’ils ont effectivement inventé n’est rien d’autre qu’un mode de scrutin. Quoi qu’on en pense, la Démocratie existait déjà depuis la plus haute Antiquité en Afrique Noire et sous plusieurs formes du reste. La Démocratie a toujours été le bien social le plus précieux pour les peuples africains. 

La Démocratie, contrairement à ce que beaucoup de gens croient dans le monde, n’est pas née en Grèce au Ve siècle avant Jésus-Christ. Ce qui est né sous le règne de Périclès à Athènes, c’est le suffrage par bulletin secret. Autrement dit le fait de voter à l’aide d’un caillou blanc pour dire « oui » et à l’aide d’un caillou noir pour dire « non » La Démocratie, quant à elle, est une institution aussi vieille que les êtres humains du moment où ils ont largement dépassé le cadre de la famille nucléaire. Sous les termes grecs de Kratos (souveraineté) et de Demos (peuple), le gouvernement du peuple par le peuple n’est pas en soi une invention nouvelle. La Démocratie grecque qui est devenue la forme occidentale admise a été précédée de plusieurs millénaires par la démocratie typiquement et authentiquement africaine. Avec un gouvernement représentatif, un système tout à fait égalitaire, un vote au suffrage direct et non secret, et une reconnaissance des droits aussi bien des femmes que des hommes, des enfants et contre toute attente pour certains, voire des droits reconnus aux animaux et aux arbres, etc. L’Histoire a gardé des preuves de l’existence très ancienne de la Démocratie dans la Nubie antique.

N’accusons pas la France, accusons-nous… Et ce n’est faire preuve ni de complaisance ni de faveur en aucune manière. C’est plutôt faire preuve d’objectivité et dire la vérité, n’en déplaise ! Si nous souffrons du Jihadisme  en Afrique de l’Ouest aujourd’hui, c’est surtout par notre stupidité conjuguée à notre cupidité et notre lâcheté qui ont conduit notre sous-région dans cette situation-là. En admettant même que nos accusations qui ne reposent nullement sur des preuves manifestes soient vraies, en quoi feraient-elles avancer nos Etats ? En rien. Si nous ne voulons pas que des individus comme Donald Trump, ancien Président des Etats-Unis d’Amérique, les traite de « Pays de merde », alors nous ferions mieux de trouver autre chose à faire que de passer notre temps à accuser les uns de nos faillites et de demander aux autres de venir nous sauver. Quel drôle de fierté et d’honneur ! N’accusons pas la France, accusons-nous… Ayons l’audace d’aller, preuves à l’appui, jusqu’à démasquer les vrais accusés dans ce sordide jeu pour lequel l’Afrique Noire apparaît – à l’image de l’Afrique en 1885 au Congrès de Berlin - comme un gâteau à partager entre les grandes puissances du monde et les puissances d’argent. Sans pour autant l’exempter de sa part de responsabilité historique par rapport à la chute en 2011 du Président libyen, le Colonel Mouammar Kadhafi, cessons néanmoins de gloser et de nous époumoner sur la France à longueur de journée. Ayons la sincérité d’assumer les errements de nos Etats faillis et de nous accuser de nos propres turpitudes. Ainsi, nous aurons fait un premier pas et le plus important sur le chemin qui mène à notre nécessaire, voire indispensable RENAISSANCE.

Par Marcus Boni Teiga

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