Nul ne peut le nier : il y a manifestement des problèmes de Gouvernance et de Démocratie au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). A ce propos, cette dernière institution, de par son fonctionnement chaotique et laxiste, n’est pas étrangère au délitement des institutions démocratiques nées des divers processus démocratiques de la fin des années 1980, à partir de la Conférence nationale souveraine du Bénin de février 1990, auquel l’on a pu observer ces dernières années. En se comportant comme un Syndicat des chefs d’Etat, comme beaucoup aiment à la dire, là où elle devait s’affirmer comme garante de la Bonne gouvernance et de la Démocratie à travers le respect des principes qui fondent l’Etat de droit dans son espace communautaire mais aussi et surtout l’observance stricte par chaque Etat et par-dessus-tout chef d’Etat membre – les hommes passant et les institutions leur survivant - des règles de coexistence dont elle est la gardienne.
Le 29 avril 2021, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avait rendu une décision à travers laquelle elle déclarait : « La Cour décide que les formations politiques et les citoyens du Sénégal qui ne peuvent se présenter aux élections du fait de la modification de la loi électorale [en 2018] doivent être rétablis dans leurs droits par la suppression du système de parrainage, qui constitue un véritable obstacle à la liberté et au secret de l’exercice du droit de vote, d’une part, et une sérieuse atteinte au droit de participer aux élections en tant que candidat, d’autre part. » Et cette déclaration intervenait également, au lendemain de l’élection présidentielle du 11 avril 2021 au Bénin, laquelle avaient été exclus de facto tous les candidats de l’opposition à cause du parrainage dans les mêmes conditions qu’au Sénégal. Faut-il le souligner l’Union sociale libérale (USL) n’avait pas eu une suite à sa saisine de la Cour de justice de la CEDEAO en procédure d’urgence à quelques semaines de la présidentielle qui avait permis au Président Macky Sall d’être réélu dès le premier tour avec plus de 58 % des suffrages en 2019, à l’instar du Président Patrice Talon en 2021.
Dans des pays comme le Bénin ou le Sénégal, lorsque les dirigeants en viennent à concocter des textes et lois qui détournent les principes démocratiques au seul profit des seuls princes qui gouvernent, il y a manifestement encore un problème. Surtout quand la CEDEAO laisse faire et que face à ses délibérations contre ces textes et lois ainsi qu’il en est du cas spécifique du système de parrainage pour lequel les chefs d’Etat de ces pays visés n’ont pas encore corrigé leurs textes à ce jour. Pas pour autant que l’on sache, il y a là manifestement un problème encore plus grave de crédibilité de cette institution vis-à-vis des peuples des Etats membres.
Et tout cela participe à rendre cette institution inaudible lorsque, par un concours de circonstance, elle vient s’ériger en défenseur de la Démocratie face à un coup d’Etat. Qu’il soit à l’instigation des populations lassées par la mal gouvernance ou les Troisièmes mandats présidentiels, voire ourdi par le Groupe Wagner et avec l’appétit vorace du pouvoir de quelques militaires.
L’ancien journaliste béninois, Charles Migan, n’a sans aucun doute pas tort en disant : « Faire l'apologie d'une démocratie tropicalisée, à géométrie variable, c'est prendre des libertés avec les dispositions constitutionnelles qui ouvrent la porte aux interventions militaires. S'en tenir à l'esprit du pouvoir qui est confié est le garant de la République ».
Pour autant, sous le fallacieux prétexte de la libération de l’Afrique de la France et l’Occident, et avec le soutien du Groupe Wagner, faudra-t-il désormais accepté de soutenir des coups d’Etat en Afrique? Il faut répondre à cette question par la négative et sans ambages.
Certes, il s’est trouvé des Africains en particulier de l’Afrique de l’Ouest pour soutenir des coups d’Etat au détriment des régimes civils. Et cela ne les dérange pas d’être en même temps ceux qui, à cor et à cri, trouvent qu’on ne saurait admettre des Troisièmes mandats présidentiels dans cette sous-région ou encore se plaindre d’être sous le joug de régimes civils mais dictatoriaux. Le cas du Bénin est un exemple patent.
Certains partis politiques de l’Opposition dans maints de ces pays de la CEDEAO, parce qu’ils sont incapables de créer des alternatives ou des alternances pour accéder au pouvoir – le processus démocratique étant vicié et les institutions de la République vassalisées -, en viennent même à louvoyer sur la question des coups d’Etat. En utilisant des subterfuges pour ne pas dénoncer et condamner de manière claire et catégorique le dernier coup d’Etat en date au Niger.
L’Algérie, dirigée en sous-main par des oligarques et des dignitaires militaires qui sont très jaloux de leurs privilèges n’ont jamais voulu de la Démocratie pour leur peuple. Ce n’est pas un fait nouveau. Les différentes répressions vis-à-vis de leurs populations lors des Hirak en témoignent. Il n’y a donc rien de très surprenant concernant l’attitude de l’Algérie par rapport au coup d’Etat au Niger. Pire, ses dirigeants se sont permis au passage d’édicter des mesures à suivre par la CEDEAO. Tout comme si la CEDEAO était aux ordres de l’Algérie. Et quand on connaît la grande proximité de l’Algérie avec la Russie de Vladimir Poutine dont Wagner est l’un des protagonistes des coups d’Etat en Afrique de l’Ouest, l’on a vite fait de tout comprendre. Du reste, dans les conflits en Afrique de l’Ouest, notamment dans la crise au Mali, l’Algérie n’a cessé de jouer double jeu en se posant prétendument en pays médiateur, mais un médiateur au jeu on ne peut plus ambigu. Et cela, à la fois pour régler certains comptes avec la France et pour s’arroger une influence géopolitique en Afrique Noire au regard de son éternel rival, le Maroc.
Si, au sortir de la crise sociopolitique au Niger sur fond de coup d’Etat et de kidnapping, la CEDEAO ne se réforme pas en profondeur, il y a fort à parier qu’elle perdra le peu de crédibilité qu’il lui reste encore et pire qu’elle disparaîtra. D’autant plus qu’une chose est sûre et certaine, les échéances électorales à venir dans plusieurs pays seront des sources d’explosions sociales et la CEDEAO fera face à de nouvelles instabilités sociopolitiques. Tant les germes ont déjà suffisamment répandus et les ressentiments très forts pour que cela soit évité par ses méthodes conciliantes, voire complices avec les chefs d’Etat des pays membres qui rusent sempiternellement avec les principes démocratiques. Et, au lieu de coups d’Etat qui seront vivement condamnés et combattus, il faudra alors s’attendre à de violents soulèvement populaires avec pour objectifs de faire tomber les régimes que la CEDEAO n’a jamais eu le courage de dénoncer et de condamner. Après tout, le peuple a le droit de se rebeller pour suppléer les coups d’Etat interdits aux militaires. Car, seul le peuple est Souverain, et aucun chef d’Etat ni aucune Constitution ne saurait être au-dessus du peuple.
Par Marcus Boni Teiga