La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a besoin de se réinventer. Pour les citoyens des pays membres qui attendent tout autres choses de leur Institution régionale que celle qui a fait long feu, il s’agit d’une évidence et d’une nécessité. Car bien des décennies après sa création, la CEDEAO a beaucoup de mal à trouver ses marques pour avancer dans la réalisation de ses idéaux et pour le bien des populations de ses pays membres. Et pour ce faire, il est impératif de procéder à une relecture tant des institutions qui la composent que ses mécanismes de fonctionnement.
La CEDEAO qui se voulait essentiellement une institution à caractère économique au départ a malheureusement été rattrapée par les pesanteurs plus politiques que sociologiques de ses pays membres. Au point que, même bien huilée, elle ne pouvait que se gripper au fil des années de fonctionnement marqué plus par un quasi immobilisme. Pour devenir finalement une machine à entraîner plus de grincements dans l’adoption et la mise en œuvre des mesures inhérentes à son fonctionnement que de bons roulements.
L’un des problèmes majeurs de cette institution demeure son incapacité à transcender les desiderata des gouvernants des Etats qui la composent à chaque période de sa vie. Or, force est de reconnaître que les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres ne peuvent pas continuer d’être au-dessus des institutions de la CEDEAO pour que les choses fonctionnent normalement pour le meilleur des ressortissants des pays membres.
le 29 avril 2021, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avait rendu une décision à travers laquelle elle déclarait : « La Cour décide que les formations politiques et les citoyens du Sénégal qui ne peuvent se présenter aux élections du fait de la modification de la loi électorale [en 2018] doivent être rétablis dans leurs droits par la suppression du système de parrainage, qui constitue un véritable obstacle à la liberté et au secret de l’exercice du droit de vote, d’une part, et une sérieuse atteinte au droit de participer aux élections en tant que candidat, d’autre part. ». Et cette déclaration intervenait également, au lendemain de l’élection présidentielle du 11 avril 2021 au Bénin, laquelle avaient été exclus de facto tous les candidats de l’opposition à cause du parrainage dans les mêmes conditions qu’au Sénégal. Faut-il le souligner l’Union sociale libérale (USL) n’avait pas eu une suite à sa saisine de la Cour de justice de la CEDEAO en procédure d’urgence à quelques semaines de la présidentielle qui avait permis au Président Macky Sall d’être réélu dès le premier tour avec plus de 58 % des suffrages en 2019, à l’instar du Président Patrice Talon en 2021.
Aujourd’hui, face au contexte sociopolitique délétère au Sénégal dans la perspective de la Présidentielle de 2024 et autres situations du genre à venir dans bien d’autres pays, quel est le poids et la force que les citoyens peuvent-ils encore accorder à leur institution régionale si elle n’est là seulement que pour se contenter de quelques déclarations de principes ? Lesquelles ne sont jamais suivis d’effet.
Dans la CEDEAO réformée que la majorité des citoyens de l’espace communautaire appellent à présent de tous leurs vœux, il ne saurait y avoir de place pour des régimes qui n’émanent pas de la souveraineté des peuples. Et plus encore, il ne saurait y avoir de place pour des Pouvoirs militaires issus de coups d’Etat. Tout pouvoir qui n’obéit pas aux principes fondamentaux de la Démocratie, quel qu’il soit, ne saurait être une alternative à un régime civil, démocratiquement élu.
Pour incarner une nouvelle image et une nouvelle dynamique plus en phase avec les réalités sociopolitiques du moment et les attentes des ressortissants de ses pays membres, la CEDEAO est condamnée à changer en profondeur. Cette mue, elle en a davantage besoin pour ses Institutions pour être plus forte et exigeante. Voire Supranationale ! Mais elle ne peut plus se payer le luxe de continuer à être incapable de faire respecter, ne serait-ce que le fait de mettre le drapeau de la CEDEAO aux côtés de celui de chaque pays membre devant les bâtiments officiels. Sinon, alors elle le serait encore davantage quand il s’agit de jouer les gendarmes pour faire respecter par tous – y compris les chefs d’Etat et de gouvernement -, les principes de l’Etat de droit et de la démocratie en vigueur dans chacun de ses pays membres. Ce qui est bien dommage pour une institution régionale qui aurait pu servir de modèle sur l’échiquier continental. Néanmoins, il ne s’agit pas non plus de jeter l’enfant avec l’eau du bain, comme une certaine opinion en a la propension, même s’il s’avère important de critiquer ce qui ne va pas. Que ceux qui ne veulent plus la CEDEAO, pour des raisons inavouées, la quittent tout simplement et que ceux qui veulent la réformer s’en occupent correctement au nom de l’intérêt supérieur de la communauté. Elle a connu ses hauts et ses bas, mais plus de bas que de hauts, pourrait-on dire, à l’heure du bilan de parcours. Pour autant, il faut savoir raison garder et travailler à la rendre encore meilleure.
Par Marcus Boni Teiga