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EDITORIAL – CPI : Pourquoi un mandat d’arrêt contre Poutine ne suffit pas…

Le 17 mars, la Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d'arrêt contre le Président russe, Vladimir Poutine. Les chefs d’inculpation qui lui sont reprochés concernent notamment des crimes de guerre relatifs à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Aux crimes de guerre s’ajoute la déportation illégale d’enfants ukrainiens.

D’un point de vue juridique, la question ne se pose plus de savoir si Vladimir Poutine est responsable ou non si ce n’est dans la forme et la procédure. Il n’est un secret pour personne, comme l’indique la CPI elle-même, qu’il y a « des motifs raisonnables de croire que Vladimir Poutine est personnellement responsable de ces crimes ». Pire, nul ne peut occulter le fait que, en Ukraine, des populations civiles et des infrastructures civiles sont délibérément prises pour cibles. Une nouvelle donne inédite en temps de guerre qui ne saurait être tolérée en aucune manière et de quelque puissance que ce soit. Les Occidentaux, et en particulier les Américains, auxquels l’on reproche souvent et à juste titre des débordements dans leurs actions militaires précédentes n’ont jamais opéré ainsi.

Avec la guerre en Ukraine, la CPI semble se réveiller du jour au lendemain pour se rendre compte subitement que Vladimir Poutine est responsable de crimes de guerre. Tout comme s’il n’y avait pas eu la guerre en Tchétchénie, en Géorgie et en Syrie où les boucheries humaines ont atteint des proportions innommables avant celle qui se déroule à présent en Ukraine sous leurs yeux.

« La Cour pénale internationale doit adopter une position objective et impartiale, respecter l'immunité de juridiction des chefs d'État en vertu du droit international », a déclaré  Wang Wenbin, un porte-parole de la diplomatie chinoise, à la suite de la décision des juges de la CPI. Si cette position peut faire écho jusqu’en Afrique où les chefs d’Etat de ces pays les plus faibles sont souvent les victimes faciles de la CPI, il ne saurait en être autrement lorsqu’il a poursuivi en déclarant à la veille de la visite d’Etat du Président chinois Xi Jinping à son homologue russe Vladimir Poutine : « Les deux parties (...) vont pratiquer un véritable multilatéralisme, promouvoir la démocratie dans les relations internationales, construire un monde multipolaire, améliorer la gouvernance mondiale et contribuer au développement et au progrès du monde ». Il est vrai qu’en matière de démocratie, rien n’est jamais définitivement acquis et que l’on peut considérer que chaque pays est en voie de développement. Mais de là, à faire croire au monde que la Chine et la Russie, ouvertement hostiles aux principes fondamentaux de la Démocratie, vont promouvoir la démocratie dans les relations internationales, reviendrait purement et simplement à faire croire à un adulte que le Père Noël descend vraiment du Ciel.

Les mandats d’arrêts de la CPI n’ont d’effet que lorsque les pays membres consentent à collaborer. Le cas de l’ancien Président du Soudan, Omar el-Bechir, est là pour nous le rappeler. En dépit du mandat d’arrêt émis contre lui pour crime de génocide le 4 mars 2009, il a continué à voyager en Afrique et à travers le monde (en Libye, au Qatar, en Égypte, au Tchad, en Djibouti, au Kenya, en Chine, en Afrique du Sud, en Inde, en Russie…) impunément jusqu’au moment où il a été renversé par un coup d’Etat le 11 avril 2019. Et, la junte militaire au Soudan qui a promis de le livrer, ne l’a pas encore fait à ce jour.

Au-delà du symbole, le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) contre le Président russe, Vladimir Poutine, n’est qu’un coup d’épée dans l’eau. Même si, en revanche, les crimes à lui reprochés sont bien corroborés et étayés. Cette institution basée à La Haye, aux Pays-Bas, sait en effet pertinemment qu’elle n’a pas les moyens de faire appliquer sa décision. Et pour cause, par décret présidentiel du 16 novembre 2016, la Russie avait déjà déclaré à la CPI sa « volonté (…) de ne pas prendre part au Statut de Rome de la Cour pénale internationale ». En outre, la CPI n’a pas de moyens coercitifs susceptibles de faire arrêter et livrer à la justice internationale le chef d’Etat d’une puissance nucléaire, qui plus est,  siégeant au Conseil de sécurité de l’ONU. Même si l’on excepte les menaces puériles faites pour amuser la galerie de l’ancien Président Dmitri Medvedev qui parle, le cas échéant d’utiliser toutes les capacités, missiles et autres, pour bombarder le Bundestag, le bureau du chancelier et ainsi de suite…Bref bombarder tout le monde occidental.

Un mandat d’arrêt de la CPI ne suffit pas à changer le cours de la guerre en Ukraine et encore moins le cours des relations internationales. En réalité, depuis sa création, la CPI s’échine à masquer les tribulations et l’incapacité de l’ONU à jouer pleinement son rôle de gouvernance équilibrée sur l’échiquier international. Preuve s’il en était encore besoin qu’il y a bien longtemps que l’ONU est complètement obsolète et ne représente plus qu’une grande coquille vide. Elle mérite une grande réforme dans laquelle l’Afrique doit trouver la place qui est la leur proportionnellement à son importance dans les enjeux stratégiques et économiques d’aujourd’hui et de demain. Non point parce qu’elle compte un nombre impressionnant d’ogives nucléaires mais plutôt parce que ni les puissances nucléaires ni les grandes puissances siégeant au Conseil de sécurité de l’ONU ne sont plus légitimes à décider tout seuls de la marche du monde en ignorant royalement tout un continent qu’on appelle l’Afrique. Faire que l’Afrique soit équitablement représentée dans le Conseil de sécurité de l’ONU et dans la gouvernance du monde, même si aucun pays du continent ne dispose d’armes nucléaires, serait la première pierre à poser en vue de « construire un monde multipolaire, améliorer la gouvernance mondiale et contribuer au développement et au progrès du monde ». Et ce n’est guère en faisant régner la loi de la jungle et en piétinant ou en « colonisant » derechef les pays africains dans tous les domaines au motif que ce sont pour la plupart des pays pauvres ou des « Pays de merde » de l’ancien Président américain Donald Trump que l’on construira un véritable multilatéralisme et un monde meilleur.

Par Marcus Boni Teiga

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