Le deuxième sommet entre l’Union européenne et l’Afrique qui s’était tenu à Lisbonne au Portugal du 7 au 9 décembre 2007 s’était achevé sur une série de bonnes intentions comme d’habitude. Les mêmes professions de foi déjà entendues à maintes occasions dans d’autres fora sont revenues. Il s’agit notamment des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), la lutte contre la corruption, le respect des droits de l’homme et la bonne gouvernance, l’accroissement des investissements en Afrique.
Si l’Afrique avait profité de la tribune de Lisbonne pour exiger de l’Europe un partenariat d’égal à égal, il va sans dire qu’elle prenait déjà de plus en plus conscience de l’enjeu qu’elle représente dans le concert des grands ensembles du monde. Ce n’est plus l’Afrique qui tend la main pour mendier ou qu’on aide à grand renfort médiatique par rapport à telle ou telle autre calamité qui s’était exprimée à Lisbonne, mais l’Afrique dont on a aussi besoin économiquement et stratégiquement, malgré sa situation peu reluisante pour l’heure. La déclaration de Lisbonne, du reste, en disait long. Il s’agissait en effet dorénavant de bâtir un nouveau partenariat politique et stratégique pour l’avenir en dépassant les traditionnelles relations de bailleurs de fonds à bénéficiaires.
De toutes les envolées lyriques et les coups de gueule des uns et des autres, ce n’était ni le président en exercice de l’Union africaine, l’ex-Président John Kuffuor du Ghana ni le président de la Commission, l’ex-Président Alpha Oumar Konaré, ni encore l’ex-Président Abdoulaye Wade du Sénégal qui auront été les grandes vedettes africaines de ce sommet. Loin s’en faut. Même sans prononcer un discours, l’ex-Président Robert Mugabé du Zimbabwe avait déjà coiffé tout le monde au poteau avant son arrivée, lui le dictateur invétéré de surcroît interdit de séjour en Europe. La hargne de l’ancien Premier ministre britannique, Gordon Brown, pour empêcher ce Président d’un pays souverain qui ne se prend pas moins pour un Souverain d’être au rendez-vous de Lisbonne n’y avait rien fait. Et c’est plutôt lui qui, bon gré mal gré, aura été l’hôte indésirable de ce deuxième sommet Union européenne –Union africaine. C’est bien le cas de le dire, car il s’était agi d’une union entre les Africains pour soutenir que le ci-devant dictateur africain représentant un pays indépendant et souverain se devait bel et bien de prendre part au sommet, quelque crime de lèse-majesté ou de lèse -démocratie qu’on puisse lui reprocher. A tort ou à raison. Soit.
Le père de la lutte de libération et d’indépendance du Zimbabwe avait même eu droit à une cerise sur le gâteau à son arrivée à Lisbonne. Mis à part les photos de l’autre truculent dictateur, l’ex-Guide libyen Mouammar El Khadafi dont la presse avait révélé que les porteurs le faisaient contre espèces sonnantes et trébuchantes pour la plupart, il n’y avait plus que celles de Mugabé pour exprimer non pas un soutien quelconque à son régime, mais le refus des Africains ou des pays africains de continuer à supporter sempiternellement le paternalisme et les diktats des dirigeants des anciens pays colonisateurs.
A travers Mugabé et sa combien discutable réforme agraire au Zimbabwe qui suscitait l’ire de l’Angleterre et de son Premier ministre plus que les violations des droits des Zimbabwéens et l’emprisonnement des leaders d’opposition, syndicalistes et journalistes, c’est à un nouveau leadership que les Africains aspiraient. Et tant pis s’il ne se trouve que par pure coïncidence de l’histoire que des dictateurs pour incarner, pour le moment, cette aspiration profonde. Le message est bien passé auprès des chefs d’Etat africains qui voulaient bien le décrypter. A défaut, l’Afrique qui en avait connu tant d’autres et pas des moins célèbres comme Idi Amin Dada, Sékou Touré pour ne citer que ceux-là ne se fera pas faute de donner à Dieu ce qui est à Dieu et à ces derniers ce qui leur revient. Au nez et à la barbe de tous ceux qui n’ont rien d’autre que de se gargariser d’être élu démocratiquement cependant qu’ils ont à peine le courage de soutenir l’idée qu’ils représentent des citoyens d’un pays indépendant et souverain devant leurs homologues occidentaux. Et qui, en principe, sont les mieux fondés pour cela.
Au regard des événements sociopolitiques en cours à travers l’Afrique, on est bien obligé de constater une régression évidente de l’apprentissage démocratique dans bien des pays du continent. Et c’est le moins qu’on puisse en dire…Surtout quand on sait que c’est en évinçant par coup d’Etat ceux qui ont reçu mandat de gouverner selon les règles et principes du peuple souverain que des militaires reviennent au pouvoir dans certains pays francophones. Pire, ces derniers n’ont rien à y répondre de crédible que de parler à l’Occident de « Souveraineté » ou de « diversifier les Partenaires » quand ils sont contrariés dans leurs desseins inavoués. Autant dire qu’avec les nouveaux appétits géopolitiques de la Chine et de la Russie, il y a le risque ou la tentation d’un retour de l’Afrique aux temps que l’on croyait à jamais révolu, mais du moins maudits, des Dictatures ou des Régimes forts. C’est selon !
Par Marcus Boni Teiga