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EDITORIAL AFRIQUE : Rester dans les casernes ou changer de métier

Marcus Boni Teiga
Marcus Boni Teiga

Mali, Guinée, Burkina Faso et… tentative ratée de coup d’Etat en Guinée-Bissau. Jusqu’où s’arrêtera la « Pandémie Kaki » qui s’est emparée de l’Afrique de l’Ouest ? Si certaines interventions des militaires ont parfois permis de débloquer des situations sociopolitiques complexes et inextricables, le coup d’Etat n’est en rien à souhaiter à un pays. Et, si par malheur il venait à intervenir, il ne devrait avoir qu’une fonction de salut public le cas échéant. Dans ces conditions, l’accession des militaires au Pouvoir doit être la plus brève possible. Elle devrait durer juste le temps nécessaire pour permettre de remettre sur les rails le processus démocratique interrompu, à tort ou à raison. Car, la souveraineté appartient au peuple et à lui seul il appartient de désigner celui à qui mander le Pouvoir. Et nul autre que lui ne saurait s’arroger ce Pouvoir sous aucun prétexte. Le peuple peut se tromper, le peuple a le droit de se tromper, mais seul le peuple a aussi le droit de choisir celui qui doit le diriger en fonction de son Projet de société, dans le respect des règles établies par toutes les composantes du pays et sans exclusive. 

Pendant longtemps, au lieu d’avoir des Armées de Professionnels, l’Afrique a continué à former dans la plupart des pays des Armées de Fonctionnaires. Habitués à passer le plus clair de leur service comme des Fonctionnaires de l’Etat – sans même parfois se battre une seule fois en situation réelle de toute leur carrière -, et les conditions dans lesquelles certaines armées ont jusque-là évolué relève du cache-misère. Or, le terrorisme islamique et l’insécurité ambiante en Afrique de l’Ouest sont venus troubler l’oisiveté légendaire des Armées souvent promptes à obéir et soutenir des dictateurs au détriment des aspirations démocratiques légitimes de leurs peuples. Quitte à réprimer des manifestants civils à mains nues, y compris en tirant à balles réelles sur ces personnes sans défense qu’à se battre contre des ennemis réels.

Il faut être on ne peut plus naïf pour se mettre à applaudir béatement à tout rompre des militaires qui prennent le Pouvoir. En effet, c’est infiniment plus facile de faire un coup d’Etat que de se battre contre des terroristes et beaucoup plus encore contre des manifestants civils à mains nues. Tout militaire qui se découvre un destin national devrait rendre son treillis et descendre dans l’arène politique pour se faire adouber. Au lieu de s’abriter derrière des problèmes de terrorisme jihadiste et d’insécurité pour masquer la tentation du Pouvoir d’une nouvelle génération de militaires africains certes mieux instruits mais pas plus doués pour gouverner que leurs prédécesseurs. Bien au contraire ! Et c’est cette propension, voire passion des militaires africains à s’immiscer là où ne les attend pas qui doit alerter. La vocation des militaires, ça n’est pas de gouverner mais de combattre. On sait lorsqu’ils arrivent au Pouvoir mais jamais lorsqu’ils le quittent. Les militaires doivent rester dans les casernes ou changer de métier si tant est qu’ils se découvrent une vocation d’acteurs politiques et qu’ils aspirent à gouverner leurs peuples. Le Pouvoir se conquiert par les urnes avec un Projet de société et non par les armes avec la force.

Dans sa chronique sur RFI, Burkina: en attendant les miracles…, l’éditorialiste Jean-Baptiste Placca écrit: « Si les coups d’État sont contraires aux bonnes mœurs démocratiques – et ils le sont – alors, il ne faut pas les accepter, même du bout des lèvres. Le Nigeria a déjà eu à faire échec à un coup d’État en Sierra Leone, et le Sénégal, en Gambie. Et l’on attend de savoir de quelle expertise se prévalent les militaires pour s’estimer plus qualifiés, pour diriger leur pays, que les médecins, les enseignants et tant d’autres professions utiles. Les putschistes justifient leur coup par ce qu’ils considèrent comme des défaillances de leadership d’un chef d’État élu. À ce prix, nombre de chefs d’État, de par le monde, perdraient le pouvoir au bout de deux ans. Aux États-Unis, en France, au Japon… »

Il ne faut guère se leurrer. N’est pas Thomas Sankara ou Jerry John Rawlings qui veut. L’Afrique de l’Ouest n’a pas connu de militaires charismatiques depuis les périodes mouvementées des années 1970. Peu importe ce que les nouveaux « Révolutionnaires » voudraient défendre, ce qu’on leur demande n’est rien d’autre que de rendre leur « Kaki » et de se faire élire d’abord si tant est qu’ils s’estiment prêt pour le combat politique et qu’ils croient pouvoir faire mieux. Ce n’est guère en s’opposant à la France et en faisant appel à la Russie qu’on se construit une stature de leader charismatique et panafricaniste. C’est une antienne que les dictateurs civils du continent ont l’habitude de claironner chaque fois qu’ils sont montrés du doigt par un partenaire étranger. Pour avoir manqué à leurs obligations démocratiques ou pour violation des Droits de l’Homme.  Ou tout simplement parce qu’ils ne sont pas légitimes, ce qui est en effet le cas de tous les putschistes au Pouvoir actuellement. Comme dirait Constant Sinzogan: « La question fondamentale pour l'Africain que je suis, souverainiste mais rationnel, est celle-ci : pourquoi devrions-nous passer de maîtres en maîtres, de tutelle en tutelle, de chapelle en chapelle, de giron en giron avec un enthousiasme naïf et idiot sans jamais nous alerter des manœuvres égoïstes de nos potentats locaux qui nous font croire à un ennemi fantasmagorique français pour ne pas faire face à leurs responsabilités démocratiques ? »

Par Marcus Boni Teiga

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