En Afrique, la fin des années 1980 et le début des années 1990 ont été marqués de façon indélébile parce qu’il est convenu d’appeler le Renouveau démocratique : naissance de la démocratie pour certains pays et rétablissement pour d’autres. En tout cas, en lieu et place des anciens régimes de parti unique, de nouveaux régimes plus ouverts ont vu le jour, soit à l’issue d’états généraux, à l’instar de la Conférence des forces vives de la nation, en février 1990 au Bénin (la première du genre), soit directement par la révision de la Constitution et la tenue d’élections pluralistes, libres et équitables, comme ce fut le cas au Cap-Vert. Même des pays où multipartisme et élections avaient déjà droit de cité, à l’exemple du Sénégal, ont dû se mettre au diapason de la nouvelle donne politique.
Deux décennies après ce qui ressemblait à une révolution dans les mœurs politiques, la déception est réelle dans nombre de pays. Des événements récents sont là pour nous le rappeler : des révisions constitutionnelles pour s’octroyer un Troisième mandat aux coups d’Etat en Afrique de l’Ouest en passant par le remplacement des régimes démocratiques par des dictatures, à l’instar du Bénin où la Conférence nationale est née.
Certains dirigeants sont passés maîtres dans l’art des révisions constitutionnelles et autres tripatouillages des résultats électoraux en vue de s’éterniser au pouvoir ou de le conquérir. Sur l’ensemble du continent, le tableau est maintenant en train de s’assombrir et particulièrement en Afrique francophone. A l’opposé, dans le reste des pays anglophones, lusophones ; on peut heureusement constater que les règles du jeu démocratique sont plus ou moins respectées. La tenue à bonne date des élections et le fonctionnement normal des institutions permettent de ne pas désespérer de l’enracinement de la démocratie. Aussi, pour encourager davantage de pays à la mettre en pratique, il faudrait à la France, l’Europe et les Etats-Unis de ressusciter la « prime à la démocratie ». De même, les mauvais élèves devraient être sanctionnés. Une promesse dans ce sens avait été faite aux pays africains lors du fameux discours de La Baule*. Mais elle n’a jamais été tenue. Et le Bénin s’en était toujours plaint par la voix du Président Nicéphore Soglo (1991-1996) avant que sa démocratie ne fasse définitivement naufrage avec l’avènement du Président Patrice Talon en 2016.
Il n’est point question de mettre les pays francophones d’Afrique et par-delà tous ceux du continent sous perfusion de la « prime à la démocratie » comme on l’a fait en son temps avec les PAS (Programme d’ajustement structurel). Ou comme s’il fallait forcément aux Africains une prime pour les forcer à être des démocrates ou enclins à la démocratie qu’ils ont été - je ne cesserai jamais assez de le répéter -, les premiers à inventer. Les Grecs n’ont pas inventé la Démocratie, ce qu’ils ont effectivement inventé n’est rien d’autre qu’un mode de scrutin. Ce qui est né sous le règne de Périclès à Athènes, c’est le suffrage par bulletin secret. Autrement dit le fait de voter à l’aide d’un caillou blanc pour dire « oui » et à l’aide d’un caillou noir pour dire « non » La Démocratie, quant à elle, est une institution aussi vieille que les êtres humains du moment où ils ont largement dépassé le cadre de la famille nucléaire. Sous les termes grecs de Kratos (souveraineté) et de Demos (peuple), le gouvernement du peuple par le peuple n’est pas en soi une invention nouvelle. La Démocratie grecque qui est devenue la forme occidentale admise a été précédée de plusieurs millénaires par la démocratie typiquement et authentiquement africaine. Avec un gouvernement représentatif, un système tout à fait égalitaire, un vote au suffrage direct et non secret, et une reconnaissance des droits aussi bien des femmes que des hommes, des enfants et contre toute attente pour certains, voire des droits reconnus aux animaux et aux arbres, etc. L’Histoire a gardé des preuves de l’existence très ancienne de la Démocratie dans la Nubie antique.
En somme, la « prime à la démocratie » en accord avec les organisations sous-régionales dans un nouveau partenariat à établir avec l’Afrique, pourrait bel et bien s’inscrire dans les différentes autres formes de coopération qui existent déjà entre les ensembles régionaux des deux continents. Ce serait probablement pour les pays de l’Occident, si tant est qu’ils sont attachés aux valeurs démocratiques et désireux de les promouvoir, une alternative afin de combattre résolument la tentation et l’inclination vers des contre-valeurs proposées à l’Afrique maintenant de manière décomplexée par des puissances où l’autocratie est le modèle élu.
Par Marcus Boni Teiga
* En 1990, le Président Mitterrand avait promis de soutenir les régimes qui s’engageraient dans la voie de la démocratisation.