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MONDE/CHINE : Il était une fois… les massacres de la Place Tian'anmen

Place Tian'anmen 1989.
Place Tian'anmen 1989.

Bien qu’elle ait connu beaucoup d’événements de grande importance, c’est davantage l’un des tout derniers qui contribua à faire connaître la Place Tian'anmen partout dans le monde. L’insurrection démocratique de 1989 rappelle les événements qui l’avaient rendue si tragiquement célèbre de par le monde, en l’occurrence ceux des massacres dont elle fut le théâtre dans un passé bien récent.

Place Tian'anmen. C’est là, en effet, du haut des murailles de la Cité interdite que le premier octobre 1949, Mao Tsé-tung proclame la République populaire de Chine. Elle tient son nom du fait de sa situation géographique qui fait d’elle la porte d’accès à l’entrée sud de la Cité interdite. Toute chose qui lui vaut aussi le nom de Place de la porte de la Paix Céleste, en ce sens qu’elle est au sud de la fameuse Porte de la Paix Céleste de la Cité interdite. Avec plus de 40 hectares, il s’agit de l’une des plus vastes places au monde. Dans l’ordre, elle occupe le quatrième rang, bien après une autre grande Place de Chine, à savoir la Place Xinghai de Dalian. Les autres sont la Place des Tournesols de Palmas au Brésil et la Place Merdeka de Jakarta en Indonésie.

Située en plein centre de Pékin, La Place Tian'anmen apparaît aussi comme si l’on a volontairement décidé de concentrer tout autour la grande histoire de Chine. Il y a certes la Cité interdite dont on sait ce qu’elle évoque pour la mémoire collective du pays avec ses fameuses Porte de la Paix Céleste et Porte Zhenyang, mais aussi tous les édifices et monuments qui marquent l’histoire de la Chine.

Des archives britanniques déclassifiées en 2017, renseignent énormément sur l’ampleur insoupçonnée de la purge qui eut lieu à l’occasion de qu’on qualifia de Printemps de Pékin à la Place Tian'anmen et montrent que les massacres furent largement sous estimées à l’endroit de la communauté internationale.

Le décès d’une crise cardiaque intervenue le 15 avril 1989 de Hu Yaobang, l’ancien Secrétaire général du Parti communiste chinois qui n’était plus en odeur de sainteté avec le régime depuis 1987, est le point de départ de la contestation pro-démocratique. La jeunesse chinoise et particulièrement estudiantine qui pleure un homme intègre et ouvert au changement exige alors plus de réformes démocratiques de la part du gouvernement Deng Xiaoping. Des manifestations spontanées s’organisent çà et là dans le pays en mémoire de Hu Yaobang, mais aussi pour réclamer plus de libertés et de démocratie. Les étudiants de Pékin manifestent à la Place Tian'anmen. Car un peu partout dans le monde, l’heure est à l’ouverture et aux grandes mutations sociopolitiques. Mais la question divise au sein du Pcc. Si Zhao Ziyang, le Secrétaire général est à l’image de son défunt prédécesseur Hu Yaobang, les grands pontes ne veulent rien entendre des revendications des étudiants qui reçoivent le soutien des Pékinois et de leurs compatriotes de l’intérieur du pays. La visite du président Mikhaïl Gorbatchev qui conduit des changements sociopolitiques en Russie est attendue par les étudiants comme une aubaine pour faire échos de leurs propres revendications auprès de leurs dirigeants. Au lieu de se tenir à la Place Tian'anmen comme prévue, la poignée de mains entre les « camarades » Deng Xiaoping et Gorbatchev se fait ailleurs, loin de l’agitation qui secoue Pékin. Pour une visite historique censée couronnée le réchauffement des relations entre la Russie et la Chine, c’est un camouflet en quelque sorte.

Le Premier ministre Li Peng et le président Deng Xiaoping qui sont des partisans de la manière forte tentent d’avoir le soutien des anciens du parti et de convaincre d’autres camarades qu’il faut faire évacuer les étudiants coûte que coûte. Y compris au prix du sang, bien évidemment. Cependant, pour gagner du temps, ils font semblant d’engager le dialogue avec les leaders étudiants qui n’aboutit à rien. A la suite de son échec programmé, la loi martiale est proclamée le 20 mai. 

Pour mettre en œuvre son plan, Deng Xiaoping se trouve malgré tout confronté à des difficultés imprévues. Même au sein de son armée, des divisions existent et elles sont très fortes quant à la conduite à tenir face aux manifestants. Beaucoup de militaires répugnant à se livrer à un massacre contre de jeunes étudiants qui n’ont que des tracts et des mots à la bouche pour toutes armes. Il doit se résoudre à faire appel à des troupes de l’intérieur du pays pour parvenir à ses fins. Mais cela ne suffit pas. Cantonnées en attendant leur intervention, elles subissent un lavage de cerveau en règle. On leur raconte des tas de mensonges dont l’objectif final est que leurs mains ne tremblent ou n’hésitent point quand ils seront sur la Place Tian'anmen.

Dans la nuit du 3 au 4 juin, l’armée chinoise est décidée à faire évacuer la Place Tian'anmen de ses occupants, qualifiés de contre-révolutionnaires. Il s’ensuit un déchaînement de violence d’une rare intensité contre ces derniers. Dans son compte-rendu, sur la foi d’un contact faisant partie du gouvernement chinois, Alan Donald, ambassadeur du Royaume-Uni écrit que : « les étudiants ont cru comprendre qu’ils avaient une heure pour évacuer, mais après seulement cinq minutes, les blindés ont attaqué ». Il parle de manifestants « taillés en pièces », de blindés qui ont « roulé sur les corps à de nombreuses reprises, faisant comme une “pâte” avant que les restes soient ramassés au bulldozer. Restes incinérés et évacués au jet d’eau dans les égouts ». « Quatre étudiantes blessées qui imploraient d’être épargnées ont reçu des coups de baïonnette », des ambulances militaires, quant à eux, « ont essuyé des coups de feu alors qu’elles tentaient d’intervenir », et la liste des atrocités commises est tout aussi macabre.

A en croire le document diplomatique, la République populaire de Chine est passée tout près d’une nouvelle révolution, en raison des divergences qui sont nées de la gestion de cette crise au sein de l’armée. Certains chefs ayant ouvertement manifesté leur hostilité face aux massacres, à l’instar du Commandant militaire de la Région de Pékin qui refuse de fournir la logistique aux soldats à charge des tueries ou encore des réactions de certains membres du gouvernement qui ne mâchent pas leurs mots.

La répression contre les revendications de démocratisation du pouvoir en Chine dura près de sept semaines. Et Alan Donald, ambassadeur du Royaume-Uni en son temps, parle de : « Estimation minimale des morts civils 10 000 » dans son télégramme diplomatique à l’intention de ses supérieurs. Entre le 15 avril et le 5 juin 1989, la 27e armée composée en majorité de soldats incultes et traités de « primitifs » de la province du Shanxi qui sont aux ordres de Yang Zhenhua, neveu de Yang Shangkun, alors président de la République populaire de Chine, vont s’occuper de mâter sans ménagement les manifestants de Place Tian'anmen. Une répression sans merci et sans pitié qui s’est poursuivie à travers tout le pays. Le Pouvoir chinois, pour sa part, laisse toujours entendre à la fin juin 1989 que la répression des « émeutes contre-révolutionnaires » entraîne 200 morts du côté des manifestants civils et « plusieurs dizaines » du côté des soldats. En effet, toute dictature a ce ceci de particulier qu’elle s’ingénie toujours, y compris par l’intimidation et la force,  à faire prendre des vessies pour des lanternes à tous ceux qui ont le malheur de la subir, ce qu’elle sait pertinemment qu’aucun citoyen, même le plus attardé mentalement, n’accepterait jamais autrement en son âme et conscience. 

Par Tcha Sakaro

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