On a beau critiquer la politique de la Chine, on lui reconnaîtra à la différence de la Russie de ne pas intervenir de manière flagrante et ostentatoire dans les affaires des pays africains. Excepté vis-à-vis de Taïwan et du Tibet, l’Empire du Milieu a de tout temps prôné et observé sa politique de non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres pays, et à plus forte raison celles des anciennes colonies africaines des puissances de l’Occident.
C’est nouveau dans la coopération entre la Chine et les pays d’Afrique. Après quelques expériences qui ont montré leurs limites quant au remboursement des prêts à eux accordés par la Chine, le pays de Xi Jinping a décidé d’acter de nouvelles mesures. Dorénavant, il n’accordera plus de prêts pour certains investissements à des pays africains sans être certain au préalable de leur capacité de solvabilité. Il va sans dire que les prêts aux États africains ne seront fonction des programmes auxquels les pays sont éligibles et surtout de leur capacité à rembourser leurs dettes.
Le dernier Congrès national du PCC, qui s’est tenu à Pékin du 16 au 22 octobre 2022 est un tournant autant dans la vie sociopolitique de la Chine elle-même que dans ses relations avec l’Afrique. En effet, l’ambassadeur de Chine au Kenya, Zhou Pingjiang, s’adressant à la presse à cette occasion a été clair. En déclarant : « Nous sommes prêts à écouter, à discuter et à améliorer la coopération en tant que partenaires égaux […] Les Chinois peuvent s’intégrer dans certains programmes et, à l’avenir, la priorité de notre coopération sera décidée par les deux parties concernées ».
Après s’être concentré sur les financements et les investissements en vue de la réalisation des infrastructures en Afrique pendant plus de dix ans, la Chine s’est trouvée face au lancinant problème du remboursement de la dette que les pays africains ont toujours traîné comme des boulets. Les mauvais payeurs n’auront plus d’état de grâce. Car les dettes de nombreux pays d’Afrique ne font que s’accumuler. Au risque de faire craindre un nouvel endettement susceptible de gager l’avenir de la jeunesse de tout un continent si rien n’est fait.
Le Kenya et le Nigeria font partie du cercle des grands clients de la Chine en termes de prêts et d’investissements. La nouvelle équipe de Xi Jinping qui va s’installer en 2023 a déjà devant elle un agenda économique sans équivoque. Et les pays africains qui avaient trouvé en la Chine le grand prêteur d’argent devrait se serrer les ceintures et faire attention aux différents prêts qu’ils contractent.
Le dernier Sommet Chine-Afrique qui s’était tenu à Pékin était loin d’imaginer la nouvelle orientation économique que le Congrès du PCC a adoptée. Xi Jinping et ses camarades du parti ne lorgnaient plus sur l’Afrique, mais y prenaient carrément pied. Réunissant presque la totalité des 54 pays d’Afrique en grandes pompes à Pékin, deux jours durant, le Sommet de Beijing 2018 du Forum sur la Coopération Sino-Africaine, la Chine mettait à l’honneur sa politique d’aide sans conditions et promettait encore aux pays africains 60 milliards de dollars d’investissements, soit près de 52 milliards d’Euros. Au risque de se faire montrer du doigt comme étant définitivement une puissance néocolonialiste par ses détracteurs en Occident ainsi que de nombreux intellectuels africains. Une situation qui n’allait pas tarder à compliquer les relations, au fur et à mesure de la mise en place des mécanismes de ce que de nombreux observateurs qualifiaient comme la nouvelle « colonisation chinoise » de l’Afrique. Si et seulement si elle ne changeait pas de méthodes.
Entre ceux qui critiquent vertement le risque d'une nouvelle crise de l'endettement que la Chine fait courir à l'Afrique dont le corollaire sera de générer des effets contre-productifs sur son développement et ceux qui craignent pour des raisons économiques et géostratégiques de se faire supplanter par la Chine en Afrique avec les milliards de Yuans qu’elle n’a de cesse de déverser sur les pays africains, la polémique est bien loin d’être terminée.
Les peuples d’Afrique, eux, ne font guère de distinction entre les Chinois et les et les autres Blancs. Pour eux, tous ceux qui ne sont pas des Noirs sont tous des Blancs qui, comme ceux qui les avaient précédés. Et, ils ne viennent que pour s’acoquiner avec leurs dirigeants et ça ne pouvait nullement être à leur avantage. Un Chinois du nom de Liu Jiaqi qui vivait au Kenya s’était même permis de dire que « tous les Kenyans [sont] comme des singes, même [le président] Uhuru Kenyatta ». Et de décharger sa bile en disant, entre autres, en ces termes : « Je n'aime pas ce pays, un peuple de singes. Je n'aime pas parler avec eux. Ça sent mauvais et il y a la pauvreté... et les noirs : qui les aime ? »
Que les Noirs soient économiquement ou financièrement pauvres ne fait d’eux en aucun cas des êtres moins qu’humains ou des sous-hommes. Qu’ils ouvrent leurs pays et leurs marchés aux Chinois était encore là une preuve évidente de leur humanité et de leur hospitalité tout autant que d’accueillir des investisseurs étrangers afin d’essayer de sortir de leur situation de pauvreté économique et financière. Mais de là, à se laisser traiter ainsi qu’ils l’avaient découvert à travers la vidéo de ce Liu Jiaqi largement reprise et diffusée sur Internet en plein Sommet Chine-Afrique de septembre 2018 à Pékin, tous les Noirs au-delà des frontières de l’Afrique commençaient vraiment à s’interroger sur la manière dont les dirigeants chinois pouvaient traiter leurs dirigeants. Si un quidam avait le toupet de se permettre une telle incartade et un tel mépris à leur égard.
Suite à cet incident diplomatique, Liu Jiaqi fût renvoyé manu militari chez lui en Chine. Comme pour lui dire et montrer à tous ceux qui en seraient tentés que les Noirs d’Afrique ne sont plus prêts à accepter la moindre injure raciale à leur égard où que ce soit. A plus forte raison à l’intérieur même de l’Afrique Noire. Qu’était-il devenu ? Personne ne le sait. Combien étaient-ils comme ça à considérer les Noirs et leurs chefs d’Etat comme des singes ? Personne ne le savait aussi. L'Ambassade de Chine au Kenya s’était vu dans l’obligation de reconnaître par la voix de l’un de ses porte-paroles, Zhang Gang, que la vidéo en question était antérieure à la tenue du Sommet Chine-Afrique de septembre 2018 à Pékin, ensuite que l’homme d’affaires en question avait été sanctionné par sa société, et qu’enfin ses propos ne représentaient pas l'opinion de la grande majorité des Chinois. Mais le mal avait été déjà fait, à la fois pour les Chinois et pour les Africains, mais écornant davantage l’image d’une Chine en Afrique que de plus en plus d’Africaines et d’Africains commençaient à regarder d’un bon oeil. Et surtout les dirigeants africains.
Par Serge Félix N’Piénikoua