A l’occasion de la tenue du 20è Congrès du Parti communiste chinois (PCC) à Pékin en octobre 2022, Afrique Destinations a fait une rétrospective sur l’histoire de la Chine moderne et le parcours personnel du Président Xi Jinping. Portrait, non sans humour, du « nouvel Empereur » de la Chine moderne sous la plume de Marcus Boni Teiga. Xi Jinping a officiellement obtenu le 10 mars 2023 un troisième mandat historique de président en Chine, après un vote à l'unanimité du Parlement, avec 2.952 voix, zéro contre et zéro abstention.
Les dirigeants du Parti communiste chinois (PCC), de Mao à Xi Jinping, ont obéi à la sacro-sainte ligne de conduite traditionnelle du parti. Il s’agit d’éduquer leurs compatriotes et de leur apprendre, à la dure en cas de besoin, à se comporter en bons Chinois partout et en tout temps. Au PCC, le militant doit être sinon fidèles au parti, du moins disciplinés et obéissants à ses mots d’ordre. Xi Jinping, lui-même, avait été élevé au biberon du patriotisme chinois, pour ainsi dire. Avec ses hauts et ses bas. Et il a, apparemment, une grande nostalgie ainsi qu’un enfant devenu adulte pouvait avoir toujours la nostalgie de cette époque de son enfance où tous les rêves lui étaient permis. Sauf que Xi Jinping n’est ni un enfant ni un rêveur. Bien au contraire. Il se veut tout simplement le digne continuateur de l’œuvre héroïque de leurs pères, fondateurs de la Chine moderne, qui firent tout pour garantir aux peuples de ce pays-continent la première des conditions qui vaille pour la dignité d’un peuple: l’indépendance vis-à-vis des autres.
Le propre père de Xi Jinping, à savoir Xi Zhongxun, ne fut-il pas l’un des compagnons de Mao Tse-tung. Cadre du Parti communiste chinois qui fut successivement vice-président de l'Assemblée populaire et vice-Premier ministre, il occupa d’abord de hautes fonctions militaires jusqu’à l’avènement au pouvoir de son compagnon de route. Et lorsque Mao Tse-tung entreprit ce que l’on baptisa la « purge de 1962 », le père de Xi Jinping dut se résoudre à prendre la clé des champs pour trouver son salut. Une traversée du désert sur laquelle le cours de l’histoire de son pays lui permit de prendre sa revanche en revenant en grâce à la faveur de l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping. Aujourd’hui, il fait partie intégrante des huit immortels du Parti communiste chinois auxquels l’Empire du Milieu doit les grandes mutations plus économiques que politiques des années 1980-1990. Et, comme une vieille corde à la suite de laquelle on tresse une nouvelle, Xi Jinping fait son petit bonhomme de chemin passé la réhabilitation des années de disgrâce.
Il ne faut guère se méprendre sur les ambitions de l’homme fort de Pékin qui entend garder la haute main sur le pays, par tous les moyens, mais aussi de le conduire sur le toit du monde. Coûte que coûte !
Sous ses dehors de père de famille débonnaire, il faut bien se méfier de Xi Jinping. Son visage rond et lisse cache certes une bonhomie, mais que ses yeux qui voient tout et très loin en feignant de ne rien voir sont l’un des principaux traits de son caractère et toute sa force. Deux choses qui, ajoutées à l’héritage à lui légué par des millénaires d’une riche et diverse culture chinoise, permettent à Xi Jinping de savoir raison garder et rester serein ou stoïque même quand il subit des agressions extérieures comme s’il ne s’agit pour lui que de quelque chose à l’instar d’une séance d’acupuncture. Sur ses postures apparemment flasques, l’homme ne fait que tromper les adversaires ou les ennemis. Car Xi Jinping est plutôt prêt à tout et à tout moment. Comme si sa devise est la suivante : quand on n’est pas seul, on peut toujours écouter les autres sans être obligé de les suivre ou de faire ce qu’ils vous demandent et qu’il faut toujours écouter sa voix intérieure. D’autant plus que c’est la voie qu’elle vous indique qu’il faut toujours suivre.
Il rêvait d’une Chine unie et forte dans la diversité de ses populations et le multiculturalisme de son identité. Il se voulait le maître d’œuvre de cette nouvelle unification après celle que seule, dans l’Antiquité, réussit le fameux Qin Shi Huang Di (259-210 av. J.-C.) – l’empereur unificateur de la Chine – dont on avait retrouvé, en 1974, et ce après plus de 2000 ans passées enfouies dans le sol, les armes de bronze, des pointes de lances, épées, et quelque 40.000 pointes de flèches flambant neuves de la célèbre armée des 7000 soldats d’argile, comme si elles venaient d’être sorties des ateliers de leurs artisans et déposées à plusieurs mètres sous terre.
Appelé de préférence par les historiens « roi Zheng de Qin », en raison des précautions d’usage et du fait que son vrai nom est Zheng Ying, celui que l’on peut considérer, à juste titre, comme le « Narmer des Chinois » fut aussi le fondateur de la dynastie dite des Qin. Il ne fut pas seulement l’unificateur et le premier Empereur de ce qui deviendra l’Empire du Milieu. Il reste bien plus que cela dans la mémoire collective. En ce sens qu’en plus d’être un grand conquérant, il fut aussi un grand bâtisseur. On lui doit de grands chantiers, notamment la construction de la Grande Muraille de Chine, des routes ou encore les réformes sur l’écriture, la monnaie pour ne citer que ces œuvres-là parmi tant d’autres, en dépit du caractère particulièrement despotique de son règne et de son antipathie pour les savants-magiciens et autres érudits, incapables s’assurer son immortalité.
A l’instar de celui que beaucoup de Chinois considèrent comme le premier leader et père-fondateur de la Chine moderne, en l’occurrence Sun Yat-sen, le Président Xi Jinping et à sa façon est lui aussi, peut-être, en train de mettre en place son Xingzhonghui, c’est-à-dire sa société pour le redressement de la Chine, une sorte de Parti communiste chinois rénové ou nouvelle version.
Xi Jinping, le « nouvel Empereur » de la Chine moderne, s’évertue à écrire sa légende, lui aussi et à sa façon, tout en sachant que s’il veut devenir immortel comme son père, il n’aura qu’à compter uniquement sur ses camarades du Parti communiste chinois. Comme quoi, il a bien retenu la leçon de l’amère expérience de l’Empereur Qin Shi Huang Di que l’on peut paraphraser en disant que s’il aspire à l’immortalité dans la conscience des Chinois, il ne doit nullement compter sur les savants et autres intellectuels, prompts à réclamer des changements démocratiques plutôt qu’à ériger des mausolées à la gloire de leurs dirigeants. Mais qui, en homme d’Etat, pouvait sérieusement en vouloir à cet Empereur Qin Shi Huang Di dont le peuple avait longtemps courbé l’échine sous le joug des étrangers de vouloir le faire se redresser et rester tout droit, altier et fort telle la flèche d’un Empereur mongol ? En tout cas, ce ne pouvaient pas être les camarades du PCC. Et tant pis si beaucoup de Chinois ne partagent pas les méthodes bourrues et autocratiques de leurs dirigeants. Ces derniers ne leur demanderont rien d’autre que d’être uniquement contents et fiers du statut économique qui est le leur et du statut de grande puissance qu’est celui de la Chine dans le concert actuel des nations du monde.
La Chine dont rêvent ses dirigeants n’a aucunement l’ambition de se démocratiser à l’Occidental. Elle a tourné le dos au Socialisme soviétique pour construire son Socialisme chinois, lequel se rapproche de ce dont s’inquiétait déjà Aldous Huxley en disant que: « Grâce au contrôle des pensées, à la terreur constamment martelée pour maintenir l’individu dans un état de soumission voulu, nous sommes aujourd’hui entrés dans la plus parfaite des dictatures, une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient même pas à s’évader, dont ils ne songeraient même pas à renverser les tyrans. Système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude ». Sauf que, dans la société qui est en train de se construire en Chine, même les apparences de la démocratie sont encore un luxe de trop.
L’individualisme et le libéralisme, traits caractéristiques de la culture occidentale, sont pourtant des signes inquiétants qui sont en train de faire son apparition dans la culture chinoise. Quoique, si les Chinois qui sont devenus de moins en moins collectivistes depuis qu’ils ont abandonné l’économie socialiste pour se tourner résolument et avec un appétit jamais égalé vers l’économie de marché ou libéralisme, il n’en demeure pas moins vrai qu’il s’agit là néanmoins d’un capitalisme contrôlé, presque étatisé, avec une liberté contrôlée pour les oligarques du Parti, les Grands Camarades, etc. Même si, dans les zones rurales du pays, hommes et femmes sont encore restés très attachés à leurs terres, à leurs rizières, à leurs rivières, à leurs fleuves, à leurs croyances que ce nouveau capitalisme-là semblent leur peser aux pieds comme des boulets qui les empêchent de sortir la tête de l’eau, en fin de compte. Comme ces charges que, pour torturer leurs opposants ou tous les libres penseurs qui leur résistent, certains agents des services de sécurité de l’Etat savent bien utiliser contre leurs victimes. Les Ouïghours en savent quelque chose, allez leur poser la question !
Ils sont loin les temps où l’on récoltait les céréales et les battait à coups de fléau. Les temps ont bien changé, après les kolkhozes et les latifundia. Pour autant, le Président Xi Jinping est-il si nostalgique du passé impérial de son pays qu’il se voit bien lui-même en un nouvel Empereur ? Mais à y regarder de près, il ne se voit pas ainsi, il l’est déjà pour les observateurs attentifs et avertis. Le « nouvel Empereur » de la Chine moderne a un visage. Depuis Mao Tsé-tung, c’est la première fois que les Chinois redécouvrent en l’un de leurs Présidents une propension à mettre le Tout-puissant Parti communiste chinois (PCC) sous son autorité incontestée. Et, contrairement à ses prédécesseurs, il compte bien faire main basse du pouvoir et s’incruster pour y rester au-delà de son mandat officiel. Au nom des Père-Fondateurs, du PCC et des périls qui menacent la Nation chinoise.
Par Marcus Boni Teiga