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HONDURAS/HISTOIRE : Les Garifunas ou Caraïbes Noirs

Cuanto vale la vida de un Garifuna en Honduras
Cuanto vale la vida de un Garifuna en Honduras

Les Garifunas ou Caraïbes Noirs sont considérés à ce jour comme les seuls esclaves des Amériques à avoir échappé à l’esclavage en tant que tel. Et pour cause, ces esclaves noirs qui vont être bien accueillis par les Indiens Arawak avec lesquels ils vont se métisser au fil du temps ont dû leur fortune à une infortune. En l’occurrence, le naufrage de deux galions espagnols qui les transportaient dans les eaux de l’île de San Vicente dans la mer des Caraïbes.

En 1635,  après le naufrage des deux galions espagnols qui transportaient les esclaves venus de l’Afrique de l’Ouest, et principalement du Nigeria et du Bénin, beaucoup d’entre eux échappèrent à la mort. Ils trouvèrent alors refuge à Saint-Vincent où ils furent accueillis par les Indiens Arawak appelés les Caraïbes. L’accueil par leurs nouveaux hôtes de la tribu des Kalipuna fut manifestement si humain et chaleureux que les esclaves africains naufragés s’établissent sur cette île. D’après plusieurs sources, les Noirs finirent par conquérir les Arawaks et se marièrent avec des femmes autochtones. Ainsi débuta et s’accomplit le métissage. Il ne se limita pas seulement aux mariages. Les Noirs adoptèrent la plupart des coutumes de leurs hôtes, à savoir leur langue et leur mode de vie, sans pour autant se départir des leurs. 

Une farouche résistance pour la liberté

Malheureusement, la bonne entente entre les deux communautés s’étiola et le conflit qui naquit opposa les Caraïbes Rouges aux Caraïbes Noirs sous le jeu d’influence des puissances françaises et britanniques. A la faveur du Traité Franco-Anglo-Caraïbe de 1660 qui accordait aux Caraïbes l’entière propriété des îles de la Dominique et de Saint-Vincent et de ce qui s’ensuivit. A partir de 1763 et ce jusqu’en 1783, les Britanniques et les Français n’eurent de cesse de lorgner respectivement sur l’île de Saint-Vincent. Chaque puissance faisant apparemment fi du Traité de Paris de 1763 au nom duquel les îles Saint-Vincent et la Dominique étaient considérées comme des îles «neutres». Face aux Britanniques très entreprenants pour la conquête de Saint-Vincent, les Garifuna ou Caraïbes Noirs les en empêchèrent à maintes reprises. Ils se montrèrent très bons guerriers et leur firent subir de nombreuses pertes qu’ils durent de guerre lasse concéder aux Caraïbes Noirs le droit de vivre sur leur île en tant que «nation indépendante».

Seulement voilà : en 1782, le Traité de Versailles qui donna aux Anglais l’île Saint-Vincent les livra par la même occasion à leurs pires ennemis. Non sans cependant que les Français continuent à inciter les Caraïbes Noirs à la rébellion contre les Britanniques. C’est ainsi que sous la houlette de  Joseph Chatoyer, leur chef charismatique, ils obligèrent les Anglais à battre en retraite jusque dans les environs de Kingstown. La mort de Joseph Chatoyer au combat, tué par un Anglais, marquera un tournant dans la vie des Caraïbes Noirs. Car les Britanniques décidèrent de pendre par anticipation une mesure drastique afin d’étouffer dans l’œuf toute nouvelle résistance.

Dans ce combat des puissances de l’époque, les Garifunas subirent une seconde déportation sur une île qui fait partie intégrante du Honduras : l’île de Roatan. Près de 3.000 d’entre eux moururent au cours de ce voyage. Car sur les 5080 qui furent embarqués sur les bateaux britanniques le 26 octobre 1796, il ne resta plus que 2248 Garifunas le 11 avril 1797 à l’arrivée. Et ce fut suite à cela que de nombreux Caraïbes Noirs choisirent d’aller dans d’autres pays de la mer des Caraïbes. Quand on parle des Garifuna on pense immédiatement au Honduras. Si ce pays est leur berceau, ils ont cependant essaimé partout en Amérique Centrale. Ils comptent plusieurs communautés, principalement au Honduras, mais que l’on retrouve aussi dans les autres pays de la côte des Caraïbes : le Belize, le Guatemala, le Nicaragua et le Costa Rica.

Depuis le 14 mars 2002, Joseph Chatoyer fut proclamé Héros national à Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Une décision qui fit suite à l’adoption du National Heroes Act la même année. Une manière de rendre hommage à celui auquel tous les Garifuna doivent le droit de continuer à rester libres, faisant ainsi d’eux les seuls Afro-descendants connus du continent américain à le demeurer.
 

Les Garifuna
Les Garifuna

Un métissage fécond

C’est en rapport aux «Peaux-Rouges du Canada que les Français qui appelaient les Amérindiens Arawak les Caraïbes Rouges ont appelé par opposition les esclaves naufragés dans la mer des Caraïbes les Caraïbes Noirs.

L’origine du second nom Garifuna par lequel on les appelle reste encore un sujet de controverses. Pour certains, ce nom aurait un lien avec le fait qu’ils sont des Mangeurs de maniocs ou Garinagu dans la langue des Amérindiens Arawak. Personne ne semble contester cette évidence. De là à conclure que leur nom Garifuna serait dérivé de la racine arawak « Karina » qui se serait transformée en « Callinagu » ou « Garinagu » ou encore « Karifouna » comme certains l’ont longtemps affirmé, il n’y a qu’un pas. Et il faudrait bien se garder de le franchir sans argumenter. Même si le manioc est originaire d’Amérique du Sud et qu’il fut introduit en Afrique par les Européens pendant la colonisation, il reste que bien des éléments lexicaux plaident en faveur d’une origine nigériane. D’autant plus que l’Histoire précise que ce furent les Espagnols qui baptisèrent ainsi les Garifunas Caribes, en leur attribuant ce nom qui voudrait dire «Cannibales». Un nom qui a, du reste, donné naissance à celui de «Caraïbes» par lequel on continue d’appeler géographiquement cette partie du monde.

Dans un article intitulée Le dialecte garifuna, un moyen d’identité culturelle, Gloria Mayen Umukoro et Peter A. Agwu du Department of Modern Languages and Translation Studies, University of Calabar, Calabar au Nigeria écrivent : « C’est évident  qu’un nom parle beaucoup de celui qui le possède. Un nom peut dire où quelqu’un vient, il peut aider à identifier la culture de quelqu’un. Le sens du mot Garifuna a une signification qui attire notre attention dans cette communication. Selon notre découverte, nous remarquons que ce nom a beaucoup à faire avec la culture des gens. Garifuna est traduit comme ‘cassava eating people’. Cette découverte nous emmène aussi à tracer l’origine du peuple à l’Afrique d’ouest, et au Nigeria où nous avons ‘garri’ comme un aliment principal, et c’est bien de noter que cet aliment vient de “cassava”. Si ‘garifuna’ en anglais est  traduit comme ‘cassava eating people’, et garri est un produit de cassava, donc,   c’est évident que ce nom garifuna vient du Nigeria ».

Hormis le Gari qui est l’une des principales sources d’alimentation, pour ne mentionner que cet aspect-là, les Garifuna ont bien conservé d’autres traditions ancestrales. Il y a la langue, les danses, les rites, etc. Comme le dit si bien Marcella Maria Perdomo Alvarado, ethnologue et spécialiste des Garifunas : « Le Dügü est un culte de possession pratiqué par les Garifunas, un peuple afroamérindien originaire de l’île de Saint-Vincent, située dans les petites Antilles. Suite à leur déportation en masse vers l’Amérique Centrale par la Couronne britannique en 1797, aujourd’hui, les Garifunas constituent un peuple homogène et transnational répandu sur le littoral atlantique de l’Amérique Centrale. À la différence de la majorité des cultes afro-américains qui abritent pour la plupart un panthéon peuplé de divinités africaines, le Dügü est le domaine des esprits des parents défunts ascendants : les hiuruha et les gubida. Culte magico-religieux qui ignore le dogme et dont la pratique rituelle est la marque, le Dügü suppose la croyance aux esprits des ancêtres capables d’intervenir dans les corps des individus par la possession. Dans la trame cosmogonique du culte, les ancêtres sont censés suivre un itinéraire précis depuis Yurumein, l’île des origines, en traversant la mer des Caraïbes pour finalement débarquer au Honduras, la terre de l’exil. Ce passé est resté gravé dans le Dügü et survit souterrainement dans les sphères inconscientes des individus ». 
Ainsi célèbrent-ils à travers cette survivance ancestrale leurs liens directs avec la terre d’origine de leurs ancêtres, l’Afrique. Car, outre les descendants des naufragés, quelques esclaves en provenance de l’Afrique centrale francophones, des esclaves marrons seraient venus s’y ajouter au grand groupe initial.

En 2001, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a proclamé « chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité », la danse, la musique et la langue des Garifuna. Une reconnaissance du patrimoine dont ils continuent d’être les porteurs. Mais pour combien de temps encore ? Car depuis quelques années déjà, la plus grande menace à laquelle font face les Garifuna n’est autre que les appétits voraces de l’industrie du tourisme pour laquelle la terre des Garifuna  n’est qu’une opportunité de faire du chiffre, hélas. Les Garifuna n’ont donc pas encore fini de se battre pour continuer à rester « libres ».

Par Alan Buster

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