La question fait désormais plus que débat. Jusque-là, il était généralement admis que l’invention du papier appartient à la Chine, et plus précisément à la dynastie des Han qui remonte entre 206 avant Jésus-Christ et 220 après Jésus-Christ. Mais le papyrus égyptien va encore plus loin, jusqu’à 2900 avant Jésus-Christ. Et ils sont maintenant nombreux les chercheurs et spécialistes qui pensent que les Egyptiens anciens l’ont inventé bien avant les Chinois.
Du papyrus au papier, il n’y a qu’un pas pourrait-on paraphraser. Les deux matières sont certes différentes en ce que le premier est plus épais que le second. Mais le processus de fabrication du premier peut bel et bien conduire facilement au second. Même si les processus de fabrication des deux diffèrent à bien des égards.
L’égyptologue Pierre Tallet, spécialiste en la matière, n’a eu de cesse de travailler sur ce sujet. Après avoir découvert durant des fouilles à Ayn Soukhna en 2011 une montagne de documents écrits sur papyrus. Ils étaient l’œuvre d’un certain Merer, fonctionnaire de son état et responsable d’une armée de travailleurs de 200 hommes dans le carde de la construction de la grande pyramide de Gizeh.
Reconsidérer l’origine de l’invention du papier
« Des papyrus les plus anciens jamais découverts aux matériaux que l'on pensait inventés bien plus tard, ce site oublié dans le désert a révélé des preuves qui bouleversent les idées historiques de longue date. Le papier, par exemple, dont on pensait qu'il avait été inventé aux premiers siècles de l'ère commune en Chine, semble avoir fait son apparition bien plus tôt, ici en Égypte. Et les papyrus découverts dans cet endroit reculé du désert ont donné de nouvelles informations sur la façon dont les pyramides énigmatiques ont été construitese ».
Ainsi commente Lydia Wilson*1, la journaliste qui a accompagné l’égyptologue français sur le site Wadi el-Jarf en avril 2022 et qui est rédactrice culturelle du magazine New Lines. Dans ce désert où les papyrus les plus anciens ont été découverts et qui continuent de susciter des recherches et études, Pierre Tallet scrute et décrypte. Et ce, d’autant plus que même si ce sujet avait été oculté, les récents travaux tendent à conclure que le papier est paparu en Egypte ancienne plus de 2 000 ans avant qu’on ne le mentionne en Chine.
Dans son reportage, Lydia Wilson, fait un rappel historique pour montrer comment les scientifiques sont passés à côté d’une énigme sans même s’en rendre compte. Et elle écrit : « Le premier récit connu des galeries provient d'un voyage effectué en 1823 par l'égyptologue britannique Sir John Gardner Wilkinson, bien qu'il les ait confondues avec des catacombes gréco-romaines. Il faudra attendre les années 1950 pour que Wadi el-Jarf soit à nouveau scruté, cette fois par deux pilotes de bateaux, François Bissey et René Chabot-Morisseau, travaillant pour la Compagnie du canal de Suez. Ces archéologues amateurs ont daté les galeries avec plus de précision, les identifiant comme l'Ancien Empire (bien qu'il se soit avéré qu'ils se sont trompés de dynastie) et ont demandé à fouiller correctement le site, mais la crise de Suez en 1956 a mis fin à tous ces projets et le site est retombé dans l'oubli ».
A travers ce voyage dans le désert égyptien qui est tout aussi un voyage vers le passé de l’histoire pharaonique, Lydia Wilson effectue un reportage à deux vois avec l’égyptologue Pierre Tallet. Un grand nom de l’égyptologie que l’on ne présente plus. Autant dire qu’il s’agit d’un véritable privilège que d’être l’invitée d’honneur de ce dernier sur les traces probablement les plus anciennes de l’une des inventions qui a révolutionné le monde des humains. Le reportage qu’elle en a fait et qui mérite lecture et relecture est un témoignage à la fois éloquent du travail colossal qu’effectue de Pierre Tallet sur le sujet. Mais il est aussi un témoignage d’humilité et de persévérance dans la recherche.
Au bout de ce voyage extraordianire dans ce désert qui recèle encore bien des secrets de l’Egypte antique et plus encore des périodes l’ayant précédées, c’est à L’égyptologue Pierre Tallet que Lydia Wilson laisse la conclusion lorsqu’il dit : « En archéologie, ce qui nous donne le plus d'informations n'est pas forcément le plus spectaculaire." Après plus d'une décennie, les fouilles sont toujours incomplètes et les travaux de laboratoire pour examiner le matériau se poursuivent. Pourtant, les documents et objets trouvés ont déjà bouleversé de nombreux récits historiques établis : que le papier a été inventé en Chine, que le verre n'a atteint l'Égypte qu'au Nouvel Empire et que les Romains ont apporté la technologie de calfeutrage pour les bateaux. Ce site périphérique longtemps négligé a remis en cause ces conventions. Qui sait quoi d'autre se trouve encore dans le désert, endormi et secret, attendant d'être trouvé ? »
Par Marcus Boni Teiga
*1 - Lydia Wilson, Who Invented Paper? A New Discovery in Egypt Upends the Consensus, New Lines magazine, January 24, 2023