« Des chercheurs qui cherchent, on en trouve ; des chercheurs qui trouvent, on en cherche » ; cette citation Apocryphe de Charles de Gaulle semble faire école dans notre pays où les chercheurs sont généralement considérés par les décideurs comme n’obtenant aucun résultat concret. Par conséquent, ils ne sont pas toujours consultés dans le processus devant conduire à la prise des grandes décisions engageant la vie de notre nation. Pourtant, les recherches menées dans nos universités aboutissent à des résultats qui pourraient être exploités dans plusieurs cas. Ceux qui nous intéressent particulièrement sont relatifs à la réalisation du monument de Bio Guerra et celui de l’Amazone.
Dans le cadre de la conception et de la réalisation des trois derniers grands monuments, les résultats d’une recherche menée en 2008 auraient pu être exploités pour mieux présenter notamment le monument dédié au Héros Bio Guerra. En effet, à l’occasion de la réalisation du mausolée de Bio Guerra, une étude menée par les archéologues a permis de localiser non seulement les sites archéologiques qui ont accueilli les épisodes de la résistance du héros, mais aussi d’inventorier la culture matérielle liée à sa vie. L’enquête menée à Guerra N’Kali (commune de Bembéréké) dans la famille de Bio Guerra le 25 mars 2008 a permis d’accéder aux parures du cheval de Bio Guerra, ainsi qu’à ses armes et à ses habits décrits dans cette étude. Ils auraient pu être pris en compte pour la réalisation du monument.
Dans la collection qui nous a été présentée, une coiffe en plume (figure 1) est observable et a servi de parure de protection pour le cheval de Bio Guerra probablement pour des raisons occultes car la tradition orale affirme que son cheval volait par moment. On y trouve aussi une grande étoffe (figure 2) qui était une parure de monture de Bio Guerra pour éviter de glisser en cas de transpiration de son cheval. Les étriers du cheval sont également bien conservés (figure 3)
La collection présente, en outre, sa lance qui fait plus de 2 m de longueur (figure 4). Elle conserve aussi une amulette de protection (borka en baatonum) que Bio Guerra pouvait porter autour de la hanche ou au bras (figure 5)
L’élément le plus important qui aurait pu être pris en compte dans la réalisation du majestueux monument est son habillement. Dans la collection, on voit sa tunique de guerre (Dansiki en baatonum figure 6). On y note également son gong et une défense de phacochère (figure 7) ainsi qu’une queue de cheval (figure 8).
Tous ces éléments sont conservés dans une malle bien gardée par la famille.
Les résultats de cette recherche montrent bien que si les spécialistes des universités ainsi que les traditionnistes en pays baatonnu avaient été associés, le monument ne se présenterait jamais sous l’image d’un cow-boy américain avec des bottes et un chapeau qui n’a rien à voir avec le style boo / baatonnu qui est la culture d’origine de Bio Guerra.
Au niveau du monument de l’Amazone, le sabre n’est pas celui que portaient les amazones et, pour Bio Guerra, les éléments apportés par cet article montrent qu’il ne peut être présenté comme un cow-boy avec un cheval dont la direction pose aussi problème. L’accoutrement qu’on lui fait porter peut être plutôt assimilé à celui des combattants qui l’ont tué en lui tranchant la tête. Il est donc urgent de revoir ce monument afin que ce héros ne se retourne pas dans sa tombe.
Deux des trois monuments récemment inaugurés posent donc problème et appellent une correction. Cette brève présentation vise à faire un plaidoyer pour la prise en compte des résultats de recherche dans le domaine du patrimoine culturel et, particulièrement, en archéologie où des sites majeures, localisés un peu partout au Bénin, n’attendent que leur mise en valeur. Cette activité de haute portée historique, culturelle, relève des services de l’Etat dont le programme vise en partie à promouvoir le riche patrimoine du Bénin pour booster le tourisme.
Par Didier N’DAH
Maître de Conférences en Archéologie et Préhistoire, Enseignant à l’Université d’Abomey-Calavi
Article publié par L’Afrique en marche n° 269 du 17 août 2022, www.lafriqueenmarche.info revu et illustré
Eléments de bibliographie
BAGODO (O.) et al., 2008, Etude archéo-historique du site tombal du héros militaire et national Bio Guêêra Gbêêsàsi à Bàwura-bànsu (Commune de Bembéréké, Département du Borgou, République du Bénin, Afrique de l’Ouest), Rapport de mission de reconnaissance archéologique (23-30 mars 2008), Campus d’Abomey-Calavi, Juillet 2008, 38 p.
BAGODO (O.) et N’DAH (D.), 2010, '' Prospection archéologique sur les anciens sites de guerre de Bawura-bansu et de Gbêku-bansu (Bembéréké, Nord-Est du Bénin) : résultats préliminaires'' In Journal of Environnement and Culture Vol7, n° 1, juin 2010, pp. 79-94.
DEBOUROU (D. M.), 2014, La guerre coloniale au nord du Dahomey BiƆ GƐra, entre mythe et réalité : le sens de son combat pour la liberté (1915-1917), Paris, Editions L’Harmattan, Collection Etudes africaines, Condé-sur-Noireau, France, 109 p.