La jeunesse des pays francophones d’Afrique a soif de changement et cela s’entend. Comme à la fin des années 1980, une autre génération en avait aussi eu envie. Néanmoins, cette soif de changement ne doit pas se muer en haine contre la France au détriment de ce qui doit être le leitmotiv : une marche résolue vers un renforcement des grands ensembles économique et politique du continent. Autrement, le nouveau panafricanisme ne serait même pas une utopie ou encore moins un projet politique, mais purement et simplement une imposture.
Comme l’a si bien dit Kwame N'Krumah : «L’Afrique a besoin d’un nouveau type de citoyen, dévoué, modeste, et bien informé qui renonce à lui pour servir l’Afrique et l’humanité, un homme dont la force soit l’humanité, et sa grandeur l’intégrité». Aujourd’hui, presque tous les jeunes africains se réclament du Panafricanisme. Sans même savoir ce que c’est que le Panafricanisme et ce qu’il en reste avant de se demander quel est le nouveau projet panafricaniste et quels sont les tenants et les aboutissants.
Le grand intérêt des jeunes des pays d’Afrique francophone pour le Panafricanisme ne doit pas seulement être dans les paroles comme pour pallier l’inaction. Il faut agir. C’est l’action, la meilleure façon de parler. A quelque niveau que ce soit, il n’y a que l’action pour faire avancer les choses, aussi modeste soit-elle. La meilleure façon de parler, c’est agir. Ce sont les petits ruisseaux qui font les grands fleuves, en effet. C’est en se posant et en répondant toujours à la question de savoir ce que chaque citoyen fait individuellement ou ensemble avec les autres et quotidiennement pour faire évoluer positivement les choses que l’on réussit de grandes choses par la conjugaison des multiples petits efforts. Ce n’est point en étant des spectateurs au bord des nerfs, crachant leur venin tous azimuts sur le triste sort qui est fait aux pays d’Afrique francophone et à l’ensemble du continent - afin de se donner bonne conscience - que l’on parviendra à changer quelque chose.
S’engager en politique pour un projet Panafricaniste
«On cherchera en vain depuis les concepts de Négritude ou d’«African personality» marqués maintenant par les temps, des idées vraiment neuves issues des cerveaux de nos «grands» intellectuels. Le vocabulaire et les idées nous viennent d’ailleurs. Nos professeurs, nos ingénieurs et nos économistes se contentent d’y adjoindre des colorants parce que, des universités européennes dont ils sont les produits, ils n’ont ramené souvent que leur diplôme et le velours des adjectifs ou des superlatifs ». Ainsi s’exprimait Feu le Président Thomas Sankara dans son Discours du 4 octobre 1984 devant la 39ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies.
Feu le Président Thomas Sankara du Burkina Faso fut un vrai Panafricaniste. Il a laissé un lourd héritage qui transcende le seul Burkina Faso pour être celui de toute l’Afrique à l’instar des Kwame N’Krumah et bien d’autres. Depuis le Président Thomas Sankara du Burkina Faso, combien sont-ils les chefs d’Etat africains – Francophones tout comme Anglophones - à pouvoir laisser un si grand héritage et à reprendre le flambeau du Panafricanisme? Il ne suffit pas d’être militaire pour prétendre faire comme Thomas Sankara. Il ne suffit pas d’être civil pour prétendre faire comme l’Osagyefo Kwame N’Krumah. Et le Panafricanisme n’est pas une incantation magique, il s’agit plutôt d’un projet politique. Le projet Panafricaniste est mort avec ses pionniers. Il est certes possible de le ressusciter si et seulement si le nouveau Panafricanisme n’est point pour servir de tremplin à d’autres puissances étrangères désireuses de prendre pied en Afrique et de piller ses richesses de collusion avec des suppôts locaux assoiffés de pouvoir. Avant de parler de Panafricanisme, il faudrait bien avant tout s’accorder sur le contenu politique que l’on y met. Et ce n’est pas en vouant aux gémonies la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qu’on lui dotera le nouveau Panafricanisme dudit contenu. Pas plus que l’Union africaine (UA), du reste !
Les jeunes, fer de lance de tout peuple, ont l’immense responsabilité de prendre ce combat du Panafricanisme à bras le corps et d’en être à l’avant-garde. Même si personne ne sera de trop. Cependant, il est à remarquer que c’est plus en Afrique de l’Ouest que l’on continue à parler de Panafricanisme. En raison très certainement de l’héritage de l’Osagyefo Kwame N’Krumah du Ghana et de celui du Capitaine Thomas Sankara du Burkina Faso. Pour être audibles et crédibles, de l’union de l’Afrique de l’Ouest - qu’on le veuille ou non de la CEDEAO - de demain dépend pour une large part l’avenir de la fibre panafricaniste des pionniers et celui des jeunes de cette région en particulier. Chaque jour qu’ils se lèvent pour aller étudier ou apprendre un métier, ils doivent toujours se dire une chose: si nous voulons gagner notre vie demain et vivre mieux, il faut que nous participions aujourd’hui à la mise en place d’une Afrique de l’Ouest unie, organisée et créatrice de richesses. Bref, d’une CEDEAO plus forte. Il ne peut en être autrement.
Le Panafricanisme, ce n’est pas la haine de la France…
L’évolution du monde actuel est tel que l’Afrique et en particulier l’Afrique Noire se doit d’utiliser son retard en matière de développement comme un capital important à transformer en avantage – en essai comme on dit en rugby - en tirant les leçons de toutes les expériences. L’Afrique a l’avantage, contrairement à bien des continents, d’être un réservoir de ressources naturelles et de ressources humaines. Ce sont des atouts qui doivent lui permettre de réussir son développement. L’Afrique n’a, en réalité, pas besoin d’aide financière pour continuer à entretenir des économies mal organisées et condamnées à être moribondes ou des dirigeants corrompus et repus. Elle a tout simplement besoin d’un bon leadership. Et la seule aide que l’Occident tout comme la Chine et la Russie puissent lui apporter, c’est déjà de ne pas interférer tous azimuts dans le choix de ses dirigeants en l’accompagnant à travers des élections libres, justes et transparentes afin d’asseoir des démocraties légitimées et résolument modernes. Des démocraties inspirées des cultures africaines, pensées et voulues par les Africains eux-mêmes. C’est aux Africains eux-mêmes d’inventer et d’exiger leurs modèles démocratiques par tous les moyens et d’empêcher les autres d’interférer dans leurs affaires. Le Panafricanisme, ce n’est pas la haine de la France. Car la haine de la France n’est pas un projet politique.
Les peuples des pays africains ont cette propension à se plaindre d’être riches de leurs sous-sols mais paradoxalement pauvres dans la réalité quotidienne. Cela est assurément vrai. Mais à quoi ça sert d’avoir un sous-sol gorgé de ressources naturelles si vous ne pouvez pas vous-mêmes les exploiter, parce que vous ne maîtrisez pas les technologies nécessaires à cet effet et que vous devriez toujours attendre que des étrangers viennent le faire à votre place avant de vous ristourner disons des miettes. Les peuples d’Afrique Noire ont tout simplement oublié que si la grande civilisation de l’Egypte antique s’est effondrée du jour au lendemain, c’est surtout par faute de savants pour continuer à transmettre l’éducation qui leur avait permis de bâtir la plus grande civilisation de tous les temps. Car le savoir, en tant que compétence, c’est tout ce qui peut rester à tout homme ou à tout peuple quand on lui prend tous ses biens matériels et qu’il a tout perdu sauf la vie.
Par Serge-Félix N’Piénikoua
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