« Qui ne dit mot consent », dit-on bien souvent. Même si l’on peut en débattre dans certains cas. Toujours est-il que l’on ne saurait se réfugier dans le silence face à certaines situations sans donner raison à cette expression. Pour ma part, il ne saurait y avoir ni atermoiements ni transigeances face au coup d’Etat au Niger et la nécessité de restaurer l’ordre constitutionnel. Même si la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) doit enfin se réformer ou disparaître. L’Afrique en général et l’Afrique de l’Ouest en particulier est devenu le terrain d’affrontement entre deux visions du monde des grandes puissances, mais surtout deux visions géopolitiques qui rappellent étrangement la période de la Guerre froide. Et, malheureusement, que l’on défende une posture ou une autre, cet affrontement n’est qu’au détriment des Africains eux-mêmes in fine. Pour autant, je ne soutiendrai pas les « Pro-Russes ». Et pour cause :
3 – La France et de l’Occident ont bon dos
Je partage, du reste, l’avis de Constant Sinzogan qui écrit : « Des militaires qui abandonnent leur mission républicaine et sacerdotale pour se mettre au beurre du pouvoir et l'idiot* pense qu'ils règlent un compte à la France.
Quel compte régler à un pays qui cherche à abandonner le marché de l'uranium nigérien parce qu'il l'a négocié à long terme alors que les cours du minerai aujourd'hui sont plus bas que jadis et que le Kazakhstan et son uranium sont plus attractifs en termes de prix, de coûts de transport et de qualité ?
Quel compte régler à un pays dont l'influence politique et économique s'étiole d'elle-même chez nous au fil des ans et des générations ?
Et globalement je ne comprends pas et n'ai jamais compris par quelle structure mentale et par quelle architecture intellectuelle on en arrive à vouloir sortir d'un supposé embrigadement impérialiste par le recul démocratique et la perte des libertés ?
Les ex pays de l'Union Soviétique et les ex pays communistes de l'Est sont sortis du giron et de l'influence russe par le choix de la démocratie et de la liberté mais dans les ex colonies françaises, on prétexte sortir d'un supposé embrigadement français par l'abandon des processus démocratiques et le recul des libertés.
Je n'ai pas un âge canonique mais j'ai un certain âge et jamais je n'ai vu qu'un coup d'État en Afrique francophone ait changé quelque chose au quotidien des français. La vie chez eux a toujours continué son cours et le prix de la baguette n'en prend pas pour autant l'ascenseur.
C'est à nous et à nous seuls qu'on fait du tort et ce tort ce n'est pas à Poutine de nous le réparer, il est loin d'être un redresseur de tort, il est par excellence un faiseur de tort, l'idiot* se doit de le comprendre.
#( * idiot) ici n'est ni une insulte ni un péjoratif mais plutôt quelqu'un qui s'émerveille d'une situation qui au demeurant devrait l'inquiéter ».
Comme je l’ai déjà écrit dans l’un de mes éditoriaux : « On peut critiquer le Colonialisme, l’Occident, l’Europe et de manière véhémente sans pour autant verser dans le populisme de caniveau. Malheureusement, certaines élites africaines ou certains hommes politiques africains, à court d’arguments et en mal de publicité ou de popularité, ont cette tentation facile à faire des amalgames et à tout mettre sur le dos des Occidentaux. Et surtout principalement au compte des anciennes puissances coloniales. Tant et si bien que l’on est en droit de se demander en quoi consiste leurs responsabilités et celles de leurs prédécesseurs dans les malheurs de l’Afrique est comptable de la désastreuse situation sociopolitique de l’Afrique Noire aujourd’hui. Tellement ces Africains dont c’est l’unique fonds de commerce pour continuer à manipuler leurs opinions publiques nationales à souhait, avec parfois l’aide de puissances hostiles à l’Occident, sont devenus comme dirait Aimé Césaire, et je cite Discours sur le Colonialisme :
« La malédiction la plus commune en cette matière est d'être la dupe de bonne foi d'une hypocrisie collective, habile à mal poser les problèmes pour mieux légitimer les odieuses solutions qu'on leur apporte*1».
Oui, en effet, les Africains ont des tas de choses à reprocher à toutes les entreprises coloniales qui ont été conduites en Afrique. C’est, à tout le moins, indiscutable. Mais qu’ont fait les Africains eux-mêmes avant et après les Indépendances ? Et au lieu de se poser les bonnes questions, une certaine élite intellectuelle et politique s’acharne à reprendre le même stratagème que les anciens Colonialistes dont nous parle Aimé Césaire et qui résonne en nous bien des années encore comme une vigie.
A des fins inavouées ou non, c’est proprement irresponsable de la part des Africains, en l’occurrence de l’Afrique Noire, de continuer à gloser sur le Colonialisme que de laisser en 2022 de nombreux Gouvernants africains au plus hauts sommets des Etats se comporter vis-à-vis de leurs peuples qui sont les Gouvernés comme des Garde-Chiourmes d’une autre époque, et pire des Esclavagistes. Le mot n’est pas très fort, et ce n’est point exagéré de le dire ».
Chasser la France colonisatrice, voire tout l’Occident de l’Afrique : là n’est pas du tout le problème. Il n’y a là que quelque chose de très facile à réaliser. Mais ce serait pour quoi faire ensuite? Si l’on excepte la démagogie et le populisme dont font montre ceux qui vouent la France et l’Occident aux gémonies. Parce que, malgré la relation déséquilibrée et parfois exécrable que les pays africains peuvent parfois entretenir avec certains pays d’Europe, ce continent est d’abord géographiquement le voisin immédiat de l’Afrique avant d’être celui qui a le plus de brassage humain avec les populations africaines. Par le malheureux accident de l’Histoire dont on subit encore et dénonce les injustices, et à juste titre.
J’entends bien, çà et là, les critiques de ceux qui disent que l’Occident a toujours eu du mépris pour l’Afrique Noire. Pour une part, cela est dû à la falsification de l’Histoire précoloniale de l’Afrique Noire ainsi qu’à la grande inculture historique et sociologique de la grande majorité des Occidentaux sur l’Afrique. Pour une autre part, cela est dû à nos dirigeant africains qui se sont longtemps complus à n’aller en Occident que pour tendre la main et pour revenir en Afrique dilapider les prêts astronomiques qu’ils vont contracter auprès des institutions financières occidentales au nom de leurs peuples. Même dans les relations entre individus, celui qui tend la main tout le temps finit par être méprisé par celui qui lui donne tout le temps. Le sursaut d’orgueil doit venir des Africains qui, au lieu de toujours faire confiance aveuglément à tous ceux qui viennent de l’étranger devraient comprendre enfin qu’il vaut mieux toujours que la richesse soit produite ou transformée en Afrique et que ce soient des
Africains en soient les artisans pour que la grande partie reste et profite à l’Afrique, on n’a beau avoir des querelles intestines les uns contre les autres, que des étrangers dont les intérêts ne resteront pas en Afrique en tirent le plus grand bénéfice. L’Afrique Noire a suffisamment d’exemples de ce genre pour continuer à reproduire les mêmes schémas et les mêmes errements depuis que ses pays sont indépendants politiquement.
Il ne faut cependant pas se tromper de combat. La France ou l’Occident ne sont pas nos ennemis, loin s’en faut. L’Afrique n’a pas d’ennemis dans le jeu des Relations internationales et de la Géopolitique, elle a plutôt des désaccords aussi profond soient-ils avec certains de ses partenaires traditionnels ou historiques. Ce sont ces désaccords qu’il convient de devoir aplanir avec plus de fermeté, de souveraineté et d’indépendance. Mais tous ces principes ne resteront que de vains mots tant que les Africains eux-mêmes ne sauraient pas définir ce qu’ils entendent par là et les exprimer clairement vis-à-vis de tous y compris des Russes, des Chinois, des Indiens, etc.
Tant que l’Union africaine (UA) continuera de se comporter comme elle l’a fait en se faisant construire son Siège par la Chine qui l’a miné de micros et que la CEDEAO envisagerait de faire pareille, il y a fort à parier qu’aucun partenaire, qu’il soit occidental ou pas, ne respectera jamais l’Afrique et les Africains.
Est-ce la France et l’Occident qui ont empêché les dirigeants de nos pays africains de mettre en place des politiques agricoles visionnaires avec des Ecoles d’Enseignements techniques et Professionnels destinées à faire remplacer, à terme, la houe et la daba de nos paysans par des engins mécanisés d’agriculteurs modernes?
Est-ce la France et l’Occident qui ont empêché les dirigeants de nos pays africains d’arrêter de former des jeunes à des filières qui ne mènent à aucun emploi ou débouché. Et pourtant, l’on continue à former des jeunes à des filières que l’on devrait même supprimer carrément des formations académiques et universitaires?
Il est possible de multiplier des exemples de ce genre à loisir. Pour montrer que si les pays anciennement puissances coloniales nous ont toujours volé nos ressources naturelles ou s’en sont accaparées en dessous des prix qu’elles méritent vraiment sur le marché international, etc., elles ne nous ont en rien empêché en revanche d’inventer notre propre développement. Cela n’est que la faute à la paresse des élites intellectuelles et politiques. Y compris les élites militaires.
Au risque d’être toujours en train de me répéter, je persiste et signe pour dire qu’en Afrique Noire même, de nombreux Gouvernants africains au plus hauts sommets des Etats se comportent vis-à-vis de leurs peuples qui sont les Gouvernés comme des Garde-Chiourmes d’une autre époque, et pire des Esclavagistes. Le mot n’est pas très fort, et ce n’est point exagéré de le dire. Le pire aussi, c’est quand les nouveaux leaders africains ou les nouveaux influenceurs africains tentent de faire croire aux populations africaines – citoyen lambda de tout pays - que les nouveaux alliés qui valent mille et une fois mieux que ces Occidentaux qui sont la cause de tous les malheurs de l’Afrique Noire les aideraient à instaurer des régimes plus vivables – à fortiori démocratiques - qu’ils n’ont pas jugés bon d’instaurer chez eux. On sait ce que Démocratie veut dire pour eux …
L’organisation sous-régionale des pays d’Afrique de l’Ouest est à la croisée des chemins. Elle commettrait la plus grave erreur politique de toute son histoire en cédant aux diverses pressions, d’où qu’elles viennent, et en ne contraignant pas les militaires à retourner dans leurs casernes. A elle seule, il appartient cette responsabilité devant l’Histoire. Le coup d’Etat du Niger n’a fait que nous révéler ce que nous savions déjà en tant qu’Africains de nos Organisations sous-régionales et en particulier Africains de l’Ouest de la CEDEAO quant à son inefficacité et de son impuissance légendaire depuis quelques décennies à faire face aux problèmes qui se posent à elle en matière de Démocratie et de Bonne gouvernance. Pour autant, il est hors de question de tolérer désormais des coups d’Etat. Ce serait la fin de tout respect vis-à-vis de cette organisation et y compris de l’Union africaine elle-même en tant qu’organisation à vocation panafricaine. Car tout ce qui est arrivé en Afrique de l’Ouest est aussi par sa propre faute et montre combien aucune puissance ne respecte l’Afrique. Sinon comment peut-elle interdire, conformément à ses textes et lois le mercenariat, notamment le groupe de mercenaires d’Afrique du Sud appelé le « Bataillon Buffalo » ou « Groupe Buffalo » et laisser le Groupe Wagner opérer en Afrique en toute tranquillité ?
Il est bien trop facile de clamer haut et fort par tous les moyens que l’on est contre une intervention militaire de la CEDEAO au Niger. Sans pour autant proposer une porte de sortie acceptable autre que le maintien des putschistes au Pouvoir. Et s’il faut intervenir militairement face à leur refus de restituer le Pouvoir confisqué, la CEDEAO devrait s’assumer et assumer toutes ses responsabilités. Il est bien trop facile de s’interroger sur la légalité de l’intervention militaire de la CEDEAO également. Mais en quoi un coup d’Etat est-il bien plus légal que la CEDEAO ?
Former un Gouvernement avec un Premier ministre civil et nommer des ministres même tous civils ne suffira jamais à rendre légal un coup d’Etat et encore moins à le légitimer. Qu’on se le tienne pour dit.
Le coup d’Etat du Général Abdourahamane Tchiani contre le régime du Président Mohamed Bazoum au Niger a mis la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au bord du précipice et de la dislocation. Aucun Etat de la CEDEAO en l’état actuel ne veut de la guerre. Pas plus que les populations. Ce que l’on demande aux Pustchistes, et il faut bien le dire de manière claire et ferme, c’est de rendre le pouvoir au Président Mohamed Bazoum élu démocratiquement et dont rien ne justifie son renversement, sauf à des fins inavouées.
Au lieu de menacer de soutenir le Niger si la CEDEAO intervient militairement pour restaurer l’ordre constitutionnel, le Patriotisme et le Panafricanisme aurait été salué par tous les Africains si le Président Ibrahim Traoré et le Président Assimi Goïta parvenaient à convaincre leur frère d’armes de céder le Pouvoir. Quitte à imposer à la CEDEAO leur propre Agenda quant à la nouvelle CEDEAO qu’ils appellent de tous leurs vœux et que l’on appelle communément la « CEDEAO des populations » ou la « CEDEAO des peuples ». En pesant sur l’opportunité offerte par le coup d’Etat du Niger pour changer l’institution en profondeur et le Destin de l’Afrique de l’Ouest. Mais ce n’est pas ce qui intéresse ni l’un ni l’autre : c’est le Pouvoir et pas les aspirations profondes des peuples de l’Afrique de l’Ouest. Mais la France et l’Occident ont bon dos. C’est la solution de facilité pour enfumer les populations africaines et monter une certaine opinion publique contre l’Occident. Et pendant ce temps, personne ne pourra réclamer transparence dans la reddition des comptes. Personne ne saura combien de contrats sont signés avec Wagner et combien ces Etats signataires dépensent ou gagnent. Au peu de transparence dont on accuse la Françafrique, on oppose l’opacité totale de la Russafrique. L’Afrique n’est décidément pas au bout de ces misères. Et moi, je n’irai pas soutenir ça ! C’est même le moins que je puisse en faire.
Par Marcus Boni Teiga
*Cet article ne reflète que ma position en tant que journaliste et citoyen de la CEDEAO et non celle de la Rédaction qui est un véritable creuset d’échanges et de débats vifs et engagés mais toujours constructifs. A ne pas confondre.
*1 – Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, Éditions PRÉSENCE AFRICAINE, Paris, 1955.