« Qui ne dit mot consent », dit-on bien souvent. Même si l’on peut en débattre dans certains cas. Toujours est-il que l’on ne saurait se réfugier dans le silence face à certaines situations sans donner raison à cette expression. Pour ma part, il ne saurait y avoir ni atermoiements ni transigeances face au coup d’Etat au Niger et la nécessité de restaurer l’ordre constitutionnel. Même si la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) doit enfin se réformer ou disparaître. L’Afrique en général et l’Afrique de l’Ouest en particulier est devenu le terrain d’affrontement entre deux visions du monde des grandes puissances, mais surtout deux visions géopolitiques qui rappellent étrangement la période de la Guerre froide. Et, malheureusement, que l’on défende une posture ou une autre, cet affrontement n’est qu’au détriment des Africains eux-mêmes in fine. Pour autant, je ne soutiendrai pas les « Pro-Russes ». Et pour cause :
1 - Wagner et ses mercenaires à la manœuvre
Si j’ai élu le Journalisme comme Profession, ça n’est certainement pas pour me taire face aux turbulences du monde et à ses conséquences. C’est pour éclairer la lanterne du public le plus largement possible. Quitte à prendre explicitement position là où cela le mérite ou quitte à marcher seul derrière le drapeau des Réprouvés. Et, sans oublier, que le journaliste est aussi un citoyen de son Etat, de sa communauté, de son continent. Tout en reconnaissant les Limites et responsabilités du Journaliste, le Citoyen est appelé à remplacer le Journaliste pour se prononcer aussi parfois en tant que Citoyen par devoir. Il suffit seulement de faire preuve de Transparence.
En tant que Citoyen africain, j’ai encore beaucoup de mal à comprendre tous ceux qui parlent de Panafricanisme et qui ne sont capables de RIEN sans faire appel à un pays étranger. Le Nouveau Panafricanisme se réduit-il à épouser la Politique russe de Vladimir Poutine de régler ses comptes avec l’Occident jusqu’en terre africaine ? Ou est-ce purement et simplement pour déboulonner les régimes faillis des civils çà et là en Afrique, à force de coups d’Etat financés et soutenus en sous mains par Wagner et ses mercenaires ?
Ce n’est pas parce que les régimes civils ont failli qu’il faudrait absolument les remplacer par des régimes militaires au moyen de coups d’Etat. En utilisant des prétextes fallacieux.
De toute l’Histoire de l’Afrique, le Capitaine Thomas Sankara du Burkina Faso est le seul militaire à ma connaissance à qui l’on peut accorder un satisfecit dans sa gestion du Pouvoir, tout compte fait. A comparer au nombre de coups d’Etat que l’Afrique a connus, il faut avouer qu’il n’y a pas de quoi se tourner vers les casernes pour aller chercher Sauveur. Surtout quand on doit évaluer les désavantages en termes de privations des libertés individuelles et collectives, de gabégie et d’opacité, d’exactions, voire de crimes…Et j’en passe.
Le Capitaine Thomas Sankara est resté le maître de son Agenda, parce qu’il était d’abord et avant tout la Transparence incarnée en personne. Au-delà même de son charisme exceptionnel.
Beaucoup d’Africains et surtout ceux qui nourrissent une haine contre l’Occident se servent du prétexte de l’intervention occidentale en Libye pour vendre la Russie de Vladimir Poutine à l’Afrique. Si aucun membre du Conseil de Sécurité de l’ONU n’avait écouté l’Union africaine en son temps, c’est parce que ce n’était ni dans l’intérêt de la Chine ni de la Russie qui ont droit de véto et que l’Afrique ne compte pas dans ce cénacle. Et pourquoi la Chine et la Russie dont le sort de l’Afrique leur tient tant à cœur n’ont toujours pas validé l’entrée du Nigeria et de l’Afrique du Sud ou quelque autre pays africain encore au sein dudit Conseil de Sécurité de l’ONU ?
Mouammar Kadhafi, Panafricaniste ? Il faut plutôt en rire pour ceux qui connaissent l’itinéraire de ce mégalomane par ailleurs raciste envers les Noirs et dont la seule sympathie pour eux n’a de sens et de prix que lorsqu’il en tire un bénéfice politique ou pour faire étalage de sa mégalomanie. Là aussi, je sais de quoi je parle. Kadhafi est bel et bien complice de l’assassinat du Capitaine Thomas Sankara, ancien Président du Burkina Faso. Mouammar Kadhafi, s’étant alliant pour la circonstance avec la France de François Mitterrand notamment et bien d’autres chefs d’Etat africains. Résultat des agissements de Mouammar Kadhafi : des millions de morts au Liberia et en Sierra Leone. Et, e n’est pas fini, parlons-en : les coups d’Etat fomentés au Niger, au Mali, au Bénin, la guerre au Tchad, etc. chaque fois qu’un chef d’Etat d’Afrique Noire tentait de lui résister ou pour tout autre raison, il ne se faisait pas prier pour le renverser. Et pourquoi il a fait renverser le Président Thabo Mbeki d’Afrique du Sud au profit de Jacob Zuma ?...Kadhafi, Panafricaniste ? Charles Taylor, l’ancien Président du Liberia, condamné par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone en 2012 à 50 ans d’emprisonnement pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre, ne devrait pas être le seul à payer des atrocités pour lesquelles Mouammar Kadhafi a été le principal complice aussi. En ce qu'il a hébergé, formé, équipé et financé ce qui a engendré des guerres civiles atroces au Liberia et en Sierra Leone. Kadhafi, Roi des Rois d’Afrique, je vous en raconterais... Mais disons d’abord Roi des chef d’Etats Bouffons d’Afrique et non Roi des Rois d’Afrique.
Mouammar Kadhafi est non seulement celui des chefs d’Etat africains qui a fait le plus de prosélytisme islamique en Afrique Noire mais aussi celui avec lequel le Terrorisme a pris racine en Libye. Bien avant qu’en Algérie, l’arrêt brutal par l’Armée de l’ascension inévitable du Front islamique du salut (FIS) le pousse le à prendre le maquis. Et les conséquences, on les connaît aujourd’hui.
Oui, en effet, je persiste et signe encore aujourd’hui en 2023 à dire que mon intime conviction n’a pas changé malgré l’insécurité qui sévit en Afrique de l’Ouest. Une situation qui n’est pas du fait seul fait de la chute de Kadhafi, il faut bien le dire. Bien au contraire, le terrorisme islamiste n’est pas né avec sa chute mais plutôt avec lui. Les archives de l’Histoire contemporaine de l’Afrique sont là pour en témoigner. Toujours est-il qu’il a fallu attendre 2019 à l’occasion de la campagne présidentielle pour son second mandat pour que, au moins, un homme et pas n’importe lequel, le Président Muhammadu Buhari, confirme ce qui a toujours été mon intime et profonde conviction. Le Président Buhari n’est pas à son premier passage à la tête de l’Etat fédéral au Nigeria. Officier de carrière, originaire de l’Etat du Katsina et pieux musulman, il sait de qui il parle quand il évoque Feu Mouammar Kadhafi. « Pour Buhari, c'est « l'héritage peu recommandable de Kadhafi qui hante toujours le Nigeria et d'autres pays (…) Kadhafi a dirigé la Libye pendant 43 ans. Il a décidé à un moment donné de recruter des personnes originaires du Mali, du Burkina Faso, du Niger, du Nigéria, du Tchad, de la République centrafricaine, et ces jeunes hommes n'ont pas été formés pour devenir des maçons, des électriciens, des plombiers ou autres, mais pour tirer et tuer *1», a de nouveau accusé Buhari ». Et c’est bien peu à côté des complots et des guerres qu’il a fomentés dans nombre de pays d’Afrique Noire. Kadhafi, le Panafricaniste, c’est tout simplement à des fins cosmétiques pour ceux qui ne connaissent la nature intrigante, rancunière qui se cache derrière cet homme dont le racisme n’a jamais fait l’ombre d’aucun doute. Les Toubous – peuples Noirs de la Libye - sont là pour en témoigner. En tant que journaliste politique, Mouammar Kadhafi est sans doute le chef d’Etat africain sur lequel j’ai eu le plus à enquêter pour plusieurs raisons et particulièrement son implication dans l’assassinat du Président Thomas Sankara. Et le Président Muhammadu Buhari du Nigeria n’exagérait en rien lorsqu’il a dit : « Les bandits, qui se sont échappés de Libye après la mort de leur chef en 2011, sont passés au terrorisme, dont le Nigéria et certains autres pays africains sont aujourd'hui les principales victimes », a déclaré Buhari, dans un long entretien qu'il a accordé à la chaîne Arise TV et qui a été diffusé cette semaine *2». L’implosion de la Lybie n’est pas la cause du Jihadisme en Afrique de l’Ouest…Elle n’est qu’un facteur aggravant. Il s’avère donc important de le faire remarquer et de ne pas verser dans les amalgames que d’aucuns entretiennent à des fins inavouées.
Il reste à certains laudateurs de Mouammar Kadhafi d’aller bien fouiller dans les archives de l’Histoire politique contemporaine de l’Afrique avant même de se mettre à s’égosiller et à inonder les Réseaux sociaux de leurs informations partiales et orientées. Lesquelles ne sont destinées qu’à mobiliser l’opinion en les détournant consciemment ou inconsciemment de la réalité profonde.
Loin de moi l’idée de nier que la chute et l’assassinat de Mouammar Kadhafi le 20 octobre 2011 soit réellement de la responsabilité de l’Occident. A commencer par la France du Président Nicolas Sarkozy, lequel porte par ailleurs une lourde responsabilité personnelle dans l’intervention occidentale en Libye. Loin de là. Mais c’est malheureusement sous cet autre fallacieux prétexte d’un Mouammar Kadhafi, Sauveur de l’Afrique, que la Russie et ses affidés africains manipulent l’opinion publique africaine au profit de la Russie. Disons tout simplement au profit de Wagner qui n’était pas jusqu’à la rébellion d’Evgueni Prigojine le 24 juin 2023 une structure de l’Etat russe, du moins officiellement. L’objectif affiché étant d’arracher l’Afrique, du moins l’Afrique Noire, pour en faire dorénavant une zone d’influence mais surtout une zone économiquement rentable pour Wagner.
J’ai bien dit Wagner et ses mercenaires à la manœuvre. Penser que c’est en s’alliant avec la Russie de Vladimir Poutine, Wagner et ses mercenaires que l’on se débarrassera d’abord des Pseudo-démocraties dans bien des pays d’Afrique. En qu’ensuite, seulement après l’on instaurera des régimes plus démocratiques est absolument faire preuve de grande illusion ou de grande naïveté. A moins que ce ne soit tout bonnement une escroquerie. Si c’est une escroquerie, alors il s’agit de la plus grande escroquerie de tous les temps.
Quel esprit averti des réalités politiques et des enjeux géopolitiques pourrait croire à une telle inanité si ce ne sont des tas de jeunes désoeuvrés, laissés-pour-compte, qui n’ont plus rien à perdre, et qu’on manipule à dessein et sans scrupules ?...Surtout lorsque quelques milliers de francs CFA circulent en dessous…C’est ainsi que Wagner et ses mercenaires achètent ceux qu’ils considèrent comme des leaders d’opinion ou de la Société civile, des politiciens qui ne savent plus à quel Saint se vouer, des intellectuels et journalistes affamés, etc. Je sais de quoi je parle. Et je ne parle jamais sans éléments de preuves. Wagner n’emploie pas seulement des mercenaires qui utilisent des Kalachnikov, il y a aussi des mercenaires qui utilisent des Plumes. Et j’ai dû me brouiller avec bien des confrères sur la question de cette liaison dangereuse avec beaucoup d’amis et confrères à ce sujet sur le Burkina Faso. Tant qu’à faire, chacun doit être conscient de ses actes et assumer entièrement ses responsabilités.
Les Nouveaux Panafricanistes de collusion avec Wagner et ses mercenaires ont enfin réussi à venir à bout du régime du Président Roch Marc Christian Kaboré que j’ai soutenu de toutes mes forces à la fois en tant que Journaliste et Citoyen ressortissant de la CEDEAO, parce que je craignais déjà fort que ce soit le chant du cygne de la Démocratie en Afrique de l’Ouest. En dépit des erreurs que l’on pourrait mettre à son compte, je continue à croire que ce fut une grave erreur de renverser le Président Roch Marc Christian Kaboré. Je ne l’ai jamais connu ni avant ni même après, mais il incarnait une certaine idée du changement au Burkina Faso et en Afrique de l’Ouest qui est la mienne. A savoir que les Militaires ne devraient pas utiliser des coups d’Etat pour s’installer durablement au Pouvoir comme l’a fait le Capitaine Blaise Compaoré. Ironie du sort, c’est ce que Vladimir Poutine, Wagner et ses mercenaires souhaitent réinstaurer en Afrique de l’Ouest. Ce qui fera en effet leurs propres affaires, du moment où les militaires auraient réussi à troquer la tenue Kaki contre la tenue civile au moyen de processus électoraux biaisés et de tripatoillages à cette fin.
Ce n’était pas le Président Roch Marc Christian Kaboré le problème. Il ne faut guère se tromper de combat ni de cible. Et les jeunes du Burkina Faso ne devaient pas se laisser manipuler sans réfléchir. Certains avaient la dent dure contre le chef de l’Etat parce qu’il avait décidé de faire juger les auteurs de l’assassinat du Capitaine Thomas Sankara et consorts, d’autres parce qu’ils sont impliqués dans l’assassinat du journaliste Norbert Zongo ou dans la tentative de coup d’Etat avorté de septembre 2015, et d’autres encore pour des raisons que l’on ignore... Ce n’étaient là que de petites querelles intestines.
Roch Marc Christian Kaboré, ce n’était pas Jésus-Christ revenu et qui s’était réincarné en lui. Il ne s’agissait pas non plus de lui signer un chèque en blanc, loin de là cette idée. Qu’on lait traité de tous les noms n’avait pas grande importance pour la fonction qu’il occupait et il était bien au-dessus de cela comme on pouvait s’en rendre à l’évidence malgré certaines exagérations à ce propos. Ne dit-on pas dans nos traditions africaines que le Roi est le Tas d’ordures de son Peuple ! Il y avait, malgré tout, trois raisons fondamentales pour lesquelles il méritait un soutien indéfectible dans sa lutte contre le terrorisme.
Primo : le fait que certains de ses anciens camarades du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) tenaient par des actions politiciennes à faire payer à lui et à ses compagnons du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) leur outrecuidance à se rebeller contre leur ancien parti et Blaise Compaoré, lors même que c’était la seule chose raisonnable à faire en ce moment-là.
Secundo : le fait qu’il ait décidé de faire éclore la vérité et rendre justice là où il était nécessaire de le faire avant de parler de réconciliation, notamment dans l’Affaire Thomas Sankara.
Tertio : le fait que des groupes terroristes aient délibérément décidé de l’empêcher de gouverner sereinement le Burkina Faso depuis son élection à la magistrature suprême. En supposant même dans un scenario de politique-fiction que Président Roch Marc Christian Kaboré ait démissionné ainsi que son gouvernement comme l’avait souhaité Eddie Komboigo, le chef de file de l’Opposition, le nouveau Président de la République n’allait pas sortir comme par magie de son chapeau une nouvelle Armée autre que celle dont le Burkina Faso disposait en son temps pour combattre les terroristes. Ce discours ne relevait donc que de la démagogie pure et simple. En faisant porter le chapeau au seul Président de la République et chef des Armées, il tentait ainsi d’occulter l’opprobre qui lui serait faite à mésestimer le sacrifice que payaient pour tous les Burkinabè les Forces de défense et de sécurité (FDS) appuyées par des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) dans cette guerre asymétrique contre le terrorisme à eux imposée.
A ce jour, je reste personnellement très amer par la façon dont les Burkinabè ont laissé faire les choses jusqu’à la chute du Président Kaboré. Ce sont manifestement des forces coalisées et conjuguées qui ont sapé le régime du Président Roch Christian Kaboré avant de le faire tomber. Nous étions probablement un certain nombre d’observateurs avertis de la scène politique burkinabè à savoir que des militaires « Pro-Russes » se préparaient à s’emparer du Pouvoir du Président Kaboré. Tous les signes avant-coureurs l’indiquaient. Soupçonné d’être Pro-Français et tutti quanti, la Russie porte une grande responsabilité dans le coup d’Etat contre un régime élu démocratiquement au Burkina Faso. En accédant au Pouvoir 1e 24 janvier 2022, le Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba avait déjà cédé aux pressions des Pro-Russes à la fois de la Société civile et de des Forces de défense et de sécurité (FDS). Et s’il a été renversé à son tour par un autre coup d’Etat dirigé par le Capitaine Ibrahim Traoré le 30 septembre 2022, c’est tout simplement qu’on ne le trouvait pas assez Pro-Russe. L’Afrique n’a pas besoin de Dictatures. Et la Russie de Vladimir Poutine n’a rien d’autre à nous proposer en la matière. Peut-être la Russie de demain, parce que la Russie, ce n’est pas Vladimir Poutine fût-il considéré comme le nouveau Tsar. Et, en matière de politique, aucun pays n’est éternellement condamné à la dictature.
Par Marcus Boni Teiga
*Cet article ne reflète que ma position en tant que journaliste et citoyen de la CEDEAO et non celle de la Rédaction qui est un véritable creuset d’échanges et de débats vifs et engagés mais toujours constructifs. A ne pas confondre.
1 - Aboubacar Yacouba Barm, Insécurité en Afrique de l’Ouest : pour Buhari, le responsable c’est Kadhafi, 10 Jan 2019, 15:00 : https://afrique.latribune.fr/politique/2019-01-10/insecurite-en-afrique…
*2 – Idem
A suivre…