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TRIBUNE/AFRIQUE DE L’OUEST : Pourquoi je ne soutiendrai pas l’activisme des « Pro-Russes » … (Deuxième Partie)

« Qui ne dit mot consent », dit-on bien souvent. Même si l’on peut en débattre dans certains cas. Toujours est-il que l’on ne saurait se réfugier dans le silence face à certaines situations sans donner raison à cette expression. Pour ma part, il ne saurait y avoir ni atermoiements ni transigeances face au coup d’Etat au Niger et la nécessité de restaurer l’ordre constitutionnel. Même si la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) doit enfin se réformer ou disparaître. L’Afrique en général et l’Afrique de l’Ouest en particulier est devenu le terrain d’affrontement entre deux visions du monde des grandes puissances, mais surtout deux visions géopolitiques qui rappellent étrangement la période de la Guerre froide. Et, malheureusement, que l’on défende une posture ou une autre, cet affrontement n’est qu’au détriment des Africains eux-mêmes in fine. Pour autant, je ne soutiendrai pas les « Pro-Russes ». Et pour cause :

2 - La Russie va sauver l’Afrique : la plus grande escroquerie de tous les temps

Dans un Documentaire intitulé La croisade de Bill Browder contre Poutine diffusé et accessible sur ARTE, l’homme d’affaires américano-britannique qui a dû fuir la Russie a indiqué de manière détaillée quelles sont les modes opératoires du Président russe Valdimir Poutine avec les Oligarques. En leur cédant les grandes entreprises russes privatisées par des tours de passe-passe, sans qu’ils dépensent le moindre centime, il a fait de tous les Oligarques russes ses obligés. En s’arrogeant au passage 50% des Actions dans toutes les entreprises à eux bradées. Aux dépens des populations russes dont le patrimoine a été ainsi partagé pour servir la cause et les ambitions de Vladimir Poutine, le nouveau Tsar de la Russie.

Dans les années 1990, son entreprise était le plus grand investisseur en Russie et Bill Browder détenait des parts dans Gazprom et dans d’autres sociétés dirigées par l’État russe. À cette époque, Vladimir Poutine serait devenu l’homme le plus riche du monde en utilisant son pouvoir politique pour forcer les riches russes qui avaient fait des investissements similaires au sien à lui donner leurs parts, tout simplement.

Ce que Vladimir Poutine a fait avec les Oligarques, c’est la solution du 50-50 comme qui dirait. Il serait aujourd’hui l’homme le plus riche du monde pour peu que l’on lève un coin de voile sur ses affaires personnelles. Avec une fortune personnelle qui cumulerait à plus de  «200 milliards de dollars». Ce qui crédibilise les enquêtes de Alexis Navalny, on opposant politique le plus irréductible et qui croupit en prison depuis. Lequel avait dévoilé dans une enquête comme lui seul sait le faire en Russie l’une de ses propriétés qui comptent parmi les plus impressionnantes au monde. Ce qui n’a pas empêché Vladimir Poutine de déclarer officiellement qu’il gagne 133.000 dollars (112.000 euros) par an et ne possède qu’un modeste appartement à Moscou, à en croire Newsweek.

A propos de l’affaire sur les soupçons d’ingérence russe dans la campagne présidentielle de 2016, devant le Comité judiciaire du Sénat américain, Bill Browder a été auditionné le 27 juillet 2017. Et le PDG de Hermitage Capital Management –une société de fonds d’investissement et de gestion d’actifs spécialisée dans les marchés russes– à apporter beaucoup d’éléments concernant Vladimir Poutine.

L’homme ne le connaît que très bien en effet. Pour avoir subi ses foudres et préférer fuir que de subir le sort de bien des Russes ou Oligarques ayant décidé de tenir tête au maître du Kremlin. Plusieurs d’entre eux ayant connu des accidents inexpliqués, des empoisonnements, etc.

L’emprisonnement étant, dans le cas d’espèce, la moindre des peines. Comme ce fut le cas de l’Oligarque Mikhaïl Khodorkovsky en 2003. Après avoir vertement critiqué les méthodes de Poutine, celui qui étéit en son temps la première fortune de Russie en a rapidement frais les frais. Arrêté puis jeté en prison sans ménagement. Une façon ou une autre de montrer à tous les autres Oligarques ce qui leur arrivera, dans le meilleur des cas, s’ils osent défier l’autorité de celui qui avait décidé  de faire d’eux de grandes fortunes moyennant soumission bien entendu.

« Petit à petit après l’arrestation de Mikhaïl Khodorkovsky, les autres oligarques du pays sont venus voir Vladimir Poutine», a expliqué Bill Browder aux sénateurs américains. Ils lui ont demandé ce qu’il fallait faire pour ne pas se retrouver en prison. “50%”, a répondu Poutine. Pas 50% pour le gouvernement russe ou pour l’administration, 50% pour Vladimire Poutine. »

La création de Wagner a apporté plus de lumière sur le modus operandi et les ambitions de tous ceux participent et profitent de cette nébuleuse du régime russe. Et le récent coup d’épée dans l’eau d’Evgueni Prigojine le en dit long davantage.

Tandis que Vladimir Poutine déclarait : « C'est un coup de poignard dans le dos de notre pays et de notre peuple (…) Ce à quoi nous faisons face, ce n'est rien d'autre qu'une trahison. Une trahison provoquée par les ambitions démesurées et les intérêts personnels » d’Evgueni Prigojine dans sa folle équipée vers Moscou, l’ancien Patron de Wagner n’était pas moins tendre à son égard, aux chefs militaires et aux Oligarques qui l’entourent.

Dans sa rébellion ou coup d’Etat avorté contre Vladimir Poutine, le chef de Wagner lui-même, Evgueni Prigojine, a ouvertement remis en cause le mobile de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en déclarant : « La guerre était nécessaire pour qu'un groupe de salauds soit promu ». Et d’accuser par la même occasion « les Oligarques » russes dont il a dit qu’ils « avaient besoin de la guerre », tandis que Kiev était « prêt à n'importe quel accord ». Il est allé plus loin encore en soulignant que tout cela n’était qu’une affaire de gros sous : « On se battait en Afrique parce qu’on nous avait dit qu’on avait besoin de l’Afrique. Et, après ça, ils l’ont abandonnée. Ils ont volé tout l’argent qui devait être utilisée pour aider les pays africains ».

Comment des Gens de cet acabit qui n’ont aucun scrupule pour leur propre pays et vis-à-vis de leur peuple pourraient-ils venir aider ou sauver l’Afrique et les Africains ? Qu’ont-ils fait bien avant en Afrique et qui les as empêchés de venir y investir pour employer des millions et des millions de jeunes africains sans emplois et qui tirent le diable par la queue chaque jour que Dieu fait ? Excepté Wagner dont on sait comment il a fonctionné jusque-là et dont on ne sait pas grand-chose sur les bénéfices qu’il en tire, faisons le point des entreprises russes en Afrique et de leurs activités. 

Après avoir longtemps nié tout lien entre l’Etat russe et le groupe Wagner, Vladimir Poutine a été contraint de le reconnaître et l’avouer officiellement et publiquement. Surpris par la soudaineté et la brutalité des événements qui ont fait vaciller son Pouvoir quand Evgueni Prigojine lui a rappelé que chacun défend ses intérêts comme il peut. Et de déclarer : « Entre mai 2022 et mai 2023, l'État a versé 86,262 milliards de roubles (soit environ 922 millions d'euros au taux actuel, ndlr.) pour les paiements du groupe Wagner ». Il a par ailleurs promis  au peuple russe une enquête sur la façon dont cette somme a été dépensée.

Qui pourrait donc encore se fier à leurs dires quand ils allèguent qu’ils veulent sauver l’Afrique ? Sauver l’Afrique comment ? Ils veulent l’achever peut-être oui, mais surtout pas la sauver? Et il faut vraiment être soit très naïf soit de collusion pour faire semblant d’y croire, afin d’en profiter le plus possible. En continuant à faire prendre aux Africains des vessies pour des lanternes.

En fait, à bien y réfléchir, ce n’est pas toute l’Afrique qui a un problème, c’est plutôt l’Afrique Noire. C’est Frantz Fanon qui avait d’ailleurs bien raison : c’est le Noir qui a un problème avec lui-même. « Le Noir est un homme noir ; c’est-à-dire qu’à la faveur d’une série d’aberrations affectives, il s’est établi au sein d’un univers d’où il faudra bien le sortir »*1. Et c’est le même Frantz Fanon qui a également repreis sans son ouvrage cette tout autre vérité de Francis Jeanson : « Tout ressortissant d'une nation est responsable des agissements perpétrés au nom de cette nation ». Qui dit mieux ! Comprenne qui pourra. En tout cas, nous sommes tous responsables de ce qui se passe dans nos pays en Afrique de l’Ouest individuellement et dans notre communauté régionale collectivement au sein de la CEDEAO. 

Ce n’est pas la Russie de Vladimir Poutine qui viendra sauver l’Afrique si les Africains sont incapables de le faire par eux-mêmes. Il s’agit tout simplement d’une escroquerie politique, intellectuelle, économique et financière de la part de tous ceux qui y participent. Ce n’est pas non plus la France ou l’Occident qui viendra sauver l’Afrique. Et il faut bien le dire, une bonne fois pour toutes, pour que ça résonne sempiternellement dans les oreilles de populations africaines. Il ne s’agit pas de crier à l’exploitation ou la prédation des Occidentaux pour la suppléer par une exploitation encore plus opaque des Russes pour prétendre être les chefs d’Etat ou leaders qui défendent les intérêts de peuples africains. Et pour justifier la prise du Pouvoir par des coups d’Etat. Il faut commencer par faire preuve de Transparence avec les Russes en indiquant aux peuples la nature des relations et des contrats qui les lient par les engagements des dirigeants qui les contractent, les activités que les Russes mènent, les bénéfices pour le pays africains et les retombées pour les populations africaines. Les postures qui consistent à vouer aux gémonies les Occidentaux ne sont que de l’infantilisme politique, si elles ne sont pas suivies d’actions concrètes de bonne gouvernance tout au moins économiquement et financièrement de la part des militaires au Pouvoir. A moins qu’on nous dise que Wagner est une Organisation philanthropique ! ... Mais ce n’est pas ce que Evgueni Prigojine a dit au monde entier.

Face à l’actualité, je préfère le courage de celui qui dit la Vérité pour être impopulaire que la couardise ou la filouterie de celui qui dit le Mensonge pour être populaire ou aimé des siens. Quitte à marcher toujours tout seul derrière le drapeau des Réprouvés. Je ne me tairai jamais devant un mensonge encore moins devant des tas de mensonges, qui pis est, à des fins de manipulations qui ne font que diviser les Africains et faire le lit de nouvelles guerres intestines. Je n’ai ni besoin d’être populaire ni aimé par quiconque. Et encore moins par des gens qui véhiculent des mensonges, non seulement parce qu’ils sont payés pour le faire mais également parce qu’ils nourrissent une haine inexpliquée contre la France ou l’Occident, là où l’on doit en principe s’asseoir autour de la table et se dire les quatre vérités, et sans ménagement si nécessaire. 

En tant que journaliste et qui plus est, journaliste politique, il est inadmissible que je me taise devant ces tas de mensonges que je vois passer sur les Réseaux sociaux, même si cela est dirigé contre des situations dont je comprends bien les ressentiments et frustrations qu’elles engendrent en tant qu’Africain ou être humain tout court. Le phénomène mondial que sont Réseaux sociaux et la tournure prise par leur usage comme vecteurs de communication mais surtout colporteurs de FAKE NEWS plus que tout autre chose, est absolument grave et dangereuse pour qu’il soit nécessaire de se pencher là-dessus. Ma consoeur philippine Maria Ressa, Prix Nobel de la Paix 2021 qu’elle partage avec le journaliste russe Dmitri Muratov a eu raison de répondre sans ambages à la question à elle posée par Heïke Schmidt, le 10 décembre 2021 : « Vous dites souvent qu’un dangereux virus menace nos libertés partout dans le monde…le virus du mensonge et de la désinformation. A qui la faute ? Aux réseaux sociaux ?  

Oui ! Ces technologies font le lit de tout ce qui ne va pas dans le monde. Notre écosystème de l’information est dirigé par des décideurs qui ne font plus la différence entre des faits et la fiction. Ils privilégient des mensonges, car des mensonges qui attisent la colère et la haine circulent plus rapidement et plus facilement sur les médias sociaux.   Cela doit changer. Je le répète depuis longtemps, nous avons besoin de réguler tout cela. Franchement, il faut que ça vienne des États-Unis. L’Union européenne est à la pointe de ce combat, avec « la législation sur les services numériques » qui observe la manière dont l’information est amplifiée par la puissance des algorithmes. Le Royaume-Uni prépare aussi une loi sur les informations diffusées en ligne.   Je pense que la technologie a évolué avant même que les gouvernements et les citoyens ne se soient rendus compte qu’elle peut être utilisée pour nous manipuler insidieusement. Et cela doit s’arrêter ».  

Avant de prendre Vladimir Poutine comme le Messie de l’Afrique francophone, les jeunes africains qui s’agitent çà et là comme des marionnettes devraient d’abord aller chercher à savoir qui est le journaliste Dmitri Muratov, le cofondateur et rédacteur en chef de Novaya Gazeta. Tout ne suffit pas de crier : « A bas la France » et de brandir des drapeaux russes pour apparaître sur les Réseaux sociaux comme un Héros ou un Héraut de je ne sais quelle cause au bénéfice de l’Afrique, lors même qu’on ne sait bougrement rien de la politique de Vladimir Poutine tant à l’intérieur de son pays qu’à l’extérieur. A fortiori des dessous et autres enjeux politiques et géopolitiques.

Par Marcus Boni Teiga

*Cet article ne reflète que ma position en tant que journaliste et citoyen de la CEDEAO et non celle de la Rédaction qui est un véritable creuset d’échanges et de débats vifs et engagés mais toujours constructifs. A ne pas confondre.

*1- Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Paris, Seuil, Points Essais, 1971 [1952]

A suivre…

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