Je crois que maintenant la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) n’a pas d’autre choix que de frapper fort les soldats qui viennent de prendre le pouvoir au Niger et rétablir la légalité constitutionnelle. Elle devra cette fois-ci aller au-delà des simples sanctions qui ne touchent que les populations civiles que les putschistes prennent toujours en otage. Il en va de la crédibilité de notre organisation régionale, la seule qui fonctionne à peu près correctement sur notre continent, et il s’agit de stopper cette épidémie de coups d’Etats que rien ne justifie, si ce n’est la soif de pouvoir de certains soldats à qui le peuple a donné des armes pour le protéger. Quelle est la légitimité du galonné qui vient de prendre le pouvoir au Niger pour l’exercer ? De quelle compétence, de quelle expérience peut-il se prévaloir pour diriger son pays. Il était juste chargé d’assurer la sécurité du chef de l’Etat. De quelles légitimité, compétence, expériences politiques peuvent se réclamer ceux qui dirigent aujourd’hui le Mali, le Burkina Faso, la Guinée ? Leurs arguments à tous ces tueurs de démocratie sont la lutte contre l’insécurité, la corruption, la modification de la Constitution pour se maintenait au pouvoir. Et pour assaisonner cette sauce, on la saupoudre avec beaucoup de sentiments anti-français, on sort des drapeaux russes d’on ne sait où, et le pauvre peuple abruti par la misère et l’analphabétisme n’y voit que du feu. Et ils ne se donnent pas la peine de trouver des noms originaux à leurs juntes. CNSP. Ça ne vous rappelle rien ? Qu’est-ce qui a changé au Mali depuis l’arrivée des bidasses au pouvoir ? Le pays est pillé par les mercenaires russes de Wagner, avec la complicité des nouveaux dirigeants à qui ils laissent quelques miettes qu’ils vont investir en France, au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Qu’en est-il de la lutte contre le terrorisme ? Les populations sont toujours massacrées. Qu’est-ce qui a changé au Burkina Faso depuis l’arrivée des bidasses ? C’est aux civils qu’il est désormais demandé d’assurer la sécurité. Et en Guinée ? Dans tous ces pays les libertés et les droits humains n’ont jamais été autant bafoués. Vous verrez que si on laisse les militaires nigériens faire, bientôt ils vont annoncer une concertation nationale, la rédaction d’une nouvelle constitution, et proposer des délais qui leur permettront de rester au moins trois ans au pouvoir. Le temps de piller ce qu’ils peuvent piller et se bâtir quelques fortunes.
Ce coup d’Etat au Niger est le quatrième en moins de trois ans dans notre espace CEDEAO. Il s’en est fallu de peu qu’il n’y en ait eu un cinquième en Guinée Bissau. Pourquoi tous ces putschs dans cette région ? Est-elle la plus pauvre d’Afrique, celle où il y a le plus d’insécurité ? Nous devons nous interroger. Et, en dehors de la Guinée Bissau où la tentative de coup d’Etat a échoué, ils se sont tous passés dans des pays francophones. Interrogeons-nous aussi sur cet aspect. Mais je crois qu’il y a tous ces coups d’Etat surtout parce qu’il n’y a personne pour les empêcher. Et visiblement, il y a quelqu’un derrière qui en tire un grand profit. Comme dirait Laurent Gbagbo, on voit le dos du nageur. Un nageur qui, à vrai dire n’a jamais caché ses intentions. Il y a eu cette vidéo diffusée par le groupe russe Wagner qui annonçait clairement que la Côte d’Ivoire se trouvait dans son viseur. Après la mutinerie avortée du patron de Wagner, il avait été annoncé que ce groupe allait désormais se déployer en Afrique, un continent trop juteux pour la Russie pour qu’elle l’abandonne. Et on a vu ce patron de Wagner que l’on croyait en disgrâce, plastronner dans les environs du sommet Russie-Afrique qui vient de se tenir à Saint-Pétersbourg. Avoir la Côte d’Ivoire, c’est toucher le Saint Graal pour ce groupe. Les Russes, ne l’oublions pas, sont des joueurs d’échec. Avant de s’attaquer au roi, il faut faire tomber tous les pions qui le protègent. Un à un tous nos voisins sont en train de tomber. Si toute la région CEDEAO ne veut pas se retrouver à boire de la vodka demain, elle a intérêt à réagir maintenant. Souvenons-nous qu’au temps de la guerre du Liberia, la CEDEAO avait créé une force, appelée ECOMOG, essentiellement composée de soldats nigérians, qui avait contribué à ramener la paix dans ce pays. Le nouveau président de l’organisation, le président du Nigeria avait affirmé sa ferme volonté de lutter contre les coups d’Etats lors de son élection. Qu’il la démontre maintenant.
Par Venance Konan