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TRIBUNE : Anciens et nouveaux pilleurs

« Wagner, les nouveaux pilleurs de l’Afrique ». C’est le titre d’une enquête initiée par un célèbre magazine panafricain. Et il a suscité cette réflexion chez mon ami Koulibali Lassina de Korhogo : « Wagner les nouveaux pilleurs de l’Afrique ? Ok. Qui sont donc les anciens pilleurs de l’Afrique ? Ces anciens pilleurs ont-ils arrêté de nous piller ? » Les anciens pilleurs ? Ne tournons pas autour du pot. Il s’agit des anciennes puissances qui pratiquèrent la traite négrière, puis la colonisation du continent. Les esclavagistes furent essentiellement les Anglais, les Français, les Espagnols, les Portugais, les Hollandais, et les Arabes. Et ces mêmes Européens, auxquels s’ajouteront les Belges, les Italiens et les Allemands viendront par la suite coloniser le continent africain. La première matière qui fut pillée en Afrique fut ce que le poète haïtien René Depestre appela « le minerai noir » : « Quand la sueur de l’Indien se trouva brusquement tarie par le soleil quand la frénésie de l’or draina au marché la dernière goutte de sang indien de sorte qu’il ne resta plus un seul Indien aux alentours des mines d’or on se tourna vers le fleuve musculaire de l’Afrique pour assurer la relève du désespoir alors commença la ruée vers l’inépuisable trésorerie de la chair noire alors commença la bousculade échevelée vers le rayonnant midi du corps noir et toute la terre retentit du vacarme des pioches dans l’épaisseur du minerai noir… » Tout a été dit sur la traite transatlantique. C’est sur l’autre traite, celle pratiquée par les Arabes et qui continue encore en ce 21ème siècle, sur notre continent, que nous gardons un étrange silence, comme si elle était tout à fait normale. Voici donc les premiers pilleurs de l’Afrique. 

Sont-ils ceux que mon ami Lassina appelle les anciens pilleurs ? Je crois que pour parler des anciens pilleurs, il serait erroné de citer des pays. Car ce qui est en cause est plutôt un système économique, à savoir le capitalisme, qui s’étend à toute la planète. Lénine avait écrit en 1917 que « l’impérialisme était le stade suprême du capitalisme. » Il voulait dire par là que lorsque le capitalisme atteint un certain niveau dans son développement, il se doit de chercher de nouveaux débouchés et cela le conduit à aller dominer d’autre peuples pour s’emparer de leurs ressources aux coûts les plus bas lorsqu’il en a la possibilité. Et c’est ce que le poète martiniquais Aimé Césaire traduit en ces termes : « le geste décisif est ici celui de l’aventurier et du pirate, de l’épicier en grand et de l’armateur, du chercheur d’or et du marchand, de l’appétit et de la force, avec, derrière, l’ombre portée, maléfique, d’une forme de civilisation qui, à un moment de son histoire, se constate obligée, de façon interne, d’étendre à l’échelle mondiale la concurrence de ses économies antagonistes. » De son côté l’altermondialiste américaine naturalisée française Susan George, auteure du livre « comment meurt l’autre moitié du monde » avait déclaré dans une interview que les pays développés ne se réunissent pas régulièrement pour trouver les moyens de piller les pays pauvres. Leurs soucis sont d’augmenter le niveau de vie de leurs citoyens et électeurs en augmentant leur pouvoir d’achat, faire baisser le chômage, équilibrer leur balance commerciale. Par contre, les dirigeants des grandes entreprises multinationales eux, réfléchissent tous les jours sur la manière de continuer à faire du profit, afin de ne pas être sanctionnés par leurs conseils d’administration. Et pour faire du profit, il faut acheter des matières premières à très bas prix, avoir des coûts de production aussi bas que possible, une main d’œuvre pas chère, etc. Par exemple, on incitera les pays tropicaux à cultiver beaucoup de cacao, de café, d’hévéa, ou de noix de cajou, et ainsi, lorsque l’offre dépassera la demande, les prix s’effondreront tout seuls. Ou, on alimentera des guerres interminables dans certaines régions du monde riches en minerais très précieux, afin de pouvoir s’en approprier à moindre coût, on fomentera des coups d’Etats pour placer à la tête de pays riches en pétrole, uranium, diamant ou autre chose des hommes serviles qui ne chercheront pas à savoir la quantité exacte de minerai extraite, etc. Et cela est valable pour tous les pays développés ou émergents qui aspirent à jouer dans la cour des grands. Alors Wagner, un nouveau pilleur ? Oui. Disons que c’est le dernier arrivé sur la liste, qui vient avec ses méthodes à lui et qui ont l’air de déplaire aux autres qui étaient là avant lui. En oubliant qu’ils ont eu eux aussi leurs Bob Denard, CIA, Executive outcome (c’était pour les sud-africains) et autres catégories de mercenaires.

Par Venance Konan

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