Avec la dégradation des relations entre la junte militaire au pouvoir à Bamako et ses partenaires occidentaux, même l’Allemagne souvent plus pondérée dans les relations entre l’Europe et l’Afrique a fini par jeter l’éponge. En décidant de suspendre ses opérations au Mali sous la Missions de l’ONU baptisée MINUSMA. Explication.
L'Allemagne qui, historiquement avait été dépouillée de ses anciennes colonies après sa défaite lors de la Seconde Guerre mondiale, est réputée pour avoir une politique et une diplomatie constructives par les Africains eux-mêmes de manière générale. C’est du reste ce qui en fait l’un des partenaires les plus appréciés parmi les Occidentaux. Et quand l’Allemagne décide suspendre « jusqu'à nouvel ordre » la quasi-totalité de ses opérations militaires au Mali sous les auspices de la mission de l'ONU dénommée Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA), il y a de quoi se poser moult questions sur ce qui se passe au Mali avec les autorités maliennes.
Selon porte-parole du ministère allemand de la Défense, autorités maliennes ont refusé les vols comme prévus : « Le gouvernement malien a encore une fois refusé d'autoriser un vol prévu aujourd'hui » qui devait assurer une rotation de personnel, a-t-il déclaré. Et de poursuivre : « …nous suspendons jusqu'à nouvel ordre nos opérations de reconnaissance et les vols de transport par hélicoptère ». La raison évoqué en est simple : « il n'est plus possible de soutenir la MINUSMA sur le plan opérationnel ».
En effet, avec le retrait des Forces françaises, la mission de sécurisation n’était plus assurée, empêchant ainsi les forces sur le terrain de pouvoir accomplir leurs missions habituelles. Or ce refus de survol, à en croire des sources allemandes, est bel et bien intervenu alors même que les autorités de Berlin avaient des assurances contraires de la part du ministre malien de la Défense, Sadio Camara, à la suite d’une conversation téléphonique avec Christine Lambrecht, la ministre fédérale de la Défense de l’Allemagne. Laquelle a dénoncé sur Twitter : « Les actes de Camara parlent une autre langue que ses mots ».
Force est de constater que l’Allemagne a décidé de suspendre sa coopération militaire à l’heure où la junte militaire au pouvoir au Mali a non seulement poussé la France à quitter son pays mais l’accuse aussi devant l’ONU d’avoir « collecté des renseignements au profit des groupes terroristes » afin de « leur larguer des armes et des munitions ». Des accusations très graves –aussi bien pour les accusés que pour les accusateurs – mais qui restent à vérifier et prouver. Immédiatement, le Général Bruno Baratz, Commandant de la Force Barkhane a déclaré : « Pour nous, militaires français, qui avons toujours été transparents des autorités maliennes, nous trouvons que c’est insultant pour la mémoire de nos 59 camarades qui sont tombés en se battant pour le Mali, et également pour la mémoire des Maliens qui se sont battus à nos côtés, mais aussi des personnels de la Minusma, des forces africaines de la Minusma qui sont tombées en luttant contre le terrorisme.
C’est un petit peu insultant de leur part, parce qu’effectivement, nous avons tout fait pour nous battre jusqu’au bout. Même au moment du désengagement, il y avait eu un accrochage entre le personnel de la 13e DBLE et un groupe de l’EIGS, faisant deux morts dans les rangs de l’EIGS. C’est étonnant de nous accuser aujourd’hui d’appuyer et de soutenir le terrorisme. »
Par la suite, la France, à travers son Ambassade à Bamako, a quant à elle rappelé à la junte au pouvoir ceci : « la France est intervenue au Mali entre 2013 et 2022 à la demande des autorités maliennes ». Durant cette période, « la France a libéré de nombreuses villes maliennes qui étaient tombées entre les mains des terroristes, lesquels imposaient leur règne de terreur – interdiction de l’éducation, meurtres, punitions corporelles –, notamment à Tombouctou et à Gao », rappelle l'ambassade.
« En 9 ans, poursuit la diplomatie française, Paris a neutralisé plusieurs centaines de terroristes au Mali et mis hors d’état de nuire deux figures historiques du terrorisme dans la région » : le chef du groupe État Islamique, Adnan Abou Walid al-Sahraoui, et le chef d’al-Qaïda au Maghreb islamique, Abdelmalek Droukdel.
« Dans tous les communiqués des groupes terroristes, appuie l’ambassade, la France était jusqu’à son départ désignée comme leur ennemi numéro 1. »
« 53 soldats français (...) dont la mission consistait, avant tout, à lutter contre les groupes terroristes » sont morts au Mali, insiste le compte @FranceauMali sur Twitter, ajoutant que « ces dernières années, la France a été meurtrie sur son propre territoire par plusieurs attentats terroristes ».
Pour des raisons qui sont propres à la junte militaire au pouvoir à Bamako, elle a décidé de faire appel aux paramilitaires du groupe de sécurité privé russe Wagner, et de rompre avec la France, son ancienne puissance coloniale qu’elle accuse de tous les maux du Mali. En privilégiant ses relations avec Moscou. Mais ses dernières accusations de la junte militaire de Bamako pourraient bien se révéler comme un boomerang et se retourner contre elle, à force de vouloir trop tirer sur l’accélérateur du populisme ou du sentiment anti-Occident. La Force française Barkhane s’est déjà retirée du Mali pour se repositionner au Niger.
Invoquant des abus mis à la charge de ces paramilitaires et la difficile et voire impossible cohabitation avec une Armée régulière d’un pays et des mercenaires qui ne représente pas l’Armée de la Russie, l’Allemagne a mis fin en avril dernier à sa participation à la Mission de Formation de l’Union Européenne au Mali ou European Union Training Mission in Mali (EUTM).
La longue neutralité de l’Allemagne a fait que le pays est resté presque souvent à l’écart des grands enjeux géostratégiques et militaires de ces dernières décennies. Raison pour laquelle une bonne frange de l’opinion publique, ne voyait pas d’un bon œil le déploiement de quelque 1.350 soldats au Mali, consacrées aux différentes missions de de formation des Forces armées maliennes (FAMa), de lEUTM Mali et de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA). L’Allemagne n’exclut pas tout de même de soutenir la MINUSMA si les conditions optimales sont à nouveau garanties. En attendant, l'Armée allemande ou Bundeswehr poursuit sa présence au Sahel à travers la mission « Gazelle », relative à la formation des Forces spéciales nigériennes.
Par Daniel Yaoni