Les mercenaires russes du Groupe Wagner ne se cachent plus. Après avoir longtemps usé de faux-fuyants et entretenu un flou sur leurs relations avec le Président Vladimir Poutine, le groupe montre dorénavant son vrai visage. En témoigne l’inauguration le 04 novembre dernier 2022, à Saint-Pétersbourg, du nouveau bâtiment qui abritera son centre administratif.
1 - Qui est Evgueni Prigojine, le fondateur du Groupe Wagner ?
L’homme d’affaires Evgueni Prigojine est un Oligarque. Il est surnommé « le cuisinier de Poutine ». En effet, c’est sa société de restauration qui a approvisionnait le Kremlin. Du fait de ses activités, l’homme d’affaires qui est aussi l’un des plus proches parmi les plus proches des Oligarques que Poutine a fabriqués, est soumis à des sanctions financières par l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique.
Le patron du Groupe Wagner a déjà annoncé que les actions futures de son groupe en déclarant : « Nous prévoyons d’ouvrir de nouvelles succursales en Russie, si l’expérience est concluante ».
2 - Qu’est-ce que le Groupe Wagner ?
Dans un communiqué, Evgueni Prigojine avait déclaré que c’est pour envoyer des combattants aguerris dans Donbass ukrainien en 2014 que le Groupe Wagner a été créé : « C’est à ce moment-là, le 1er mai 2014, qu’est né un groupe de patriotes qui a pris le nom de Groupe tactique de bataillon Wagner », précise-t-il dans ce communiqué (…) J’ai nettoyé moi-même les vieilles armes, j’ai trié les gilets pare-balles moi-même et j’ai trouvé des spécialistes qui pouvaient m’aider pour cela ».
Le Groupe Wagner est une société paramilitaire. Elle fournit plusieurs services à la demande, notamment des combattants, des instructeurs militaires, des conseillers. C’est par conséquent une société privée qui ne représente pas l’Armée de la Russie mais qui dépend, d’une manière ou d’une autre, de la volonté du Président de la Russie, Vladimir Poutine. Raison pour laquelle, beaucoup considèrent les mercenaires du Groupe Wagner comme étant l’« Armée de l’ombre » de Vladimir Poutine. Lequel, par le truchement de d’Evgueni Prigojine, peut agir à sa guise non seulement à l’intérieur de son propre pays mais également à l’extérieur. Et sans avoir de comptes à rendre sur le plan international. Il s’agit ni plus ni moins d’une milice armée.
Evgueni Prigojine est la face visible de l’iceberg. Il gère les affaires administratives et financières. Mais c’est le très discret Dmitri Outkine, un vétéran du Renseignement militaire russe tout comme Vladimir Poutine qui en est la face cachée et celui qui est véritablement aux commandes des opérations militaires.
3 - Qui est le Colonel Konstantin Pikalov ?
D’après le site d'investigation Bellingcat, l’homme qui est en charge des missions destinées à l’Afrique serait le Colonel Konstantin Pikalov. Il n’officie pas seulement en tant que e « Monsieur Afrique » du Groupe Wagner. Il est aussi un Conseil politique et militaire qui bénéficie du soutien du Kremlin. Et, à ce titre, il veille et s’occupe de l’entraînement des armées des pays d’Afrique dans lesquels le Groupe Wagner est présent.
4 – Dans quels pays d’Afrique le Groupe Wagner est-il présent ?
Le Groupe Wagner est présent en Afrique, au Moyen-Orient et bien sûr en Ukraine, en ce moment.
Pour l’heure, en Afrique, les mercenaires russes du Groupe Wagner sont présents en Libye, au Soudan, en Centrafrique, au Mali, au Burkina Faso…
Dans tous ces différents pays, le Groupe Wagner se paye directement par des transactions qui impliquent notamment l’exploitation des ressources minières du pays ou par d’autres moyens. A défaut de ressources financières dont ils ne disposent pas souvent pour faire face au prix à payer pour services rendus.
Des documents obtenus par l’OCCRP (Organized Crime and Corrupt Reporting Project - Projet de signalement du crime organisé et de la corruption) et Le Monde ont révélé de nouveaux détails sur la façon dont le célèbre groupe de mercenaires russes Wagner a obtenu une participation dans l'industrie de l'or au Soudan. Pour Richard Messick, ancien spécialiste senior des opérations à la Banque mondiale, qui est désormais consultant pour des organisations internationales sur le développement juridique et la lutte contre la corruption : « La question est de savoir comment ces transactions [entre Wagner et les sociétés militaires soudanaises] sont menées ». Et de poursuivre : « Ce sont deux très mauvais acteurs qui ne devraient pas être autorisés à acheter des armes, où que ce soit. Si le paiement est en or, il doit être fermé. Si c'est par le biais du système financier international, les autorités de sanction doivent s'assurer que les entreprises et les individus qui leur sont associés ne peuvent détenir aucun compte [bancaire] ».
5 – Pourquoi le Groupe Wagner est-il un danger en Afrique ?
En Centrafrique, sous le Président François Bozizé, il y avait des mercenaires Sud-africains opéraient dans le pays. Cette situation a été vivement critiquée au niveau de l’Union africaine. Par conséquent, l’institution panafricaine a dû prendre des sanctions pour que ces sociétés paramilitaires qui opèrent illégalement avec l’accord d’un Gouvernement légal d’un Etat ne puissent pas avoir droit de cité en Afrique. Parce que toutes les sociétés privées africaines pourraient, elles-aussi, être tentées à avoir recours à des mercenaires pour remplir des missions dans différents pays en Afrique. Curieusement, avec le départ des mercenaires Sud-africains, ce sont les mercenaires russes qui ont pris leur place. Or les textes sur le plan africain sont clairs à propos des soldats de fortune. En vertu de la Convention de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), faite à Libreville au Gabon le 3 juillet 1977, il est entre autres stipulé : « Nous, Chefs d'Etat et de Gouvernement des Etats membres de l'Organisation de l'
Unité Africaine. CONSIDERANT la grave menace que constituent les activités des mercenaires pour l'indépendance, la souveraineté, la sécurité, l'intégrité territoriale et le développement harmonieux des Etats membres de l'OUA (…) Les parties contractantes s'engagent à prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer du Continent africain les activités des mercenaires ». C’est dans cette optique que l’Afrique du Sud a dissout en 1993 le « Bataillon Buffalo » ou « Groupe Buffalo », constitué jadis des militaires Blancs du Bataillon 32, une unité spéciale du régime d'Apartheid mais rendue multiethnique avec l’intervention dans la guerre en Angola. Considérés en son temps comme les meilleurs mercenaires de la planète, certains de ses éléments s’étaient reconvertis en une Entreprise de mercenariat. Elle a longtemps sévi en Guinée Equatoriale et en Centrafrique. Arlécio Costa, l’un de ses anciens membres tué, selon le Premier ministre Patrice Trovoada, a été accusé le vendredi 25 novembre 2022 de complicité de tentative de coup d’Etat à São Tomé-et-Principe.
Faut-il le souligner le Gabon et le Maroc étaient impliqués dans l’agression armée par les mercenaires français de Bob Denard le 16 janvier 1977, entraînant par conséquent la rupture des relations diplomatiques entre le Bénin et le Maroc sous le Roi Hassan II et le Gabon sous le Président Omar Bongo Ondimba du Gabon. En effet, si l’on accepte des mercenaires russes du Groupe Wagner, il faudrait alors accepter que n’importe quelle société africaine puisse avoir les mêmes droits : lever une armée de mercenaires et la mettre au service de n’importe quel Etat. Et n’importe quel groupe de mercenaires serait capable de renverser un régime dans n’importe quel pays d’Afrique, même sans avoir besoin de l’envahir directement. Et c’est bien là le grand danger de la présence du Groupe Wagner en Afrique.
Par Abdul Yazid