Il y a quelques jours, quelques sept mille migrants en provenance d’Afrique subsaharienne ont débarqué sur la petite île italienne de Lampedusa, et depuis lors toute l’Europe est en émoi. Cette « invasion » devient le principal sujet de conversation sur les chaînes de télévisions et la grande question qui se pose désormais à l’Europe est celle de savoir comment arrêter ce flux migratoire. La question n’est plus de savoir comment gérer ces migrants lorsqu’ils arrivent en Europe, mais de faire en sorte qu’ils ne puissent plus mettre les pieds sur le continent. Plusieurs méthodes ont été expérimentées, telles que payer cher les pays du Maghreb ou la Turquie pour qu’ils les bloquent chez eux, les obligent à retourner d’où ils viennent, pour leur faire vivre un véritable enfer dans un pays tel que la Libye, et aussi désormais l’Algérie et la Tunisie, afin qu’ils n’aient plus envie de passer par ces territoires, mais rien n’y fait. Ils sont toujours plus nombreux à tenter la traversée, et à réussir à passer. Même s’ils sont encore plus nombreux à périr dans le désert ou dans la mer. Pourquoi ces jeunes Africains tiennent-ils tant à se rendre en Europe ? Comment les empêcher d’y arriver ? Avant de tenter de répondre à ces questions, faisons un peu d’histoire.
En octobre 1492, le génois Christophe Colomb mettait les pieds sur une île des Caraïbes en pensant qu’il avait atteint l’Inde. Plus tard d’autres navigateurs européens découvriront ce que l’on appellera le Nouveau Monde, auquel il sera donné le nom d’Amérique. Depuis lors, ce sont des millions d’Européens qui ont débarqué sur ces terres, en ont pris possession, en massacrant les populations autochtones trouvées sur place ou en les marginalisant et les parquant dans des réserves. Ils y emmenèrent de force des populations d’Afrique et d’Asie pour les servir comme esclaves ou main-d’œuvre bon marché. Plus tard le même processus eut lieu en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Afrique australe. Pourquoi ces Européens quittèrent-ils en si grand nombre leur continent, au péril de leurs vies ? On peut imaginer que dans les siècles passés, traverser les océans pour se rendre en Amérique, au bout de l’Afrique ou en Australie était une aventure très périlleuse, peut-être aussi périlleuse que celle de traverser aujourd’hui la Méditerranée sur des bateaux de fortune. Pourquoi prenaient-ils donc tous ces risques ? C’est parce qu’ils allaient chercher fortune ou juste une vie meilleure, fuyaient la misère ou la guerre. Comme les jeunes migrants d’aujourd’hui, qu’ils viennent d’Afrique, du Moyen-Orient, ou d’Afghanistan. Ou d’Amérique latine vers les Etats Unis. Comme les « boat-peoples » en provenance du Vietnam ou du Cambodge d‘il y a quelques décennies. Que les Européens ne se fassent pas d’illusions. Tant qu’il y aura de la misère dans des pays africains, tant qu’il y aura des guerres, des dictatures, des massacres en Afrique, des jeunes Africains fuiront vers d’autres cieux qui leur sembleront plus cléments et aucune mesure ne les arrêtera.
Il n’est pas possible de faire autrement ? Si ! il faut faire en sorte que la misère, les injustices et les inégalités disparaissent ou s’atténuent sur ce continent, ou faire en sorte que l’Europe ne fasse plus fantasmer inutilement les Africains. Il y a de nombreux jeunes Africains qui jouissent de situations tout à fait correctes chez eux mais qui les abandonnent pour aller en exil en Europe, en croyant y trouver l’eldorado. C’est ainsi qu’un de mes amis d’école qui exerçait comme professeur de lycée a abandonné son poste pour se retrouver vigile à Paris. Et en ce moment une jeune fille de Daoukro qui s’en sort plutôt bien comme commerçante me harcèle pour que je l’aide à trouver un visa afin qu’elle aille « se chercher » en France.
En 2050 l’Afrique comptera plus de deux milliards d’habitants. Si ce continent n’amorce pas son développement, c’est son voisin l’Europe qui sera submergé. Or l’Afrique a tous les éléments pour se développer. Une population jeune, dynamique, inventive, de mieux en mieux formée et totalement connectée avec le reste du monde, ainsi que des matières premières à profusion. Ce qui lui manque, c’est peut-être une foi en elle-même, en ses capacités. Ce qui la retient aussi, ce sont de nombreux freins que le système économique mondial lui a mis, dont la fameuse aide au développement qui est un vrai piège à nigauds qui ne sert qu’à maintenir l’Afrique dans la dépendance. L’Europe vieillissante doit comprendre qu’il est de son intérêt de vraiment aider l’Afrique à se développer, sinon le grand remplacement que craint Eric Zemmour finira par avoir lieu.
Par Venance Konan
