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Le quinquennat de Roch Marc Christian Kaboré face au défi des attaques terroristes

29 décembre 2015. Election de Roch Marc Christian Kaboré à la présidence de la République. Le moins que l’on puisse en dire, c’est que l’avènement de Roch Marc Christian Kaboré à la magistrature suprême du Burkina Faso a été accueillie par un attentat terroriste de grande ampleur à Ouagadougou le 15 janvier 2016. Il aura suffi de moins de deux semaines pour frapper en plein cœur le « Pays des hommes intègres » et lui faire perdre son innocence devant ce qui va devenir son plus grand défi à ce jour.

Il sonne 19 heures 45 ce 15 janvier 2016 quand des individus attaquent Bar Taxi Brousse, le Restaurant Le Cappuccino et l'Hôtel Splendid en plein cœur de Ouagadougou. La riposte conjointe par les militaires burkinabè et français permet de venir à bout des terroristes. Néanmoins, le bilan est lourd : une trentaine de morts de diverses nationalités dont deux personnalités politiques suisses. Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ne se fait pas prier pour revendiquer cette opération terroriste. Le choix des lieux ciblés - parce que très fréquentés par des Occidentaux - et la coordination de l’action indiquent un double objectif. Il s’agit de viser l’Occident à travers la France qui est intervenue militairement au Mali avec l’Opération Serval pour mettre fin à l’emprise des Jihadistes sur le pays, mais aussi de signifier au Burkina Faso qu’il est désormais une cible de prédilection.

Ouagadougou, la capitale du pays, est de nouveau frappée le 2 mars 2018. Et cette fois-ci, les terroristes non contents de cibler l'Etat-major général des armées du Burkina, attaquent aussi l'Ambassade de France à Ouagadougou au Burkina Faso, et cela de façon simultanée.

Le bilan est lourd : D’après la procureure de la République, Maïza Sérém, 8 militaires sont tués au cours de la contre-attaque menée par les Forces de défense et de sécurité (FDS) du Burkina qui parviennent à tuer tous les 8 Jihadistes, mais l’on compte aussi 61 blessés du côté des militaires et 24 parmi la population civile.

Les investigations des services de renseignements du Burkina Faso permettent de reconnaître plus tard que membres du commando ayant exécuté cette double attaque sont au nombre de huit. A leur tête, un certain Ayouri al-Battar, l’un des chefs de la katiba Al-Mourabitoune. Derrière ce qu’ils considèrent comme une expédition punitive, il y a le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), l’une des branches d'Al-Qaïda au Sahel. Pour venger l’élimination par les troupes françaises d'Abou Hassan al-Ansari ainsi que nombre de ses lieutenants lors des combats qu’ils leur ont livrés le 14 février 2018 à Inaghalawass au Mali.

Dans un communiqué du Palais de l’Elysée, le 2 mars 2018, condamnant les attaques au Burkina Faso, on peut lire :

«Le président de la République condamne avec la plus grande fermeté les attaques qui se sont déroulées ce jour à Ouagadougou, Burkina Faso.

Le président de la République s’est entretenu avec son homologue, le président Roch Marc Christian KABORE. Il lui a exprimé son entière solidarité et transmis ses pensées pour le peuple burkinabé.

Il remercie les forces de sécurité burkinabè qui sont intervenues très rapidement, ont permis d’assurer la protection des emprises françaises et de mettre fin à ces attaques. Il adresse ses condoléances sincères aux familles et aux proches des victimes parmi les forces de sécurité.

Le président de la République et le gouvernement ont suivi de très près les événements depuis le début de ces attaques qui illustrent une fois encore la menace pesant sur l’ensemble du SAHEL. Il réaffirme sa détermination et le plein engagement de la France, aux côtés de ses partenaires du G5 Sahel, dans la lutte contre les mouvements terroristes ».

Les événements se déroulent dans la nuit du 31 décembre 2018 au 1er janvier 2019. Deux attaques consécutives le village de Yirgou, une localité sise dans la commune de Barsalogho et dans le département du même nom. La première attaque coûte la vie au chef du village ainsi qu’à son fils et quatre autres personnes. Les auteurs de celle-ci sont identifiés par le gouvernement et les FDS comme des « terroristes » ayant opéré à bord de motocyclettes pour commettre leurs forfaits et sont repartis au Nord, en direction de la province de Soum.

C’est en réponse à cette première attaque que la seconde conduite par des éléments de la milice rurale d'auto-défense dénommée Koglweogo. Des campements des Peul sont alors pris pour cibles, accusés à tort ou à raison, de collusion avec les terroristes. Les membres de la milice étant de l’ethnie des Mossi, ces représailles prennent des allures d’affrontements interethniques. Et tout vire au drame sur fond de massacre.

Le gouvernement fait état de 46 morts au total. Un chiffre qui est en contradiction avec celui des rescapés qui, eux, parlent de 72 morts. Une guerre de chiffres macabre s’instaure entre victimes ou Associations de défense des droits de l’homme d’une part et le gouvernement de l’autre, l’une et l’autre partie s’envoyant à la figure des chiffres sur lesquels ils ne parviennent pas à accorder leurs violons. Cet événement gravissime et inédit depuis la prolifération des attaques Jihadistes sur le sol burkinabè marque un tournant dans les relations interethniques sur lesquelles les terroristes vont essayer de surfer. Il entraîne un exode massif de civils qui constituent ainsi les vrais premier réfugiés à l’intérieur de leur propre pays du fait des dégâts collatéraux des attaques perpétrés par des terroristes. Une charge de plus pour le gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré, obligé de prendre en compte cette crise dans la crise, même si les institutions du système des Nations Unies et ses partenaires extérieurs volent à son secours. Les victimes réclament justice. Mais en attendant, le chef de l’Etat, est obligé de montrer au créneau pour jouer au pompier avant que les Peul, de plus en plus montrés du doigt à travers le pays ne deviennent que le bouc émissaire tout trouvé d’une stratégie des Jihadistes dont l’objectif est de semer la diviser pour mieux s’infiltrer et s’installer.

Après s’être rendu sur le terrain le samedi 5 janvier 2019 à Yirgou, dans la commune de Barsalogho où il s’est entretenu avec les populations et leur a témoigné sa compassion, le président Roch Marc Christian Kaboré a cru bon de devoir s’adresser à tout le pays à ce sujet. Voici son discours :

« Discours du chef de l’Etat «C’est une situation indigne de notre peuple»

A la suite des affrontements communautaires qui ont fait 47 morts à Yirgou, le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, s’est adressé à la nation, dans un discours télévisé.
L’attaque terroriste et les violences meurtrières qui s’en sont suivies occasionnant la perte de nombreux de nos compatriotes à Yirgou et dans des villages voisins situés dans les communes de Arbinda et de Barsalgo, ont été vécues avec tristesse et consternation par la Nation entière.

Je condamne avec la dernière énergie ces tueries qui surviennent dans un contexte sécuritaire marqué par les attaques récurrentes de forces obscurantistes qui endeuillent nos paisibles populations et nos vaillantes Forces de Défense et de Sécurité (FDS). Ce qui vient de se produire est grave et inacceptable.

Rien, absolument rien ne devrait justifier que des compatriotes qui ont toujours vécu en parfaite harmonie, en arrivent à s’affronter au point de provoquer autant de violences meurtrières et de désolation. C’est une situation indigne de nos ancêtres, de notre peuple et de l’héritage que nous voulons léguer à nos enfants.

Il y a quelques jours, dans mon message de fin d’année, j’appelais à la solidarité autour de nos Forces de Défense et de Sécurité pour bouter hors de notre territoire les forces du mal qui ont décidé de s’en prendre aux fondements de notre vivre-ensemble. Notre histoire nous enseigne que de tous les temps, notre peuple s’est toujours illustré par sa capacité à surmonter ses contradictions.

J’ai voulu en me rendant à Yirgou ce matin, rendre hommage aux morts et traduire le soutien de la Nation entière à toutes les familles et aux populations meurtries par ces actes infâmes. Aucune colère, aucune frustration, aucune raison ne doit justifier la barbarie que nous avons connue.

Les enquêtes en cours doivent nous permettre de situer toutes les responsabilités et d’en tirer les conséquences au plan judiciaire. J’en appelle donc au raffermissement de nos liens séculaires de solidarité et d’unité dans la diversité. J’invite les responsables administratifs, politiques, religieux et coutumiers des localités concernées en particulier et ceux du Burkina Faso en général à poursuivre leurs efforts en vue de consolider le vivre-ensemble et d’exorciser notre pays de l’esprit de division.

Contre les discours de division, faisons le choix de la tolérance et de la consolidation de notre fraternité pour poursuivre la construction d’une démocratie apaisée. C’est fort de cette certitude que j’ai l’intime conviction qu’en renouant avec les valeurs qui cimentent notre communauté de destin, ensemble, nous pourrons faire preuve de dépassement pour engager notre pays dans l’unité de ses filles et fils pour combattre efficacement le terrorisme.

Que Dieu bénisse le Burkina Faso ! »

Par Jules OUEDRAOGO

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