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BURKINA FASO: Le Général Gilbert Diendéré et le coup d’Etat le plus bête selon les Burkinabè

Le Peuple du Burkina Faso et son Armée ont fait la fierté de toute l’Afrique, au-delà de celle du Burkina Faso. Non seulement grâce à son sursaut national relatif à son insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 qui a permis de dire Non à une énième révision de la Constitution et de chasser le Président Blaise Compaoré du pouvoir, mais également pour avoir dit Non au coup d’Etat du Général Gilbert Diendéré en septembre 2015. Un coup d’Etat qualifié par de nombreux Burkinabè comme le plus bête, en raison du contexte dans lequel il est intervenu.

Le 16 septembre 2015, à trois jours du début de la campagne électorale devant couronner la fin de la transition démocratique depuis la déchéance de l’ex président Blaise Compaoré, des éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) investissent le palais présidentiel de Kosyam à Ouagadougou. Ils désarment les soldats de faction et prennent le président Michel Kafando, le Premier ministre Yacouba Isaac Zida et nombre des ministres réunis en Conseil des ministres en otage. Le peuple du Burkina Faso apprend la nouvelle avec consternation.

Le lendemain 17 septembre, les putschistes du RSP portent à leur tête le bras droit et armé de l’ex-président Blaise Compaoré, à savoir le Général Gilbert Diendéré comme président d’un soi-disant Conseil national pour la démocratie (CND) en remplacement des autorités de la transition. Il n’en faut pas plus pour susciter l’ire des Burkinabé, des Africains dans tout le continent et à travers la diaspora ainsi que de toute la communauté internationale, avec l’Union africaine (UA) en tête qui n’hésite pas à ainsi qualifier les putschistes de terroristes. Pour justifier leur coup d’Etat, ils allèguent la perspective de la déstabilisation du pays en raison du fait que des candidats du parti de Blaise Compaoré, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), sont écartés des élections présidentielle et législatives prévues pour le 11 octobre 2015. Et ils répriment les manifestants de Ouagadougou, la capitale du pays, qui protestent et érigent des barricades dans les différents quartiers.

A travers le Burkina, des manifestants de partis politiques et d’organisations de la société civile vont s’opposer, dans les rues, au coup d’Etat du Général Gilbert Diendéré et de ses partisans du RSP et exiger le retour à l’ordre constitutionnel. Ils qualifient, du reste, ce coup de force de « coup d’Etat le plus bête du monde ». C’est dans ces conditions que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dépêche à Ouagadougou une médiation composée du président en exercice de la CEDEAO, le président sénégalais Macky Sall et du médiateur désigné de la CEDEAO pour le Burkina, le président béninois Boni Yayi. Au terme des consultations entre les différentes parties prenantes dans cette grave crise sociopolitique, ladite médiation propose un projet d’accord de sortie de crise en 13 points. Mais à sa publication, il jette davantage de l’huile sur le feu plutôt que d’éteindre la braise. En effet, deux des points suscitent une véritable levée de boucliers au Burkina et au-delà en Afrique, l’amnistie proposée aux putschistes et la réintégration des proches du CDP ayant soutenu le projet de révision de Constitution prémisse de la chute de Blaise Compaoré.

L’armée nationale qui, tout en condamnant les violences faites aux populations par des éléments du RSP était jusque-là restée en retrait du putsch, va décider d’assumer ses responsabilités. Le chef d’Etat-major des Forces armées du Burkina, le Général Pingrenoma Zagré, annonce alors le mouvement de ses troupes en direction de Ouagadougou pour désarmer le RSP. En provenance de Bobo-Dioulasso, de Dédougou, de Fada N’Gourma, de Kaya et de Ouahigouya les troupes loyales au régime de transition fraternisent avec les manifestants et font route vers la capitale cependant qu’un sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la CEDEAO se réunit le 22 septembre au siège de l’institution à Abuja, la capitale fédérale du Nigeria, pour connaître du projet d’accord de sortie de crise. Les Forces armées loyalistes arrivent à Ouagadougou dans la nuit du lundi 21 au mardi 22 septembre et encerclent la capitale. Tandis qu’on redoute un violent affrontement dans cette ville, des pourparlers s’engagent entre les frères d’armes qui aboutit à un accord sous l’égide du Mogho Naba, rois des Mossi, pour éviter des affrontements. Le sommet extraordinaire de la CEDEAO recommande aux militaires des deux camps qui se font face d’éviter tout affrontement et mandate quatre des chefs d’Etat, à savoir Macky Sall du Sénégal, Muhammadu Buhari du Nigeria, Boni Yayi du Bénin et Faure Gnassingbé du Togo pour se rendre à Ouagadougou le 23 novembre afin de réinstaller le président de la transition Michel Kafando.

Le 23 septembre, lors d’une déclaration solennelle, le président de la transition Michel Kafando annonce depuis le ministère des Affaires étrangères: « Je reprends du service et par là même je m’affirme en la légitimité nationale (…) En ce qui concerne les dernières propositions de la CEDEAO pour une sortie de crise, il est évident qu’elles ne nous engageront que si elles prennent en compte la volonté du peuple burkinabé, exprimée clairement dans la Charte de la Transition». Et c’est finalement ce même jour, en présence des responsables sociopolitiques burkinabé, de nombreux diplomates notamment le représentant spécial de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest, Mohamed Ibn Chambas, et de chefs d’Etat de la CEDEAO parmi lesquels les présidents Boni Yayi du Bénin, Mahamadou Issoufou du Niger, John Dramani Mahama du Ghana, le vice-président Yemi Osinbajo du Nigeria que Michel Kafando est officiellement réinstallé à son poste de président de la transition. Exit donc les putschistes, la transition reprend ses droits.
S’adressant à la presse à la suite de la cérémonie de réinstallation du président Michel Kafando, le Général Gilbert Diendéré affirme lui-même: « Pour moi, le putsch est terminé, on n’en parle plus. Il faut aller vers la recherche de la paix, vers la recherche de la fraternité et je pense que nous allons y arriver». Tout en se disant prêt à en répondre éventuellement devant la justice, il avoue: « C’est du temps perdu, je le reconnais. C’est des moyens perdus, je le reconnais. C’est des vies humaines perdues, je le reconnais ». 

Le peuple du Burkina Faso a réussi un exploit inédit qui a surpris et l’Afrique et le monde entier. En contraignant le régime du président d’alors, Blaise Compaoré, au respect de la Constitution au moyen de manifestations populaires de toutes ses composantes sociopolitiques. C’est ce qu’on a baptisé l’insurrection ou la « révolution populaire du 30 octobre 2014 ». Et qui a non seulement contraint l’ex-président Blaise Compaoré à abandonner le pouvoir mais également à fuir également son pays à destination de la Côte d’Ivoire. Depuis, une transition politique s’est mise en place avec un président par intérim, Michel Kafando, et un Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, pour conduire le « Pays des hommes intègres » vers des élections démocratiques en octobre 2015. Sauf que la transition en question a connu quelques soubresauts qui montrent que des militaires proches de l’ancien Président Blaise Compaoré à travers le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) sinon la tiennent en respect, du moins son Premier ministre et par ailleurs frère d’armes, le Lieutenant-colonel Yacouba Zida.

Par Marcus Boni Teiga

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