« Si le vivre ensemble est aujourd’hui mis à mal, c’est aussi parce que, culturellement et spirituellement, la société a failli quelque part. Nous refusons parfois d’être nous-même, pour nous refugier confortablement dans la culture et la spiritualité des autres, conçues à des moments donnés de l’histoire, pour des civilisations données, et qui sont parfois loin de nos réalités actuelles. Aucune morale de nos ancêtres, aucune spiritualité de nos ancêtres ne disent de s’en prendre aveuglément à des populations innocentes, de brûler leurs récoltes, de piller leurs biens et leur bétail, ou encore de s’en prendre à celui qui n’a pas la même culture ou la même spiritualité que soi. » (Apollinaire Kyelem de Tambéla, Premier ministre du Burkina Faso.)
En 1986, une Ougandaise du nom de Alice Auma, née en 1956, se dit possédée par un esprit appelé Lakwena (le messager), qui est l’esprit d’un officier italien mort noyé dans le Nil qui lui demanderait de mener une guerre contre le mal. Elle prend donc le nom d’Alice Lakwena et fonde un mouvement baptisé « forces mobiles du Saint-Esprit » qui entame une guérilla contre le pouvoir de Yoweri Museveni. En octobre 1987, elle lance son « armée » contre la ville de Kampala. Ses combattants sont armés seulement de pierres qui selon elle, devraient se transformer en bombes par le Saint Esprit. Avant d’aller au combat, ils s’aspergent d’une eau qu’elle dit bénite.
Après l’échec de cette offensive, Alice Lakwena a été contrainte à l’exil au Kenya où elle est morte en janvier 2007. Joseph Kony, qui se dit membre de la famille d’Alice Lakwena, a pris sa succession et a fondé l’Armée de résistance du Seigneur afin de renverser le pouvoir et installer un système théocratique fondé sur les principes de la Bible et des dix Commandements édictés par Moïse. 80% de son armée est composée d’enfants enlevés à leurs familles et réduits en esclavage (souvent sexuel pour les jeunes filles). Son armée s’est rendue coupable de massacres de nombreux civils, d’exactions, de destruction et de pillages et sévit également au Congo et en Centrafrique. Joseph Kony est responsable de la mort d’au moins 100000 personnes et du déplacement de 2,5 millions de personnes au cours de ces vingt-cinq dernières années. Joseph Kony court toujours.
En 2002 un prédicateur musulman du nom de Mohamed Yusuf a créé à Maiduguri, dans le nord-est du Nigeria, une secte qui prône un islam radical et rigoriste, hostile à toute influence occidentale et surnommée Boko Haram qui serait une déformation de « Book is haram », c’est-à-dire le livre est Haram, qui signifie interdit, parce que non conforme aux préceptes de l’islam. En 2009 Boko Haram a lancé une insurrection au cours de laquelle Mohamed Yusuf a trouvé la mort. Il est remplacé par Abubakar Shekau et le mouvement devient un groupe armé qui se rapproche des thèses djihadistes de l’Etat islamique. Le mouvement est à l’origine de nombreux massacres, attentats et enlèvements à l’encontre des populations civiles de toutes confessions, au Nigeria, mais aussi au Cameroun, au Niger et au Tchad. Les combattants de Boko Haram sont de véritables barbares qui tuent des centaines de personnes toute l’année, mitraillent des églises, lancent des grenades dans les mosquées qualifiées de « tièdes », enlèvent des jeunes filles pour les marier de force aux djihadistes. Il est impossible de chiffrer le nombre de personnes tuées par ce groupe.
En 2013, dans le sillage des indépendantistes touareg, des groupes djihadistes se sont introduits au Mali dans le but de créer un califat dans ce pays. Ils ont été stoppés dans leur cavalcade vers Bamako par l’armée française. Puis ils se sont dispersés dans tout le pays et malgré tous les efforts des Français et de toutes les forces internationales qui sont allées au secours du Mali, leur influence n’a fait que s’accroitre. Actuellement il existe très peu de portions du territoire malien où ils ne sévissent pas. Ces groupes djihadistes ont étendu leur influence au Burkina Faso et au Niger voisins. Même notre pays la Côte d’Ivoire a été frappé.
Aujourd’hui, au Mali, au Niger, au Burkina Faso, au Togo, au Bénin, au Nigeria, au Tchad, au Cameroun, en Somalie, en Ouganda, en Centrafrique, au Congo, au Mozambique, les Africains se massacrent au nom de religions venues d’ailleurs. Pourquoi ne chercherions-nous pas à vivre en paix avec notre propre spiritualité ?
Par Venance Konan