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TRIBUNE : Mimétisme

Venance Konan
Venance Konan.

En 1963, les pays africains qui venaient d’accéder à l’Indépendance créèrent l’Organisation de l’unité africaine (OUA), afin que l’Afrique s’unisse pour faire face à tous les défis qui l’attendaient, afin qu’elle soit plus audible en parlant d’une seule voix, qu’elle lutte ensemble pour la décolonisation totale du continent et parvienne à terme à s’unir. A cette époque l’Organisation était dirigée par un Secrétaire général. Puis, en 2002, elle fut transformée en Union Africaine, comme, tiens, l’Union européenne. Et elle était désormais dirigée par une Commission, avec un président, et une organisation exactement calquée sur celle de…l’Union européenne. La petite originalité est l’existence d’un Conseil de sécurité et de paix, un peu comme celui des Nations Unies.

Le problème est que l’Union européenne s’est d’abord créée à six, et il ne suffit pas d’être européen pour en être membre. Il faut d’abord partager un certain nombre de valeurs avec les pays membres, et remplir un certain nombre de critères économiques. C’est ainsi que, même si personne ne le dit à haute voix, la Turquie a peu de chances d’appartenir à cette Union, parce que de nombreux pays membres estiment que les valeurs musulmanes de la Turquie ne sont pas compatibles avec celles des Etats déjà membres qui se réclament eux, plutôt de valeurs judéo-chrétiennes. L’Union africaine, elle, n’a pas trié. On en est membre dès lors que l’on est africain. Et ainsi, la très riche mais peu très démocratique et désormais esclavagiste Libye y côtoie-t-elle des Etats noirs africains mais très pauvres et en voie de démocratisation ou pas, ou déjà démocratiques, des pays qui se détestent, qui se font la guerre, des pays ravagés par le terrorisme, des pays qui refoulent des ressortissants d’autres pays africains en les lâchant en plein désert, des pays qui s’affichent exclusivement musulmans, d’autres qui acceptent toutes les religions, etc. De plus, ces Etats, très chatouilleux sur leur souveraineté, ne sont même pas capables de se cotiser pour construire le siège de leur organisation et ont demandé à la Chine de le leur offrir ; et c’est l’Union européenne qui finance son budget à hauteur de plus de 75%. Que disent les néo-panafricanistes de çà ? Quels résultats attendons-nous de cette Union africaine ? 

Autre exemple de mimétisme. En 1990, à la suite des crises économiques, de la mauvaise gouvernance, des programmes d’ajustement structurels imposés par les institutions internationales, les rues africaines s’embrasèrent et les jeunesses réclamèrent les têtes de leurs dirigeants. Le Bénin eut le premier l’idée d’organiser un forum baptisé « Conférence nationale souveraine », et qui fut présidé par un archevêque catholique du nom de Mgr Isidore de Souza. Cette « Conférence nationale souveraine » permit au Bénin de se mettre en douceur sur les rails de la démocratie. A sa suite, plusieurs autres pays africains, notamment le Togo, le Congo-Brazzaville, l’ex-Zaïre, le Gabon, le Mali, le Tchad et le Niger décidèrent eux aussi d’organiser des « Conférences nationales souveraines » présidées, dans les cas du Togo, du Congo-Brazzaville, et du Zaïre, par des archevêques catholiques. Aucune de ces « Conférences nationales souveraines » ne donna les mêmes résultats qu’au Bénin. Pourquoi ? Parce que ce pays avait puisé en lui-même cette idée de « Conférence nationale souveraine », en tenant compte de son histoire politique, de ses réalités sociologiques et de ses différents acteurs politiques. Et celui qui l’avait présidée avait été choisi pour ses qualités propres. Les autres pays n’ont pas puisé en eux-mêmes, et se sont contentés de plaquer le modèle béninois tel quel, allant jusqu’à choisir, comme le Bénin, un prélat catholique pour présider leurs conférences nationales, comme si c’était sa qualité d’archevêque catholique qui avait permis à Mgr de Souza de réussir sa mission, et non sa propre intelligence.

Autre mimétisme, avant les turbulences des années 90, aucun pays francophone d’Afrique n’avait de Premier ministre. Mais après les conférences nationales et lorsque l’accalmie arriva là où il n’y en eut pas, comme en Côte d’Ivoire par exemple, ils se dotèrent tous de Premiers ministres, à l’exception du Bénin.

Enfin, à la fin de l’apartheid, l’Afrique du sud mit sur pied une Commission Vérité et Réconciliation pour panser les plaies du passé. A sa suite, tous les pays africains qui avaient connu des crises plus ou moins graves créèrent eux aussi des Commissions Vérité et Réconciliation sur le même modèle que celui de l’Afrique du sud. Et presque tous échouèrent. Simplement parce que les réalités sud-africaines ne sont pas celles des autres pays africains.

En conclusion, tant que nous nous contenterons de copier les autres sans chercher en nous-mêmes les solutions à nos problèmes, nous échouerons toujours.

Par Venance Konan
A

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