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TRIBUNE : Notre pauvreté

Vous vous réveillez un matin. N’importe quel matin. Vous ouvrez les yeux et jetez un regard autour de votre chambre. Vous regardez l’heure sur votre montre, votre réveil ou votre téléphone portable. Il y a peut-être une télévision, une radio, un climatiseur, un ventilateur, des rideaux, une lampe de chevet dans votre chambre. Rien de tout cela n’est produit par votre pays. Vous écoutez à la télévision les nouvelles de votre pays ou d’ailleurs sur un bouquet de chaînes auquel vous êtes abonné auprès d’une entreprise étrangère. Vos draps sont probablement chinois, ou, s’ils ont été tissés dans votre pays, c’est par une entreprise étrangère. Votre matelas est peut-être fabriqué dans votre pays, mais par une société étrangère. Seul peut-être votre lit a été fabriqué par un artisan local avec du bois local. Mais il peut avoir été fabriqué en Chine. Les carreaux sur lesquels vous posez vos pieds sont importés. Vous allez dans votre salle de bain. Votre évier, vos toilettes, votre douche ou baignoire, tout est importé. Tout comme votre brosse à dent, votre dentifrice, votre parfum, les tiges de coton, votre coupe-ongle, vos médicaments, vos lunettes. Si vous êtes une femme, peut-être vos cheveux aussi. Seul peut-être votre savon a été fabriqué dans votre pays. L’eau et l’électricité que vous utilisez sont gérées par des entreprises étrangères. Vous vous habillez, d’un pantalon, d’une chemise, peut-être cousus par un tailleur local, mais dans des tissus fabriqués ailleurs. Vous les repassez avec un fer importé. Vous portez peut-être un costume, mais le plus souvent importé d’Europe ou d’Asie. Comme vos chaussures et vos chaussettes. Et vos sous-vêtements. Vous allez prendre votre petit déjeuner. Souvent du pain, avec du beurre, de la confiture, du café, du thé ou du cacao, du sucre. Peut-être des viennoiseries. Seuls le café, le cacao et le sucre sont produits dans votre pays, mais le plus souvent par des multinationales. Le blé de votre pain ou de vos croissants vient d’ailleurs. Tout comme les assiettes, tasses, cuillères, fourchettes, verres que vous utilisez pour tous vos repas. Les fauteuils de votre salon ont peut-être été fabriqués dans votre pays, mais dans des matériaux le plus souvent importés. Ils peuvent aussi venir de Chine ou de Turquie.

Vous sortez de chez vous, prenez votre voiture, ou un taxi, un bus, un gbaka, une moto, une bicyclette. Aucun de ces types de véhicule n’a été fabriqué dans votre pays. Même pas les pneus ou les vitres. Vous circulez sur une route, un pont, construits par une entreprise étrangère. Vous arrivez à votre bureau. Tous les papiers, stylos, ordinateurs, tout ce qui vous servira à travailler est importé. Si vous n’êtes pas fonctionnaire, il y a de fortes chances que votre entreprise soit étrangère. Quand vous téléphonez, il y a deux chances sur trois que votre réseau soit celui d’une compagnie étrangère. Le soir, en rentrant chez vous, vous vous arrêterez dans un supermarché pour faire des courses. Il appartient à un grand groupe européen ou à des Libanais ou des Turcs ou des Chinois. Et tout ce qui s’y trouve a été importé. A part peut-être quelques fruits et légumes. Chez vous, vous regarderez un match de football sur une chaîne étrangère. Vous ne regardez que les matchs des équipes européennes. Ceux de votre pays sont si ennuyeux. Et de toutes les façons vos meilleurs joueurs évoluent tous en Europe. Vous mangerez du riz, du poisson, de la viande, des pâtes, vous boirez du vin, de la bière, ou des « sucreries », tous importés ou fabriqués ici par des firmes étrangères. Vos cure-dents sont aussi importés. Par coquetterie vous ne boirez peut-être que de l’eau minérale. Produite par une société étrangère. Vous ferez l’amour en utilisant peut-être un préservatif, nécessairement fabriqué en Asie ou en Europe. Si vous êtes d’un niveau social élevé, vos enfants font probablement leurs études en Europe, en Asie ou en Amérique. Vous y avez peut-être une maison. Vous envoyez donc régulièrement de l’argent à l’étranger pour vos enfants, ou pour entretenir votre résidence et payer les impôts y afférents. Vous vous soignez nécessairement hors de votre pays, et évidemment vous passez vos vacances à l’étranger. Le plus souvent en Europe, en Amérique ou en Asie. Vous voyagez sur des compagnies étrangères

Que vous soyez riche ou pauvre, il y a de fortes chances que vous soyez chrétien ou musulman. Et votre plus cher souhait, avant de mourir, est de voir la Mecque, Rome, Lourdes ou Jérusalem. Et, que vous soyez riche ou pauvre, vous mettrez une bonne partie de vos revenus de côté pour faire ce pèlerinage. C’est-à-dire, pour aller offrir ces sommes à ces villes.

Pourquoi nous plaignons-nous de vivre dans des pays pauvres ?

Par Venance Konan

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