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TRIBUNE : Fuite ou vente de cerveaux ?

J’ai entendu récemment sur Radio France International que la France était à la recherche de plusieurs milliers d’ingénieurs en tous genres qui lui font défaut pour faire fonctionner correctement ses entreprises. Et, devinez où elle les cherche en ce moment, ces milliers d’ingénieurs. Chez nous évidemment. Le reportage nous avait présenté le cas de la Tunisie où des recruteurs allaient chercher des ingénieurs trop heureux de trouver du travail en France. Ils avaient parlé du Maroc et du Sénégal où les chasseurs de têtes allaient aussi chercher les oiseaux rares, mais cela peut concerner tous nos pays où de nombreux ingénieurs sont formés et souvent laissés sur le carreau. Eh oui ! La France n’en forme pas assez, nous, nous en formons beaucoup mais souvent nous ne savons pas quoi en faire. Parce que, faute de planification, chacun va se former comme il peut, ou comme il veut, selon ses goûts, sans trop se soucier de savoir si le pays a vraiment besoin de ses compétences ou a les moyens de les utiliser. C’est ainsi que depuis quelque temps on nous parle de milliers de docteurs en je ne sais trop quoi qui sont à la recherche de travail et se font de temps en temps entendre bruyamment. Et pendant ce temps personne n’a encore trouvé le temps de fabriquer des machines pour libérer nos femmes des mortiers et pilons et nos paysans de la machette et de la daba.

Et nous voici à nouveau dans ce paradoxe où l’Afrique, continent le plus pauvre au monde, celui qui a le plus besoin de cerveaux pour assurer son développement, en forme à grands frais, pour les donner aux pays riches. Le phénomène n’est pas nouveau. Depuis longtemps, devant la déliquescence de nos systèmes scolaires, ceux d’entre nous qui en ont les moyens envoient leurs enfants faire leurs études en Europe ou en Amérique. Et généralement, ce sont les plus cancres, ceux qui n’ont pas réussi à se faire une place là-bas, ou ceux qui aspirent à nous diriger qui reviennent. Soit ils reviennent pour travailler dans les succursales des entreprises européennes ou américaines basées chez nous, soit pour être dans les cabinets ministériels ou présidentiels. 

Quid de notre développement ? Bien entendu, lorsqu’un l’un de nos compatriotes se distingue là-bas, lorsqu’il accède à de très hauts postes de responsabilité, nous en tirons une légitime fierté. Mais concrètement, qu’est-ce qu’il apporte à notre développement, à part une grosse maison qu’il construira dans un quartier chic et peut-être quelques actions qu’il achètera dans quelques entreprises cotées aux bourses de Paris ou de New York ?

Mais qui peut blâmer qui devant cet état de chose ? Qui d’entre nous ne rêve pas d’avoir son fils, sa fille, sa sœur, son frère, son neveu, sa nièce haut cadre dans une grande entreprise en Europe, au Canada, en Australie ou aux Etats Unis ? Qui encouragerait son parent occupant un tel poste là-bas à revenir ici, si ce n’est pour sa retraite ou pour être un grand chef ? Il en est de même pour les sportifs de haut niveaux, ou pour les plus talentueux de nos artistes. Quel footballeur un peu doué a envie de faire carrière au Football Club de Daoukro, au Sacraboutou de Bondoukou ou à l’Africa Sport d’Abidjan ? Que devons-nous faire alors ? Pour être au niveau des autres pays ou tout au moins pour nous rapprocher d’eux, nous avons besoin de talents. Mais comment les conserver une fois qu’ils sont formés ? Comment éviter qu’ils ne fuient ou qu’ils n’aillent se vendre au plus offrant ? Comment les sensibiliser pour qu’ils résistent aux chants des sirènes des entreprises des pays déjà développés ? Ce n’est pas simple. Comment ont fait les autres pays qui ont réussi à émerger, en envoyant former leurs cadres dans les meilleures universités occidentales ?

A la vérité, peu de nos pays ont de véritables plans pour maintenir chez eux leurs cadres les mieux formés. Certains font même le raisonnement à court terme qui consiste à se dire que si ces cadres ont de bons postes à l’extérieur, ils pourront envoyer de l’argent à leurs parents restés au pays. Et ces pays font leurs prévisions budgétaires en fonction de ce que leurs diasporas envoient chaque année au pays. Nous gagnerions peut-être à aller regarder de plus près les modèles asiatiques. Comment des pays comme la Corée du sud, la Malaisie, Singapour, la Thaïlande, ou l’Inde ont-ils pu relever la tête pour être au niveau où ils sont ?

Par Venance Konan

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