Comment se fait-il qu’il ait suffit que l’on dise le nom de la France dans la crise burkinabé qui a emporté le pouvoir de Paul Henri Sandaogo Damiba pour qu’une certaine jeunesse descende dans les rues et s’en prenne aux intérêts français ? Au Mali, de nombreuses personnes sont également descendues dans les rues pour acclamer le Premier ministre par intérim parce qu’il avait, du haut de la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies, proprement insulté la France et les Etats africains qui sont perçus par une certaine opinion comme étant ses vassaux. Aujourd’hui, dans bon nombre de pays francophones africains, il suffit de crier « à bas la France » et de l’accuser de tous les malheurs qui frappent le continent pour s’attirer la sympathie d’une partie de la jeunesse. Pourquoi ? Ou bien les ennemis ou adversaires de la France l’ont battu à plate couture sur le terrain de la communication, ou bien le contentieux émotionnel entre elle et ses anciennes colonies est plus profond qu’on ne le croie.
Il faut reconnaitre que l’attitude du président français Emmanuel Macron et de certains de ses ministres à l’égard de certains dirigeants africains et leur façon de gérer quelques-unes de nos crises ont eu de quoi irriter les personnes les mieux disposées à l’égard de la France. Mais cela suffit-il à tout expliquer ? Cela suffit-il à expliquer que des Africains, bien installés en France, pays dont ils ont pris la nationalité et pour qui le plus grand malheur serait d’être reconduits dans leurs pays d’origine, arrivent à pousser des Africains vivant en Afrique à s’en prendre aux intérêts français et même aux citoyens de ce pays ?
A Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, la foule s’est attaquée aux Instituts français, pratiquement les seuls centres culturels de ces villes. Certes, la culture est le cadet des soucis de ces jeunes gens qui pour la plupart n’ont jamais mis les pieds à l’école ou ouvert un livre, et dont on peut imaginer la misère dans laquelle ils vivent ; mais qu’ils sortent aussitôt les crocs lorsque l’on prononce le mot « France » comme les chiens de Pavlov, doit donner à réfléchir. Pourquoi la France est-elle perçue comme la source de tous les malheurs de certains pays africains ? Peut-être parce que le France n’a pas vu les Africains grandir, évoluer, et une certaine élite française les voit toujours comme de grands enfants qu’elle doit encore porter au dos. Le grand fardeau qu’elle se doit de porter par humanisme. Depuis nos indépendances, la France s’est piquée de nous aider, coûte que coûte, même lorsque nous n’avons pas besoin d’aide. J’ai entendu très sérieusement un Français déclarer sur une chaîne de télévision : « comment voulez-vous arrêter d’aider l’Afrique alors qu’ils ont besoin qu’on leur donne la becquée comme des oisillons ? »
En 2018 j’avais été présenter à une cercle d’« africanistes » de Paris mon livre « si le Noir n’est pas capable de se tenir debout, laissez-le tomber. Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas l’empêcher de se tenir debout. » Pour eux, c’était une hérésie que de dire de ne plus aider l’Afrique et de la laisser se débrouiller comme une adulte. La vision très coloniale de l’Africain « ya bon banania » toujours en train de rire et incapable de penser n’a pas totalement disparu de nombreux esprits français. Lorsque l’on se croit seul capable de régler tous les problèmes de l’Afrique, lorsque par exemple, au nom de l’efficacité dans la lutte contre le terrorisme, la France interdit à l’armée malienne d’accéder à certaines parties de son propre territoire, le minimum pour cette France est de réussir à chasser les terroristes. Mais lorsque, au contraire, ce terrorisme ne fait que s’amplifier, on ne peut totalement donner tort aux Maliens lorsqu’ils perdent les pédales et accusent les Français de soutenir les djihadistes. Surtout que personne n’a oublié que c’est la France, qui, en bombardant la Libye de Kadhafi pour des raisons obscures, a complètement désarticulé ce pays qui était une véritable poudrière et contribué à fournir des armes à tous les terroristes du Sahel.
Aujourd’hui les autorités maliennes qui ont échoué à sécuriser leur pays en sont arrivées à vouer une haine tenace à la France et à ses alliés dans la région, principalement à la Côte d’Ivoire. Il faut toujours trouver le bouc-émissaire ou le sorcier du village. Le Mali a trouvé un allié qui cherche lui aussi à se faire une place dans la région, au détriment de la France. Cet allié n’est pas un inconnu. C’est la Russie, qui est en train de détruire l’Ukraine et qui menace d’utiliser la bombe nucléaire dans ce pays où elle semble perdre pied. La Russie, dirigée par Vladimir Poutine, la nouvelle égérie des démocrates « panafricanistes », qui est au pouvoir depuis vingt-deux ans après avoir étouffé toute opposition chez lui. Les Ivoiriens doivent savoir que si les Maliens détiennent indûment 46 de leurs soldats et insultent tout le monde, à commencer par leurs voisins immédiats dont ils dépendent, ce n’est pas parce qu’ils ont perdu la tête. C’est parce que leurs alliés les mercenaires russes de Wagner qui sont les marionnettistes cherchent à prendre pied dans toute l’Afrique de l’ouest en déstabilisant tous les pays de la région. Ils viennent de réussir le coup au Burkina Faso. Devinez qui est la prochaine cible.
Par Venance Konan