J’ai appris il y a quelque temps que le Burkina Faso avait accordé un permis d’exploitation d’une mine d’or à une société russe. Il y a peu de temps aussi, une société italienne déclarait avoir trouvé une importante quantité de pétrole au large de nos côtes. Au Mali, on nous a appris que la société russe Wagner avait obtenu en guise de paiement pour ses activités dans le pays, l’exploitation de trois mines d’or. Au temps de Laurent Gbagbo, nous avions appris que l’architecte Pierre Fakhoury avait obtenu un permis d’exploiter un bloc pétrolier au large de nos côtes. En Guinée et en République démocratique du Congo, des hommes d’affaires de pays occidentaux sont accusés d’avoir obtenu des mines à vils prix, par la corruption, et en certains endroits, il y a des procès. Partout en Afrique, ce sont des entreprises étrangères à notre continent qui viennent exploiter nos ressources minières.
La question que je me pose depuis toujours est celle-ci : qu’est-ce qui nous empêche, nous Africains, d’exploiter nous-mêmes nos ressources minières ? Pourquoi sommes-nous obligés de faire appel à des sociétés étrangères qui toujours prennent la plus grande part des revenus de ces ressources, ne nous laissant que la portion congrue et les nuisances liées à leur exploitation. Ainsi au Niger, les populations vivant dans les environs de Arlit, là où est exploité l’uranium, sont-elles exposées à la radioactivité émise par les résidus d’uranium que personne ne s’est donné la peine d’enfouir correctement dans le sol. Au Nigeria, ce sont des terres et des cours d’eau qui sont polluées par l’exploitation du pétrole. Depuis toujours, nous sommes là, à nous plaindre de voir nos ressources minières et pétrolières pillées par les Occidentaux et depuis quelque temps, par les Chinois aussi. Et certains « panafricains » en ont fait un sujet de guerre contre un pays européen bien ciblé, accusé de piller toutes nos ressources, créant ainsi la misère dans nos pays.
Et pourtant, dans les temps très anciens, Kankou Moussa alla à la Mecque avec une telle quantité d’or que le cours de ce métal s’effondra sur le marché du Caire. Qui avait extrait cet or du sous-sol malien ? Les Maliens de l’époque eux-mêmes. Lorsque les Anglais ont débarqué dans le Ghana actuel, ils l’ont baptisé « Gold Coast », la côte de l’or, tant il y avait de l’or dans ce pays. Qui exploitait les mines d’où sortait cet or ? C’étaient les populations locales. Pourquoi donc aujourd’hui, avec toute la technologie moderne qui est à notre disposition, nous sommes obligés d’attendre que ce soient les firmes occidentales ou chinoises qui viennent exploiter nos mines ? En Côte d’Ivoire, nous avons aussi beaucoup d’or. Ce qui n’est pas exploité par des compagnies étrangères l’est fait par des orpailleurs avec des méthodes archaïques qui détruisent tout l’environnement dans lequel ils opèrent. Depuis des décennies, le diamant de Tortiya est exploité par des mineurs semi-clandestins, selon des méthodes aussi archaïques que celles des orpailleurs. Je répète ma question : qu’est-ce qui nous empêche, nous Ivoiriens, d’exploiter notre or et notre diamant avec des moyens modernes ? Il en va de même pour notre manganèse, notre pétrole et tous les autres minéraux qui ont été trouvés dans notre sous-sol. On nous dira certainement que nous n’avons pas la technologie nécessaire pour exploiter ces mines. Est-ce si compliqué de créer une entreprise minière, d’acquérir les machines et les techniciens qu’il faut pour les faire marcher ? Si un simple individu comme M. Pierre Fakhoury était prêt à se donner les moyens d’exploiter un champ pétrolier, cela veut dire que d’autres femmes et hommes d’affaires ivoiriens, et même l’Etat pourraient le faire aussi. J’ai cru comprendre qu’un entrepreneur ivoirien exploite actuellement une mine de manganèse près de Daoukro. Cela veut dire qu’il n’est pas impossible à un Ivoirien de créer une société minière. Où sont donc les autres hommes et femmes d’affaires ivoiriens capables d’exploiter nos mines ? Il en est de même de nos routes et ponts. Depuis soixante ans, nous n’avons pas encore formé suffisamment d’ingénieurs et de techniciens capables de nous faire de bonnes routes et de nous construire des ponts solides sans que n’ayons besoin de faire venir des Français ou des Chinois ?
Ou alors, il y aurait une loi internationale non écrite qui interdirait aux Etats africains d’exploiter eux-mêmes leurs ressources minières ? Si ce n’est pas le cas, taisons-nous donc et laissons ceux qui savent ce que nos richesses minières valent les exploiter. Rappelons que l’Afrique du sud exploite elle-même ses ressources minières et a créé des entreprises qui vont exploiter celles des autres pays africains qui sont incapables de le faire eux-mêmes.
Par Venance Konan