Elu à l’issue 61e conférence des chefs d'État et de gouvernement de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) tenu au Ghana le 3 juillet 2022, le Président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló, aura une présidence on ne peut plus mouvementée. La multiplication des crises et des coups d’Etat aidant. En attendant de passer le témoin à son successeur, il n’est certainement pas encore au bout de ses voyages et de ses missions de bons offices.
Le Président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló, a ommencé sa présidence en exercice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avec la crise militaro-diplomatique entre la Côte d’Ivoire et le Mali. Il s’agit de la gestion de la crise née de l’arrestation et la détention sur des accusations de mercenariat de 46 soldats ivoiriens détenus au Mali depuis le 10 juillet 2022.
« Moi, je pense que ce ne sont pas des mercenaires. On vient de voir, avant-hier, la déclaration du Secrétaire général de Nations unies qui dit que ce ne sont pas des mercenaires. Moi, à la place des Maliens, j’aurais relâché ces 49 soldats ». En faisant notamment cette déclaration sur les antennes de RFI et France 24, il s’est immédiatement attiré les foudres de la junte militaire au pouvoir à Bamako.
Et comme si cela ne suffisait pas, la junte militaire au pouvoir à Conakry en Guinée ne s’est pas embarrassée de protocole pour qualifier le président en exercice de « menteur ». Après qu’il a déclaré notamment à propos de la Guinée à propos d’une Transition de Trente-six mois : « Non. Je pense qu’il y a une incompréhension. C’est inacceptable pour la CEDEAO. Inacceptable et non négociable ». Et il a avancé que les discussions avaient porté sur une Transition de 24 mois et qu’ils étaient tombés d’accord avec la junte militaire guinéenne sur cet échéancier.
La réplique des autorités guinéennes, à la veille du sommet extraordinaire de la CEDEAO qui devait se tenir en marge de la 77ème Session de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, a été virulente. « Le mensonge grossier et les propos qui s'apparentent à de l'intimidation sont de nos jours des pratiques rétrogrades qui n'honorent pas son auteur et ternissent par la même occasion l'image de marque de la CEDEAO. Nous ne pouvons pas porter cette honte (…) On n’est pas dans une relation de guignols ou de téléréalité ». Le Colonel Amara Camara, Secrétaire général de la Présidence de la Transition, auteur de cette déclaration vidéo, réagissait ainsi aux propos du Président Umaro Sissoco Embalo, face aux médias français RFI et France 24.
Et de deux… coups d’Etat au Burkina Faso
Peu après la 77ème Session de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, aux Etats-Unis, en tant que Président du Burkina Faso, Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a été déposé par ses frères d’armes. S’étant écarté des ambitions de rapprochement avec la Russie, il n’était plus en odeur de sainteté auprès de ceux qui l’avaient soutenu pour son coup d’Etat perpétré contre le Président Roch Kaboré. Et au lendemain du coup d’Etat, le deuxième en quelques mois, dirigé par le Capitaine Ibrahim Traoré, le rapprochement avec la Russie de Vladimir Poutine a été sans équivoque. Tant il a été soutenir par une vague populiste tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Burkina Faso et qui se réclame d’obédience panafricaniste. Les Panafricains d’aujourd’hui n’étant cependant qu’un fourre-tout à majorité de Pro-Russes et anti-Occident, et particulièrement anti-Français. Même si, en réalité, ils ne sont pas représentatifs de la majorité des courants sociopolitiques dans le pays.
La CEDEAO a désigné l’ancien Président du Niger, Mahamadou Issoufou pour conduire la médiation en vue d’un retour le plus courts et rapide à un ordre constitutionnel normal. Avec à la clef, un régime civil démocratiquement élu en lieu et place d’un pouvoir militaire illégitime.
Missions en faveur de la réconciliation à Moscou et à Kiev
En tant que président en exercice de la CEDEAO, le Président Umaro Sissoco Embaló a effectué le 25 octobre 2022 une mission respectivement à Moscou et à Kiev où il a rencontré respectivement le Président Vladimir Poutine et le Président Volodymyr Zelensky d’Ukraine. Il s’est agi pour l’institution sous-régionale d’Afrique de l’Ouest dont les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sont manifestes dans ses pays membres de porter un message de paix entre nos deux frères et de faire en sorte de faire établir le pont pour des retrouvailles entre les deux frères, comme l’a souligné Umaro Sissoco Embaló lui-même.
Au Président russe, Vladimir Poutine, il a dit : « …Aujourd’hui, en ma qualité de président en exercice de la conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, je porte aussi le message de tous mes pairs des 15 Etats que regroupe la CEDEAO, y compris l’Afrique également (…) de venir vous voir pour discuter de la situation actuelle de la guerre entre deux frères - la Russie et l'Ukraine, pour discuter non seulement de la question des céréales et du blé, mais du monde qui est bloqué, et nous on pense, on souhaite qu’on trouve un chemin, que vraiment on puisse voir le dialogue entre les deux frères. Je pense aussi que c’est très important que le Président Poutine voit, qu’il nous dise aussi ce qu’on peut faire pour aider à la résolution de cette crise. On ne peut pas abandonner la Russie, parce qu’on a une relation traditionnelle multiséculaire… ».
Au Président ukrainien, Volodymyr Zelensky, il a dit : « Ce n’est pas juste des engrais, des fertilisants ou de céréales dont l’Afrique a besoin. L’Afrique aussi porte la paix et veut rapprocher ces deux pays frères, qu’on puisse vraiment trouver un chemin pour la paix entre la Russie et l’Ukraine ».
La CEDEAO face aux coups d’Etat et aux attaques des Jihadistes
Plusieurs pays de la CEDEAO au nombre desquels le Burkina Faso, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Niger, le Ghana, le Mali et le Togo se sont réunis à Accra au Ghana, le 23 novembre 2022. Objectif : faire front contre les attaques terroristes. L’initiative d’Accra contre les attaques terroristes et des Jihadistes existait déjà depuis 2017. Mais c’est seulement à la rencontre d’Accra au Ghana que ces pays membres de la CEDEAO ont décidé de la relancer à l’issue de la réunion du 23 novembre 2022. Eu égard à l’expansion des groupes terroristes et à la multiplication des attaques. Cette Task force, qui devrait rassembler 10.000 hommes, sera basée à Tamalé, au Ghana. Mais le Quartier général des Renseignements se trouvera à Ouagadougou au Burkina Faso. Reste à définir les modalités pratiques de mise en œuvre.
Le 62ème sommet des chefs d'État et de gouvernement de la CEDEAO qui s’est tenu le 4 décembre 2022 à Abuja, au Nigeria, a décidé de la création d’une force régionale consacrée à la lutte contre le terrorisme et contre les coups d’États. Une nouvelle version de l’ancienne ECOMOG ou Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group (Brigade de surveillance du cessez-le-feu de la CEDEAO). Bras armé de la CEDEAO en son temps, l’ECOMOG a connu son heure de gloire avec le rétablissement de force d’un régime démocratique renversé par des putshistes en Sierra Leone. Mais sous la houlette du Général Sani Abacha qui n’était pas lui-même un Président élu. Mais au-delà de cet épisode anecdotique, l’ECOMOG a été efficace à plus d’un titre. Maintenant, il s’agit de servir contre les Jihadistes et les Putschistes.
Selon le président de la Commission de la CEDEAO, Oumar Touray, les dirigeants ont décidé de recalibrer l’architecture sécuritaire, afin de prendre en main leur propre sécurité pour éviter de s’en remettre à des acteurs extérieurs à chaque fois : « Ils sont résolus à établir une force régionale qui interviendra en cas de besoin, qu’il s’agisse de sécurité, de terrorisme ou de rétablir l’ordre constitutionnel dans des États membres».
Avant, il faudrait cependant à la CEDEAO de faire que les principes démocratiques communs soient respectés dans tous les pays membres. Née en 1990, à la suite de la guerre civile au Liberia, l’ECOMOG En effet, les principes démocratiques au sein de la CEDEAO doivent être convergents pour tous, quels que soient les systèmes politiques, et respectés par tous sous l’œil vigilant des différents mécanismes de cette institution sous-régionale. Pour éviter toute fraude à la Démocratie, y compris par le truchement des troisièmes mandats.
Retour à l’ordre constitutionnel
Beaucoup ne reconnaissent plus le Président Sissoko Embalo qui, en 2021, avait ces propos à l’endroit de l’institution sous-régionale dont il est devenu le président en exercice : « La CEDEAO est une organisation faible et hypocrite sans réel pouvoir et à la limite elle est un gadget politique destinée à faire illusion (…) Tant que la CEDEAO sera incapable d’empêcher les chefs d’états d’opérer des modifications constitutionnelles belliqueuses pour s’éterniser au pouvoir, personne ne pourra empêcher les militaires de s’inviter dans le débat politique ». Ou encore de poursuivre dans sa critique à l’encontre de l’organisation sous-régionale : « Si la CEDEAO n’arrive pas à avoir le leadership nécessaire pour empêcher ses membres de tripatouiller les lois fondamentales de leur pays enfin de s’assurer une présidence éternelle au détriment de la vie de leurs compatriotes et de la démocratie, personne ne pourra valablement condamner des militaires qui font un coup d’Etat disent-ils pour instaurer la démocratie et l’état de droit. Si on ne peut pas condamner des violeurs de Constitution, on ne peut pas non plus condamner ceux qui s’empennent aux violeurs de Constitution … ». Mais c’était avant que son pouvoir soit ébranlé par une tentative de coup d’Etat à laquelle il a échappé lors d’une réunion de son gouvernement au palais le 1er février 2022 et de prendre la présidence en exercice de la CEDEAO à l’issue du sommet d’Accra au Ghana le 3 juillet 2022. Au point, tout bien compris ou pour des raisons que l’on ignore, de proposer désormais à la CEDEAO une Force militaire contre les putschistes et le terrorisme.
Si le débat démocratique reste un sujet préoccupant et d’actualité dans tous les pays membres de la CEDEAO, il n’en demeure pas moins vrai que le respect des droits humains et des exigences démocratiques sont devenus des principes les plus intangibles de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Et tant mieux. Quel qu’il soit, le président en exercice de l’institution commune aura toujours à veiller que les militaires ne viennent pas usurper le pouvoir sous aucun prétexte. Aussi, des pays comme le Mali, la Guinée et le Burkina Faso devraient se conformer aux échéances édictées par la CEDEAO en vue d’u retour normal à l’ordre constitutionnel.
Par Daniel Yaoni