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MONDE/ALLEMAGNE: Entre rester et partir du Sahel, l’Allemagne a décidé…

Le Bundestag, l’Assemblée parlementaire de la République Fédérale d’Allemagne
Le Bundestag, l’Assemblée parlementaire de la République Fédérale d’Allemagne.

Le Mali a carrément basculé dans la sphère d’influence de la Russie. Et c’est le moins que l’on en puisse en dire. Le Burkina aussi, avec le coup d’Etat de la Rectification du 30 septembre 2022 ! Et cette situation n’ira pas sans conséquences sociopolitiques dans les relations entre ces pays et l’Union européenne en particulier et l’Occident en général.

L'Allemagne qui, historiquement avait été dépouillée de ses anciennes colonies après sa défaite lors de la Seconde Guerre mondiale, est réputée pour avoir une politique et une diplomatie constructives par les Africains eux-mêmes de manière générale. C’est du reste ce qui en fait l’un des partenaires les plus appréciés parmi les Occidentaux. Et quand l’Allemagne décide suspendre « jusqu'à nouvel ordre » la quasi-totalité de ses opérations militaires au Mali sous les auspices de la mission de l'ONU dénommée Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA), il y a de quoi se poser moult questions sur ce qui se passe au Mali avec les autorités maliennes.

Selon porte-parole du ministère allemand de la Défense, autorités maliennes ont refusé les vols comme prévus : « Le gouvernement malien a encore une fois refusé d'autoriser un vol prévu aujourd'hui » qui devait assurer une rotation de personnel, a-t-il déclaré. Et de poursuivre : « …nous suspendons jusqu'à nouvel ordre nos opérations de reconnaissance et les vols de transport par hélicoptère ». La raison évoqué en est simple : « il n'est plus possible de soutenir la MINUSMA sur le plan opérationnel ».

En effet, avec le retrait des Forces françaises, la mission de sécurisation n’était plus assurée, empêchant ainsi les forces sur le terrain de pouvoir accomplir leurs missions habituelles. Or ce refus de survol, à en croire des sources allemandes, est bel et bien intervenu alors même que les autorités de Berlin avaient des assurances contraires de la part du ministre malien de la Défense, Sadio Camara, à la suite d’une conversation téléphonique avec  Christine Lambrecht, la ministre fédérale de la Défense de l’Allemagne. Laquelle a dénoncé sur Twitter : « Les actes de Camara parlent une autre langue que ses mots ».

Le Mali a choisi son camp : la Russie. Et les choses sont très claires. Depuis que la force Barkhane a été priée de quitter le Mali et que 46 militaires ivoiriens chargés d’assurer la sécurité du contingent Onusien de l’Allemagne ont été arrêtés et considérés comme des mercenaires à la solde du Président Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire.  Le Burkina aussi a depuis emboîté le pas, réfréné par l’ancien Président pour des raisons que l’on ignore. Ce sont, du reste, les raisons fondamentales du coup d’Etat qui a porté le Capitaine Ibrahima Traoré à la tête du pays, le Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba étant accusé de déviationnisme. Un coup d’Etat qui rappelle étrangement l’affaire entre le Capitaine Thomas Sankara et le Capitaine Blaise Compaoré. A la seule exception ici qu’il n’y a pas eu mort d’homme.

A en croire Jeune Afrique, « Deux avions de transport ont atterri à Ouagadougou les 30 septembre et 1er octobre, en plein putsch du capitaine Traoré, puis un troisième quelques jours plus tard, à Bobo-Dioulasso, et un quatrième cette semaine. À leur bord, d’intrigantes caisses, mais aussi des hélicoptères ».

Il faut bien le dire, le Président Roch Kabore a été renversé tout simplement, parce que le haut commandement militaire ne le trouvait pas assez pro-Russe pour justifier son incapacité à affronter les Jihadistes sur le terrain.

L’ancien Premier ministre, le Colonel Isaac Zida, recherché pour prévarications présumées sous le Président Roch Kabore a apporté son soutien au Capitaine Ibrahim Traoré. Il a fait savoir que l’option de la Russie comme un « celui d’un nouveau partenariat stratégique »,  apportera au Burkina Faso les équipements militaires nécessaires pour faire face aux Jihadistes. « Comme c’est le cas au Mali voisin, l’armée burkinabè sera équipée d’avions de reconnaissance, de vrais hélicoptères de combat, d’armements de dernière génération et bien d’autres moyens indispensables pour vaincre les terroristes », a-t-il indiqué au lendemain du coup d’Etat.

Africa Intelligence, a pu aussi révéler peut après le putsch que le chef de la junte militaire au pouvoir au Burkina Faso a eu un entretien téléphonique de moins d’une heure avec le Général Djibril Bassolé, ancien ministre des Affaires étrangères et Facilitateur du Qatar dans le Dialogue national inclusif (DNI) du Tchad. Parti en janvier 2020 pour prétendument suivre des soins en France, après avoir bénéficié d’une liberté provisoire, Djibril Bassolé qui a été condamné dans le procès du putsch manqué contre la Transition sous le Président Michel Kafando, a renoué avec ses anciens réseaux et choisi la Facilitation plutôt que la prison au Burkina Faso.

Au sein de la classe sociopolitique allemande ne deuxième coup d’Etat a sonné comme une alerte pour l’Allemagne. Ils sont nombreux les acteurs politiques qui réclamaient depuis le départ immédiat des quelque  1 100 soldats de la Bundeswehr qui prennent part aux efforts de la Mission des Nations unies au Mali (MINUSMA). Déjà en septembre dernier, la ministre des Affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock, avait menacé de retirer ses soldats du pays si la junte militaire au pouvoir au Mali n’apportait pas des garanties à la  sécurité des troupes allemandes.

L’influence de plus en plus manifeste de la Russie aussi bien au Mali qu’au Burkina Faso, a commencé à susciter beaucoup d’interrogations en Allemagne quant à la coopération militaire d’abord avec ces pays. Le débat a même largement débordé les sphères politiques pour préoccuper la société civile.

En attendant, la question de partir ne se pose plus. Même si l’on a conscience que c’est ce que recherche la Russie de Vladimir Poutine pour avoir le champ libre d’étendre ses ambitions. Agnieszka Brugger, la vice-présidente du groupe parlementaire écologiste au Bundestag avait eu un avis plus constructif à ce sujet : « Nous observons comment des États comme la Chine, mais aussi et surtout la Russie, tentent depuis quelques années d’étendre leur influence dans toute l’Afrique, notamment dans la région du Sahel (…) Ce faisant, ils ne considèrent certainement pas en premier lieu les préoccupations de la population civile et ses besoins, mais sont très clairement en train d’étendre leur influence géopolitique dans la région ». Elle a ainsi mis l’accent sur le fait qu’il faut savoir raison garder et ne pas prêter le flanc aux Russes. Mais cela n’avait pas été du tout l’avis de la députée allemande Sevim Dagdelen du parti d’extrême gauche Die Linke, par ailleurs porte-parole pour les relations internationales et le désarmement de son groupe parlementaire, qui a notamment réclamé sans ambages de réviser l’engagement de la Bundeswehr au Sahel. « L’intervention de l’armée allemande devient de plus en plus un désastre total. Ni la chaîne de sauvetage ni une protection aérienne suffisante ne sont assurées. Les conditions du mandat ne sont donc plus remplies », avait-elle déclaré à la Deutsche Welle. Et d’enfoncer le clou : « Le retrait doit désormais être organisé rapidement si l’on ne veut pas vivre une débâcle similaire à celle de l’Afghanistan »

Après de houleux débats, c’est désormais acté. La Bundeswehr se retirera du Mali. Ce n’est plus qu’une question de temps. Et le Bundestag (Parlement allemand) a décidé que cela ne soit pas dans l’urgence. Le retrait de l’Armée allemande du Mali commencera à partir de l’été 2023 au printemps 2024. Elle pourrait se poursuivre jusqu’à l’éventuelle tenue d’une élection présidentielle au Mali. En mai 2023, le Bundestag se chargera de prolonger le mandat de son Armée pour la dernière fois.  

Par Daniel Yaoni

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