Cocorico ! Voilà un capitaine d'artillerie qui "déserte" une zone sous menace djihadiste pour la présidence du Faso.
Chacun à sa place et les vaches seront bien gardées, dit l'adage. Il est vrai, un autre adage dit que la guerre est une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls militaires, mais la belligérance est après tout l'affaire de professionnels, ceux qui ont opté pour le métier des armes. Ils y sont recrutés, formés et employés pour défendre l'intégrité territoriale, les populations, les institutions républicaines. C'est, semble-t-il, pourquoi à certaines occasions, les Forces armées défilent avec tous leurs arsenaux pour rassurer les populations et les institutions de leur capacité, de leur disponibilité, de leur dévouement à la tâche. Des "guerres" sont même simulées, en temps de paix, pour tester leur opérationnalité et maintenir les effectifs d'aplomb.
Le commando demande dans ses prières de tous les instants que Dieu lui donne tout ce que les hommes souhaitent ne pas avoir. En contrepartie, il ne demande qu'une chose : la gloire aux combats.
Il est donc difficile d'admettre que des soldats de retour de la ligne de front pensent que la solution à la guerre se trouve à la Présidence. Dans le douillet fauteuil présidentiel.
Le capitaine Ibrahima Traoré, 34 ans, est le dernier à avoir quitté la ligne de front pour s'introniser. Pour quelle efficacité ?
L'histoire récente de l'Afrique foisonne d'exemples qui n'incitent pas à l'optimisme. Avant le capitaine Traoré, ce fut le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, dont il aurait été le soutien en janvier dernier, puis le tombeur neuf mois plus tard. Le principal mobil, le contexte sécuritaire qui n'aurait pas évolué en faveur des forces régulières du pays. Pis, il s'est dégradé.
Mais un délai de huit mois est-il suffisant pour dresser le bilan des actions contre une crise sécuritaire instaurée depuis des lustres ? Cette question fait craindre un scénario d'instabilité permanente ou de radicalisation.
Le voisin malien est aussi plongé dans une crise similaire. Entre-temps, un capitaine nommé Amadou Sanogo revenu du front contre les irrédentistes touareg du MNLA, eut l'idée de remédier au manque d'armes de guerre en s'installant au palais de Koulouba, évinçant le Général Amadou Toumani Touré, converti en civil et presqu'en fin de mandat. A-t-il pu alimenter le front en armements adéquats avant de s'attribuer le grade de Général ? Le résultat sur le terrain n'a pas reflété une avancée des troupes loyalistes. Il en est de même s'agissant de l'équipe du colonel Assimi Goita tombeur de Ibrahim Boubacar Keita, dont le récent bilan sécuritaire pointe un recul, malgré la présence des mercenaires de Wagner. Là aussi, Assimi Goita, un colonel d'actif dans le rôle d'adjoint, a évincé Bah N'Daw, un Général à la retraite.
Plus loin, en Sierra-Leone, c'est de retour du front contre la rébellion du Front révolutionnaire uni (RUF) que le capitaine Valentine Strasser, 25 ans le plus jeune président du monde à l'époque, eut occupé le poste abandonné par Joseph Saidu Momoh, avant d'en être chassé quatre ans plus tard (1992-1996) par Julius Maada Bio, son adjoint. Pour les mêmes motifs ou presque.
Calife à la place du Calife, une fois que l'un aura montré le raccourci pour accéder à la fonction suprême avec possibilité d'y faire carrière et, peut-être, prétendre aux traitements d'ancien président de la République, difficile de fermer la boîte de Pandore.
Par Amègnihoué HOUNDJI