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POLITIQUE/AFRIQUE : Pourquoi l’Union africaine a manqué à son devoir face aux mercenaires de Wagner…

Sauf abrogation de certains textes de l’ex-Organisation de l’Unité africaine (OUA) devenue l’Union africaine (UA) – dont il faut apporter les preuves et le mobile-, les dispositions sont on ne peut plus claires concernant le mercenariat et l’utilisation des mercenaires en Afrique. Comme le stipule la Déclaration faite à Libreville, au Gabon,  le 3 Juillet 1977.

ORGANISATION OF AFRICAN UNITY- ORGANISATION DE L’UNITE AFRICAINE

CM/817 (XXIX) Annex II Rev.1 

CONVENTION DE L'OUA SUR L'ELIMINATION DU MERCENARIAT EN AFRIQUE 

PREAMBULE 

Nous, Chefs d'Etat et de Gouvernement des Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine. 

CONSIDERANT la grave menace que constituent les activités des mercenaires pour l'indépendance, la souveraineté, la sécurité, l'intégrité territoriale et le développement harmonieux des Etats membres de l'OUA; 

PREOCCUPES du danger que représente le mercenariat pour l'exercice légitime du droit des peuples africains sous domination coloniale et raciste, à la lutte pour leur indépendance et leur liberté; 

CONVAINCUS que la solidarité et la coopération totales entre les Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine sont indispensables pour mettre un terme aux activités subversives des mercenaires en Afrique; 

CONSIDERANT que les résolutions des Nations Unies et de l'OUA, les prises de position et la pratique d'un grand nombre d'Etats constituent l'expression de règles nouvelles du droit international faisant du mercenariat un crime international; 

DECIDES à prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer du Continent africain le fléau que constitue le mercenariat; 

SOMMES CONVENUS de ce qui suit: 

Article 1er 

Définition 

1. Le terme ''mercenaire'' s'entend de toute personne : 

a) qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l'étranger pour combattre dans un conflit armé; 

b) qui en fait prend une part directe aux hostilités; 

c) qui prend part aux hostilités en vue d'obtenir un avantage personnel et à laquelle est effectivement promise, par une Partie au conflit ou en son nom, une rémunération matérielle; 

d) qui n'est ni ressortissant d'une Partie au conflit, ni résident du territoire contrôlé par une Partie au conflit; 

e) qui n'est pas membre des forces armées d'une Partie au conflit ; et 

f) qui n'a pas été envoyée par un Etat autre qu'une Partie au conflit en mission officielle en tant que membre des forces armées dudit Etat. 

2. Commet le crime de mercenariat l'individu, groupe ou association, les représentants de l'Etat ou l'Etat lui-même qui, dans le but d'opposer la violence armée à un processus d'autodétermination à la stabilité ou à l'intégrité territoriale d'un autre Etat, pratique l'un des actes suivants : 

a) abriter, organiser, financer, assister, équiper, entraîner, promouvoir, soutenir ou employer de quelque façon que ce soit des bandes de mercenaires; 

b) s'enrôler, s'engager ou tenter de s'engager dans les dites bandes; 

c) permettre que dans les territoires soumis à sa souveraineté ou dans tout autre lieu sous son contrôle, se développent les activités mentionnées dans l'alinéa a) ou accorder des facilités de transit, transport ou autre opération des bandes sus-mentionnées. 

3. Toute personne physique ou morale qui commet le crime de mercenariat tel que défini au paragraphe 1er du présent article, commet le crime contre la paix et la sécurité en Afrique et est punie comme tel. 

Article 2 

Circonstances aggravantes 

Le fait d'assumer le commandement de mercenaires ou de leur donner des ordres, constitue une circonstance aggravante. 

Article 3 

Statut des mercenaires 

Les mercenaires n'ont pas le statut de combattants et ne peuvent bénéficier du statut de prisonnier de guerre. 

Article 4 

Etendue de la responsabilité pénale 

Un mercenaire répond aussi bien du crime du mercenariat que de toutes infractions connexes, sans préjudice de toutes autres infractions pour lesquelles il pourrait être poursuivi. 

Article 5 

Responsabilité générale de l'Etat et de ses représentants 

1.Quand le représentant d'un Etat est responsable en vertu des dispositions de l'article 1er de la présente convention, d'un acte ou d'une omission considéré comme criminel par la présente convention, il sera puni en raison de cet acte ou de cette omission. 2. Quand un Etat est responsable, en vertu des dispositions de l'article 1er ci-dessus, d'un acte ou d'une omission considéré comme criminel par ledit article, tout autre partie à la présente convention peut invoquer les dispositions de la présente convention dans ses relations avec l'Etat accusé et devant les organisations, tribunaux ou instances internationales ou de l'OUA compétentes. 

Article 6 

Obligations des Etats 

Les parties contractantes s'engagent à prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer du Continent africain les activités des mercenaires. 

A cette fin, chaque Etat contractant s'engage, notamment, à  

a) empêcher que ses nationaux ou des étrangers se trouvant sur son territoire commettent l'une des infractions prévues à l'article 1er de la présente convention; 

b) empêcher l'entrée ou le passage sur son territoire de tout mercenaire et de tout équipement qui lui est destiné; 

c) interdire sur son territoire toute activité d'organisations ou d'individus qui utilisent les mercenaires contre un Etat africain, membre de l'Organisation de l'Unité Africaine, ou contre des peuples africains en lutte pour leur libération; 

d) communiquer aux autres membres de l'Organisation de l'Unité Africaine, soit directement, soit par l'intermédiaire du Secrétariat Général de l'OUA, toute information relative aux activités des mercenaires, dès qu'elle sera parvenue à sa connaissance; 

e) interdire sur son territoire le recrutement, l'entraînement, l'équipement ou le financement de mercenaires et toutes autres formes d'activités susceptibles de favoriser le mercenariat; 

f) prendre toutes mesures législatives ou autres nécessaires à la mise en oeuvre immédiate de la présente convention. 

Article 7 

Sanctions 

Tout Etat contractant s'engage à punir de la peine la plus sévère prévue dans sa législation, l'infraction définie à l'article 1er de la présente convention, la peine applicable pouvant aller jusqu'à la peine capitale. 

Article 8 

Compétence 

Chaque Etat contractant s'engage à prendre les mesures nécessaires pour punir conformément à l'article 7 de la présente convention, tout individu trouvé sur son territoire et qui aurait commis l'infraction définie à l'article 1er de la présente convention, s'il ne l'extrade pas vers l'Etat contre lequel l'infraction à été commise. 

Article 9 

Extradition 

1. Le crime défini à l'article 1er étant considéré comme un crime de droit commun ne peut être couvert par la législation nationale excluant l'extradition pour les crimes politiques. 

2. Une demande d'extradition ne peut être refusée, à moins que l'Etat requis ne s'engage à poursuivre le délinquant conformément aux dispositions de l'article 8 de la présente Convention. 

3. Lorsqu'un national est l'objet de la demande d'extradition, l'Etat requis devra, si l'extradition est refusée, engager des poursuites pour l'infraction commise. 

4. Si, conformément aux paragraphes 2 et 3 du présent article, des poursuites judiciaires sont engagées, l'Etat requis notifiera les résultats de ces poursuites à l'Etat requérant ou à tout autre Etat intéressé, membre de l'Organisation de l'Unité Africaine. 

5. Un Etat sera considéré comme intéressé par les résultats des poursuites prévues au paragraphe 4 du présent article si l'infraction a un rapport quelconque avec son territoire ou porte atteinte à ses intérêts. 

Article 10 

Assistance mutuelle 

Les Etats contractants s'assurent réciproquement la plus grande assistance en ce qui concerne l'enquête préliminaire et la procédure criminelle engagée relative au crime défini à l'article 1er de la présente Convention et aux infractions connexes à ce crime. 

Article 11 

Garanties judiciaires 

Toute personne ou groupe de personnes traduite en justice pour le crime défini à l'article 1er de la présente convention bénéficie de toutes les garanties normalement reconnues à tout justiciable par l'Etat sur le territoire duquel ont lieu les poursuites. 

Article 12 

Règlement des différends 

Tout différend au sujet de l'interprétation et de l'application des dispositions de la présente Convention sera réglé par les parties intéressées, conformément aux principes de la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine et de la Charte des Nations Unies. 

Article 13 

Signature, ratification, entrée en vigueur 

1. La présente Convention demeurera ouverte à la signature des Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine. Elle sera ratifiée, et les instruments de ratification seront déposés auprès du Secrétaire Général Administratif de l'Organisation de l'Unité Africaine. 

2. La Convention entrera en vigueur trente jours après la date de dépôt du dix-septième instrument de ratification. 

3. Elle entrera en vigueur à l'égard de tout signataire qui la ratifiera ultérieurement trente jours après le dépôt de son instrument de ratification. 

Article 14 

Adhésion 

1. Tout Etat membre de l'Organisation de l'Unité Africaine peut adhérer à la présente Convention. 

2. L'adhésion s'effectuera par le dépôt auprès du Secrétaire Général Administratif de l'Organisation de l'Unité Africaine, d'un instrument d'adhésion et prendra effet trente jours après son dépôt. 

Article 15 

Notification et Enregistrement 

1. Le Secrétaire Général Administratif de l'Organisation de l'Unité Africaine notifiera aux Etats membres de l'Organisation: 

a) le dépôt de tout instrument de ratification ou d'adhésion; 

b) la date de l'entrée en vigueur de la présente Convention. 2. Le Secrétaire Général Administratif de l'Organisation de l'Unité Africaine enverra copie certifiée conforme de la présente Convention à tous les Etats membres de l'OUA. 

3. Le Secrétaire Général Administratif de l'Organisation de l'Unité Africaine devra, dès l'entrée en vigueur de la présente Convention procéder à son enregistrement conformément à l'article 102 de la Charte de l'Organisation des Nations Unies. 

EN FOI DE QUOI, NOUS, Chefs d'Etat et de Gouvernement des Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine, avons signé la présente Convention, en arabe, en anglais et en français, les trois textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui sera déposé dans les archives de l'Organisation de l'Unité Africaine. 

FAIT A Libreville (Gabon) LE 3 Juillet 1977 en langues arabe, anglaise et française, tous les textes faisant également foi, en un seul exemplaire original qui sera déposé dans les archives de l'Organisation de l'Unité Africaine.

Un peu d’histoire pour mémoire

Le 16 janvier 1977, le mercenaire français Bob Denard, que l’on connaît pour avoir sévit notamment aux Comores débarque à Cotonou au Bénin afin de renverser le régime marxiste-léniniste du Président Mathieu Kérékou. Sur le site officiel du Gouvernement du Bénin, on peut d’ailleurs lire : « Les forces de défense et de sécurité du Bénin ne sont pas prêtes à oublier l’agression survenue le 16 Janvier 1977. En effet, ce jour-là, un groupe de mercenaires armés jusqu’aux dents, débarquent sur le tarmac de l’aéroport international de Cotonou. Aux commandes de cette opération, un certain Bob Denard, auteur de nombreux faits d’armes en Afrique. Les assaillants ont investi des points stratégiques de Cotonou. Le camp Ghézo, le Palais de la Marina entre autres. 

En dépit des pertes en vies humaines déplorées dans leurs rangs, les Béninois réussissaient ainsi à briser le rêve déstabilisateur des mercenaires, mettant en échec leur funeste intention ».

Sans entrer dans les détails, le Gabon du Président Ormar Bongo Odimba (alors Albert Bernard Bongo) tout comme le Maroc du Roi Hassan II étaient de connivence avec la France qui, par le truchement de Bob Denard, tenta de renverser le Général Mathieu Kérékou et son Parti de la révolution populaire du Bénin (PRPB) à Cotonou. Non sans la collusion et la participation du Président Emile-Derlin Zinsou et nombre d’opposants béninois en exil. Une situation qui avait engendré une rupture diplomatique entre le Bénin et les deux pays impliqués que sont le Gabon et le Maroc.

L’on se souvient que lors d’un Sommet, à la suite de cet événement, le Président Mathieu Kérékou menaça frontalement et directement Omar Bongo en le montrant de sa canne magique, disait-il. Lequel Omar Bongo s’empressa d’expulser les Béninois du Gabon. Conséquence de ce coup d’Etat manqué : la Déclaration de Libreville susmentionnée. Ce ne fut que bien des années plus tard que les différents chefs d’Etat vont aplanir ce différend qui avait jeté un grand froid dans leurs relations. A cet titre par exemple, le Roi Hassan II sera l’un des plus gros contributeurs à la campagne présidentielle pour le retour au pouvoir du Général Mathieu Kérékou en 2016 aux côtés des Présidents Gnassingbé Eyadema du Togo et José Eduardo dos Santos d’Angola.

Pourquoi Groupe Wagner et pas « Groupe Buffalo » ou autres ?...

Comment est-il possible d’interdire le « Bataillon Buffalo » ou « Groupe Buffalo » qui est une Société africaine et laisser Wagner qui est une Société russe mener tranquillement ses activités de mercenariat en Afrique. A commencer par la Centrafrique où il est venu purement et simplement prendre la place des mercenaires sud-africains qui travaillaient pour le compte de l’ancien Président François Bozizé ? La question mérite d’être posée à l’Union africaine et à l’Afrique du Sud.

En attendant la réponse, force est de constater qu’en dehors du coup d’Etat du Mali et de la Guinée sous la pression populaire, ceux du Burkina Faso et du Niger sont intimement liés à l’origine au Groupe Wagner. Que diantre faisait le fameux Conseil de Paix et Sécurité de l’Union africaine quand cette nébuleuse s’installait! Et maintenant, il peut épiloguer sur l’opportunité ou non pour la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) d’intervenir à loisir. La CEDEAO n’aurait pas eu à faire face à la spirale de coups d’Etat actuelle en Afrique de l’Ouest si l’UA avait exercé son autorité comme il se doit en amont. En faisant respecter ses propres textes et lois, fût-il face à une grande puissance comme la Russie, on n’en serait très certainement pas là aujourd’hui. En tout cas, pas avec Wagner qui tire les ficelles et des marionnettes qui se prennent pour Che Guevara ou Thomas Sankara.

En dénonçant le coup d’Etat perpétré au Niger, comme l’a dit le 20 août 2023 dans l’émission « De vous à Nous » de la Radio Peace FM, le Professeur Théodore Holo, ancien président de la Cour constitutionnelle et ancien ministre du Bénin : « les militaires ne sont pas formés pour diriger une République. Ils sont entraînés pour défendre et garantir l’intégrité du territoire (…) les militaires n’ont aucune légitimité pour se poser en arbitres…, lorsqu’un militaire estime qu’il a des idées qui peuvent faire progresser son pays, il démissionne de l’armée, crée son propre parti politique ou il est candidat à une élection présidentielle ». Dont acte !

Par Marcus Boni Teiga

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