Carmen Fifonsi Aboki est un recueil de 12 nouvelles qui tournent presque toutes autour du vécu d’un personnage principal de sexe féminin. Ecrit par Carmen Toudonou, ce livre est un mélange de féminisme, d’affirmation d’une identité cultuelle et de dénonciation des maux d’une société béninoise et africaine moderne.
Il est important de préciser que le mot féminisme n’est pas employé ici comme étant un extrémisme aveugle qui voudrait tout pour « la femme » et rien pour l’homme comme cela est répandu dans la conception populaire. Le féminisme est employé ici au sens propre, c’est-à-dire un combat pour que les femmes aient le même pouvoir économique, sociale et politique les hommes. Cette conviction de l’auteure se lit clairement à travers plusieurs nouvelles comme la morte de Joncquet, l’oiseau blanc, sept jours et sept nuits, Seule, la grande bleue, CFA et Sheraton Abattoir.
Dans chacune de ses nouvelles, l’auteure ne dresse pas uniquement des portraits des femmes victimes de la société. Elle présente l’histoire de chacun de ses personnages féminins en exposant les choix qui ont conduit à chacune des situations de solitude, d’oppression et de mal être qu’elles vivent. En parcourant ces nouvelles on comprend aisément que Carmen Toudonou décrit jusqu’à quel point la beauté, les apparences, le succès auprès des hommes et le luxe peuvent constituer un piège pour les jeunes femmes.
Dans la plupart des histoires, au début la jeune femme était belle, elle avait l’embarras du choix parmi ses prétendants, elle finissait par choisir le plus riche avec une illusion d’une vie parfaite avant la descente aux enfers. Le tableau ainsi peint montre la femme comme personne entièrement impliquée dans les drames qu’elle vit, mais qui mérite d’être soutenue. Si la plupart des nouvelles dont les titres ont été cités plus haut répondent parfaitement à ce schéma, il y a une dont le ton diffère totalement mais qui va dans le même sens que les autres. La nouvelle éponyme du livre écrit sur un ton ironique et particulièrement sarcastique. La manière dont l’auteure décrit la gagnante du concours de beauté du quartier Owodé et le concours lui-même attestent de son profond dégoût pour ce type de compétition. Lorsqu’elle précise que l’animateur du concours n’est personne d’autre que le réparateur de radio du quartier on s’imagine bien le contenu d’une telle compétition qui d’ailleurs a été remportée par une candidate pas très belle et qui n’était pas en mesure de donner le nom du Président de la République. Mais tout ceci concoure au même objectif que les nouvelles précédemment citées.
Mais au-delà de ce féminisme, il y a une forte présence des réalités cultuelles du Bénin dans plusieurs textes comme la grande bleue, l’oiseau blanc et notre père du couffo. Il existe également une troisième catégorie de nouvelles constituée par l’histoire des hommes qui sont devenus esclaves de leurs propres vices. La plupart de ces hommes sont des hommes politiques à la retraite dont le train de vie a totalement dégringolé après leur carrière politique.
Cette troisième catégorie de nouvelles donne un aperçu de la vie des personnes qui deviennent riches du jour au lendemain grâce à la politique et surtout de ce qui leur arrive après la gloire de la politique. En somme, ce recueil de nouvelles permet de revisiter les réalités de la société et il expose les convictions personnelles de l’auteure qui se lisent clairement à travers la tournure qu’elle donne à chaque histoire. Et au titre de ses convictions, on se demande bien si la nouvelle Actualité du livre est juste une histoire parmi tant d’autres ou si elle est une manière déguisée de Carmen Toudonou d’exprimer son désir de devenir un jour prix Nobel de la littérature.
Auteur : Fiche technique
Titre : Carmen fifonsi aboki cfa
Editeur : Books on Demand
Date de publication: 16/07/2018
Collection: Recueil de nouvelles
ISBN : 978-2-322-14547-8
Nombre de pages : 252
Par Carolle Tonoukouen