Communication Afrique Destinations

TRIBUNE : Absous les Saigneurs !

Au Bénin, tout au moins depuis le succès de la conférence des forces vives de la nation de février 1990, l'église catholique n'a jamais été loin du débat politique. Si la trentaine passée, vous ne le savez pas, alors vous avez un souci.

Pour avoir initié un colloque sur le code électoral et sur la situation sociopolitique du pays en général, l'église catholique a essuyé une campagne de dénigrement ces derniers jours - cela va peut-être se poursuivre - de la part de gens qui n'ont aucun intérêt à ce que nous crevions l'abcès et qui se servent de leurs torchons habituels pour faire répandre des inanités. L'offensive se résume en un argument qui se passe de cohérence : le code électoral est validé par la Cour constitutionnelle et promulgué par le chef de l'État. Dès lors, débat clos. L'église, en inscrivant la loi au centre de concertations ouvertes à tous, est en mission pour l'opposition politique. L'accusation est martelée par Wilfried Leandre Houngbédji, porte-parole du gouvernement et très officiellement directeur du tout frais comité éditorial de la radiotélévision publique. Son armée de nervis prête à toutes les imbécilités pour une obole est fortement mise à contribution pour porter et amplifier la charge. Cela va presque de soi, le régime qui nous vampirise depuis huit ans a horreur de la démocratie et s'attache à restaurer des pans sombres de notre passé que nous croyions avoir soldés. Mais, de l'encre souillée de ses bataillons d'écrivaillons, il ne peut badigeonner l'histoire. La conférence nationale eut lieu, sous l'égide de Monseigneur Isidore de Souza - Requiescat in pace - d'où nous tournâmes résolument la page de la dictature et ouvrîmes tout aussi résolument celle de la démocratie. Ces faits sont indélébiles.

L'église catholique du Bénin n'est pas exempte de tout défaut. On peut la critiquer et même durement, sans la couvrir d'insultes. En 2015, je ne lui fis pas de cadeau lorsqu'une lettre publiée dans la presse, qui était attribuée à la Conférence épiscopale, déconseilla aux opérateurs économiques d'être candidats à la présidentielle de 2016. Cela ne déboucherait sur rien de bon pour le pays, affirmait-elle en substance. Je lui avais rudement rétorqué - je n'ai pas eu besoin d'être ordurier - qu'elle préconisait ainsi un processus électoral discriminatoire et qu'il était dangereux qu'en agitant la peur de l'apocalypse, l'on semât dans l'opinion que certains citoyens, compte tenu de leur statut, devaient être exclus ou s'exclure de la course à la magistrature suprême. Ma position d'avant la parution de ladite lettre à ce jour n'a pas varié d'un iota : seuls les critères contenus dans la constitution du 11 décembre 1990 prévalent. La dernière décision revient au peuple électeur.

Je pensai et écrivis que la Conférence épiscopale n'avait pas à tenir ce genre de discours en public, que ce devait être une démarche menée en privé vers les potentiels candidats concernés. Et j'eus raison car nous sûmes en fin de compte, de la bouche du président de la Conférence épiscopale lui-même, que la lettre publiée dans la presse était une inspiration personnelle à l'endroit des operateurs économiques présidentiables, qui n'était pas destinée à se retrouver sur la place publique. Facebook s'est souvenu de l'un des trois textes que j'avais consacrés au sujet à l'époque. Je l'ai partagé sur mon mur, d'où quelques internautes ont jugé, au vu du tableau sociopolitique actuel au Bénin, que l'église avait eu raison de tirer la sonnette d'alarme. Je leur ai répondu que Patrice Talon ne détruit pas notre nation uniquement parce qu'il était un opérateur économique à sa prise de pouvoir. Ceci est peut-être une circonstance aggravante. Il nous conduit dans le mur avant tout parce qu'il n'a aucun sens de l'humain, ni de l'État. Je le souligne depuis toujours. C'est le propre des tyrans d'avoir un fond impropre à la gestion des hommes et à la préservation de l'intérêt général, qu'ils soient, à la base, des opérateurs économiques, des militaires ou de civils ordinaires.

Le code électoral doit être passé aux peignes fins hors de la tribune parlementaire et politicienne, dans un cadre formel élargi où tout le monde est bienvenu. C'est de cet esprit et de cet impératif que le colloque mis en œuvre par l'église catholique tire sa haute importance. Il faut avoir son estomac dans la boîte crânienne pour ne pas le comprendre.

Absous-les, Seigneur!

Par Deo Gratias Kindoho

Ajouter un commentaire

Le code langue du commentaire.

HTML restreint

  • Vous pouvez aligner les images (data-align="center"), mais également les vidéos, citations, etc.
  • Vous pouvez légender les images (data-align="center"), mais également les vidéos, citations, etc.
Communication Afrique Destinations