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TRIBUNE : Retrouver la confiance

Il y a quelques années, feu mon ami Ibrahiman Sakandé, ancien directeur général du journal gouvernemental burkinabé Sidwaya et ancien directeur de la communication de la présidence du Faso, et moi, avions signé ensemble un éditorial qui avait figuré le même jour dans Sidwaya et Fraternité Matin, le journal gouvernemental ivoirien dont j’étais le directeur général. Nous y racontions le long parcours effectué par nos deux pays, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, qui ont toujours été liés, à la fois par la géographie, par l’histoire, par la politique, par les populations. Nous écrivions : « Nous avons ri et pleuré ensemble. Nous nous sommes battus, détestés, aimés, boudés, mais nous nous sommes toujours retrouvés. Nous voici à nouveau, réunis, nous tenant par la main, dans la confiance retrouvée, regardant l’horizon dégagé, à la recherche de nouveaux sillons à creuser.» Nous y racontions comment le frère de l’empereur Sékou Ouattara qui régnait à Kong, dans l’actuelle Côte d’Ivoire, alla fonder son royaume de Gouriko avec pour capitale Bobo-Dioulasso, dans l’actuelle Burkina Faso, comment nos deux pays avaient été fondus ensemble à une autre période de l’histoire par le colon français, avant de les séparer à nouveau. Et nous concluions sur ces mots : « Peut-il y avoir meilleur exemple d’intégration que celle que l’histoire a imposée à la Côte d’Ivoire et au Burkina Faso et que l’avenir leur commande ? » A cette époque, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire filaient le parfait amour. Les responsables politiques des deux pays se rencontraient régulièrement dans le cadre du Traité d’amitié et de coopération (TAC), organisaient des conseils des ministres communs et élaboraient des projets de développement communs.

Et puis il y eut la chute du président Blaise Compaoré, l’arrivée d’un premier militaire, qui fut à son tour renversé par un autre militaire, et tout changea entre nos deux pays. A la place de la confiance que nous croyions retrouvée, la suspicion s’installa. Comme au temps de Thomas Sankara et d’Houphouët-Boigny où les noms d’oiseaux fusaient de part et d’autre : « Valet de l’impérialisme ». « Dictateur aux petits pieds ». Des gendarmes ivoiriens à la poursuite d’orpailleurs, peut-être pour les racketter, ont franchi par mégarde la frontière et ont été arrêtés au Burkina Faso. Un militaire et un milicien burkinabé qui ont à leur tour franchi la frontière ont eux aussi été arrêtés en Côte d’Ivoire. Le chef de la junte burkinabè a dit dans une interview avec Alain Foka qu’aucun de ses voisins ne l’a aidé dans sa lutte contre le terrorisme. Une radio burkinabè révèle que la Côte d’Ivoire a fourni 1000 kalachnikovs, 100 000 munitions, une cinquantaine de pick-up d’une valeur de 2,3 milliards de francs au Burkina Faso pour l’aider dans sa lutte. Le gouvernement ivoirien a construit des milliers de logements modernes dans le nord de la Côte d’Ivoire pour accueillir les milliers de Burkinabè qui fuient leur pays pour trouver refuge et sécurité en Côte d’Ivoire. Des partis politiques ivoiriens s’étaient même offusqués que l’Etat reçoive ces réfugiés avec autant de prévenance. Si ces gestes de l’Etat ivoirien ne sont pas des gestes de solidarité et de fraternité, il faudrait changer les sens de ces mots. Et dire que l’on n’a reçu aucune aide de ses voisins ne peut être que de l’ingratitude. Mais lorsque l’on mène un combat idéologique, au lieu de mener celui du développement, lorsque l’on croit que l’on fait une révolution, on ne s’embarrasse pas de morale.

Le plus important est ce que les peuples burkinabé et ivoirien ressentent. Nous savons que nos destins sont liés et qu’aucune vicissitude politique ne saurait nous éloigner longtemps les uns des autres. Deux hautes autorités de nos deux pays se sont récemment rencontrées. Espérons que la situation se décrispe totalement afin que, la confiance à nouveau retrouvée, nous dégagions ensemble l’horizon pour nous tenir à nouveau par la main et que nous reprenions notre marche du même pas, en creusant les sillons de notre avenir.

Par Venance Konan

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