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TRIBUNE : Pour une CAN de la littérature

La Côte d’Ivoire vient d’organiser la Coupe Africaine des Nations (CAN) de football. Et tous les observateurs sont unanimes à reconnaître qu’elle est l’une des meilleures jamais organisées depuis que cette compétition existe. Et nous, Ivoiriens, avons vibré pendant un mois, alternant espoir, déception, abattement, incrédulité, espoir de nouveau, puis foi en une possible victoire. Et nous avons eu cette victoire impensable, incroyable. S’il y a une leçon à tirer de cette aventure, c’est que lorsque nous voulons vraiment, nous le pouvons.

Nous ne pouvons nier le rôle que joue le sport dans la construction de notre jeunesse, et de notre pays. Le football nous a rassemblés, soudés, au-delà de toutes nos divergences ethniques, politiques, religieuses ou autres. Même ceux qui sont d’habitude allergiques au football, et qui, comme moi, vont au stade avec un roman en main, ont cette fois-ci tressailli de toutes leurs âmes aux exploits de nos Eléphants footballeurs. Mais cette euphorie a duré le temps de la CAN. Pensons maintenant à tout le reste qui contribue aussi à la grandeur d’un pays. Et dans ce reste, j’en reste persuadé, il y a surtout la culture. La culture, c’est ce qui donne une âme à un peuple, confère son identité, disons même sa carte d’identité, à un pays, à une nation. Lorsque nous observons les pays auxquels nous voulons ressembler, parce qu’ils nous ont dominés, ce que nous constatons, est leur attachement viscéral à leurs cultures. Paris, Berlin, Londres, Rome, New York…sont par essence des villes de culture.

Notre pays, à l’instar de tous les autres pays africains est en train de récupérer son identité volée, son âme. Et la voie royale pour y parvenir consiste, selon moi, à développer nos cultures. Dans nos pays, on a tendance à confondre la culture avec certaines manifestations artistiques telles que la musique, le cinéma, le théâtre ou les arts plastiques. Le parent pauvre de la culture dans nos pays est la littérature qui, dans mon entendement, est en réalité la mère de toutes les cultures. De nombreux femmes et hommes de lettres ne le savent peut-être pas, mais ils sont ceux qui transmettent les connaissances, les mémoires des peuples, les émotions, les réflexions sur le présent et les projections sur le futur. Si nous savons tant de choses sur les sociétés et civilisations passées, c’est grâce à ceux qui à leurs époques, jouaient le rôle d’écrivains. A-t-on besoin de le dire ? C’est le livre qui contient toutes les connaissances qui permettent aux peuple d’avancer.

Si l’Afrique a accusé ce retard qui lui est si préjudiciable aujourd’hui, c’est parce qu’à un moment donné de son histoire, sans que personnellement je puisse en donner une explication, une bonne partie du continent a perdu cette fonction de communiquer et de transmettre les connaissances par l’écriture. Pendant longtemps l’on a dit que l’Afrique était de tradition orale. La transmission par la voie orale a ses mérites mais aussi ses limites. Nous avons de nos jours, des grands maîtres de la parole qui continuent de nous éblouir par leur science. Mais notre génération est devenue celle de l’écriture. La preuve en est que je vous communique ces réflexions par ce texte que vous êtes en train de lire, et non par la parole. Ce serait un enrichissement que d’ajouter à nos traditions orales celle de l’écriture. Nous nous sommes réapproprié l’écriture et nous en maitrisons toutes les déclinaisons, tous les styles. La Côte d’Ivoire compte désormais parmi les grands pays de la littérature africaine, avec de plus en plus d’écrivains, tous pétris de talents, et notre pays compte aussi plusieurs « Grands Prix littéraires d’Afrique noire », aux rangs desquels j’ai l’honneur et la fierté de me ranger. C’est notre pays qui a enfanté des sommités de la littérature africaine tels que Bernard B. Dadié, Jean-Marie Adiafi, Ahmadou Kourouma, Tanella Boni, Maurice Bandama, Véronique Tadjo, Fatou Kéita, pour ne citer que les premiers noms qui me sont venus à l’esprit. Nous, écrivains ivoiriens d’aujourd’hui, devrions, par nos actions individuelles ou collectives à travers notre association, faire comprendre à nos autorités qu’après le football que nos athlètes ont porté au firmament africain, il serait temps que l’on se penche enfin sur la culture, et en particulier la littérature, en organisant quelque chose qui pourrait être « la CAN de la littérature ».

Vous me direz qu’il y a déjà le salon du livre. Oui, mais pourquoi ne lui donnerions-nous pas une dimension plus grande que ce que nous connaissons aujourd’hui ? Pourquoi n’en ferions-nous pas le « plus grand salon des livres d’Afrique » ? Pourquoi n’inventerions-nous pas d’autres rencontres littéraires afin de permettre au plus grand nombre d’habitants de ce pays de mieux connaître les livres, de les aimer, de se les approprier ? Nous avons tout mis en œuvre pour réussir la CAN du sport. Préparons-nous pour celle de la culture, afin que notre pays continue de rayonner dans tous les domaines.

Par Venance Konan

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