Le béotien en matière de diplomatie que je suis a fini par en perdre son latin, pardon, son bambara. Je prie tous ceux qui y comprennent quelque chose de me l’expliquer, lentement, mais surtout en français facile. Ainsi, nos révolutionnaires panafricains maliens ont crié très fort et très haut qu’ils détiennent des preuves en béton que la France envoie des informations et même des armes aux djihadistes qui sévissent dans pratiquement tout le Mali. Nous nous sommes dit : « patisanganan ! La France a osé faire ça ! » Et nous avons tous tiré nos tabourets et nous sommes assis pour les voir, ces preuves, prêts à en découdre avec cette France sans cœur ni morale.
Les Maliens ont dit que c’est aux Nations Unies qu’ils montreront leurs preuves en béton. Nous avons dit « d’accord, vous avez raison et de toutes les façons, si ça arrive aux Nations Unies, nous les verrons nous aussi parce qu’aujourd’hui, rien ne se cache. » Et le Premier ministre par intérim du Mali est allé à l’Assemblée générale des Nations Unies. Cette fois-ci ce sont des chaises que nous avons tirées pour bien nous caler afin de ne rien rater. Nous avons cueilli des fleurs et avons commencé à siffler autant que nous pouvions. Il a répété là-bas qu’il a des preuves en béton de ce qu’ils avaient dit concernant la France. On lui a dit que c’est ce que nous attendions. Il a dit que la France est dirigée par une junte. D’accord. Entre junte, on se reconnaît. Il a dit que la CEDEAO n’est pas gentille. D’accord. Il a dit que le président Ouattara est en train de faire un troisième mandat. Je ne vois pas le rapport mais on a attendu toujours. Il a dit que le président du Niger n’est pas nigérien. Toujours hors sujet. On a attendu, attendu les preuves, elles ne sont jamais venues. Zaï-zaï-zaï-zaï comme dirait Joe Dassin. Moulo béniyé ? Nzouèlé nga ? Le Premier ministre par intérim du Mali a dit que ses preuves, il les montrera devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce Conseil de sécurité s’est réuni l’autre jour et le ministre des Affaires étrangères du Mali est venu. Nous aussi, on a tiré des fauteuils cette fois-ci. On a même préparé le thé. Il a répété encore qu’il a des preuves en béton. D’accord. Mais il a dit qu’il attend que le Conseil de sécurité convoque une session spéciale pour qu’il montre ses preuves. Pour que cette session soit convoquée, il faut que ce soit fait par un membre de ce Conseil. Le Mali n’en est pas membre, mais il y a beaucoup d’amis dont la Russie ou la Chine, deux pays qui a priori ne raterait aucune occasion de faire des crocs-en jambe à la France en Afrique et surtout au Mali. Mais le Mali veut que ce soit la France elle-même qui convoque cette session, pour prouver qu’elle est innocente. Vous y comprenez quelque chose, vous ?
C’est comme si quelqu’un accuse un autre d’être voleur. L’autre dit : « je n’ai rien volé. Si tu m’accuses, montre tes preuves », et celui qui l’accuse qui dit : « non, c’est à toi de prouver que tu n’es pas voleur. » Et j’entends des gens qui disent que si la France refuse de convoquer cette session, c’est la preuve qu’elle est vraiment coupable.
Tchè, ne verse pas notre figure par terre. Si tu as des preuves, montre-les on va quitter ici. Si tu n’en as pas aussi dis-le et quitte là. Parce que dans cette affaire, le Mali peut montrer ses preuves partout et si elles sont solides, personne ne les mettra en doute. Il peut les montrer lors d’une conférence de presse organisée au Mali ou n’importe où dans le monde, il peut les envoyer à tous les Etats de la CEDEAO, de l’Union africaine ou de l’ONU. Le Premier ministre par intérim s’est trouvé à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies. Y avait-il meilleure tribune pour montrer ses preuves ? Même si on l’en avait empêché pour une raison quelconque, il avait tout le loisir, étant à New York, d’inviter toute la presse du monde qui se trouvait aussi à New York et même l’ensemble de tous les représentants des Etats du monde et leur montrer ses preuves. Encore mieux, le représentant du Mali s’est retrouvé devant le Conseil de sécurité il y a quelques jours. Qu’est-ce qui l’a empêché de montrer ses fameuses preuves ?
Tout cela me rappelle un certain « dossier en béton » que notre célèbre Ben Soumahoro avait promis d’exhiber et qu’on a aussi attendu, attendu et il n’est jamais venu zaï-zaï-zaï-zaï.
Par Venance Konan