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SOCIETE/ÉDUCATION ET COVID-19 : Des pistes pour aujourd’hui et pour demain…

L’éducation, a dit Joseph Ki-Zerbo, est «le logiciel de l’ordinateur central qui programme l’avenir des sociétés». Autant dire qu’elle constitue la base essentielle de l’évolution de toute société et du développement des nations. Malheureusement, les systèmes éducatifs africains se trouvent confrontés, depuis fort longtemps, à divers maux et problèmes que plusieurs symposiums, fora et autres réformes ont tenté de résoudre. Si des propositions et des recommandations brillent par leur pertinence sur le papier, elles jurent parfois dans leur mise en œuvre.

Les maux des systèmes éducatifs africains sont presque partout les mêmes: infrastructures insuffisantes et parfois inappropriées, incivisme et violence dans le champ scolaire, résultats en dents de scie, difficile accès des jeunes au marché de l’emploi, manque de vocation et d’éthique chez le personnel d’éducation… À ces problèmes récurrents que l’on tente de résoudre tant bien que mal, est venue se greffer, ces dernières années, la situation créée notamment par la pandémie de la Covid-19, qui creuse davantage les inégalités et handicape l’efficacité de l’offre éducative.  
Une situation que prend à bras le corps l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (Adea) qui, par le biais de son Observatoire de l’échange de connaissances et d’innovations (Kix), a publié en janvier 2022 une étude pertinente sur la question (https://bit.ly/3HS50k5). Ce rapport — qui a fait l’objet d’un enrichissant échange virtuel le 15 février dernier —, résume «les données disponibles sur les politiques et pratiques de 40 pays d’Afrique subsaharienne partenaires du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) en matière de formation et de soutien aux enseignants pendant la pandémie de Covid-19».

OUTILS APPROPRIÉS 
On note ainsi que la pandémie de la Covid-19 a contraint plusieurs millions d’enfants à quitter temporairement l’école avec des impacts particulièrement importants. Plus de 1,6 milliard d’enfants ont dû ainsi quitter temporairement les bancs des classes au plus fort de la fermeture des écoles, souligne le rapport, qui précise que sur les 127 millions d’enfants scolarisés qui ont été renvoyés chez eux dans la région Afrique orientale et australe de l’Unicef — Fonds des Nations unies pour l’enfance — à la fin du mois de mars 2020, seulement deux tiers d’entre eux ont pu revenir à la fin du mois de novembre 2020. De plus, la perte d’apprentissage affecte plus particulièrement et plus gravement la couche la plus vulnérable de la population et, fait remarquer le rapport, «ce choc s’est produit dans le contexte d’une crise de l’apprentissage préexistante, puisque 87% des enfants de dix ans en Afrique subsaharienne sont incapables de lire une histoire simple».

Un contexte qui nécessite l’adoption d’outils appropriés ainsi que la mise en place d’une démarche pédagogique visant à placer les formateurs au cœur de la stratégie de relance. D’autant qu’«en tant que principaux vecteurs d’apprentissage, les enseignants ont été à l’avant-garde des efforts visant à aider les élèves à rattraper leur retard tout en appliquant des mesures de santé et d’hygiène pour prévenir les infections en milieu scolaire». Aussi, tout en analysant les défis auxquels ils sont confrontés depuis le début de la pandémie, le rapport produit conjointement par l’Adea, le Centre international de l’Union africaine pour l’éducation des filles et des femmes en Afrique (Cieffa/UA) et le Centre africain de recherche sur la population et la santé (APHRC) formule-t-il plusieurs recommandations à l’intention des pays du Partenariat mondial pour l’éducation en Afrique subsaharienne.  

La première indique notamment qu’il faut «investir davantage de ressources dans la formation des enseignants afin de renforcer les mécanismes d’adaptation à la pandémie, d’inverser les pertes d’apprentissage et de reconstruire l’éducation en mieux». Cheville ouvrière et «pilier majeur de tout système éducatif résilient», le corps enseignant constitue à n’en pas douter la clé de voûte d’une reprise en main des apprenants, qui doivent faire face à une nouvelle réalité, imposée par la Covid-19.
On évoque aussi, dans ce rapport, la disparité criarde et le fossé qui s’est creusé entre les villes et les villages en matière d’éducation. Les grossesses contractées par les jeunes filles pendant la fermeture des écoles jette une lumière sur cet aspect des impacts sociaux de la Covid-19. Il y a donc lieu d’explorer les pistes susceptibles d’aider ces jeunes filles à reprendre le chemin de l’école.  

Indéniablement, cette pandémie nous aura au moins enseigné l’urgence à introduire, pour dispenser les enseignements, de nouvelles méthodes qui font notamment appel aux technologies de l’information et de la communication. C’est d’ailleurs pourquoi le rapport parrainé par l’Adea recommande aussi d’«explorer les partenariats public-privé avec les fournisseurs de services numériques pour étendre l’accès au numérique et faciliter l’utilisation des DLS (Commutateur de liaison de données) dans la formation et l’apprentissage».

RENFORCEMENT DES CAPACITÉS 
La piste, privilégiée, de l’enseignement à distance et avec des outils numériques adaptés requiert ainsi un nouveau modèle économique de l’école, qui devrait produire un enseignement performant et intégrateur, à même d’atténuer puis d’annihiler les effets pervers de la pandémie, qui resteront durables si rien n’est fait. Cette option de l’utilisation de la technologie pour promouvoir l’apprentissage à distance nécessite, on s’en doute, un renforcement des capacités des enseignants en matière d’utilisation des outils requis et approches adoptées.
Le rapport note avec satisfaction que même si tous les enseignants n’ont pas été touchés par cette initiative, certains ont pu être formés dans les 40 pays partenaires du GPE pendant la fermeture des écoles, notamment «à l’utilisation de diverses solutions comme la radio, la télévision, les applications pour téléphones intelligents (services de messages courts et WhatsApp) et les plateformes en ligne (YouTube, Google Classrooms, Zoom, etc.)». 
Toutefois, en même temps que l’on agit sur l’orientation des apprenants en situation d’urgence, il est nécessaire, voire primordial, recommande encore le rapport, d’«accorder la priorité au renforcement des capacité des enseignants à répondre aux besoins des écoliers vulnérables au sein de leurs communautés». 

ÉDUCATION EN SITUATION D’URGENCE
Il y a encore sans doute loin de la coupe aux lèvres, mais l’horizon est clairement défini pour jeter les bases d’une éducation inclusive, notamment aussi en instaurant, ainsi que le suggère le rapport, «un système qui améliore le bien-être des enseignants en situation d’urgence, notamment par le biais d’un soutien psychosocial». Cette requête prend tout son sens dans des pays qui, en plus de gérer la crise sanitaire liée au coronavirus, doivent surtout faire face à une crise sécuritaire larvée consécutive à des attaques terroristes récurrentes.

Dans le dernier état des lieux mensuel du secrétariat technique du Burkina Faso sur l’éducation en situation d’urgence, il ressort que le nombre des établissements fermés dans le pays est passé de 3 280 en décembre 2021 à 3 405 fin janvier 2022, soit 125 nouveaux espaces de savoir fermés en seulement un mois. On compte ainsi au Burkina Faso, à la date du 31 janvier 2022, 525 299 élèves et 15 441 enseignants affectés par les situations d’urgence, consécutives aux crises sécuritaire, sanitaire et autres catastrophes naturelles. Cette situation qui touche 13,60% des structures éducatives du pays frappe ainsi 249 173 filles et 276 126 garçons parmi les élèves, ainsi que 4 878 femmes et 10 563 hommes de tous les ordres d’enseignement.

CRI DU CŒUR
En agissant comme «un catalyseur de réformes et de politiques et pratiques prometteuses par la mise en commun d’idées, d’expériences, de leçons apprises et de connaissances», l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique, forum de dialogue politique créé en 1988, œuvre à promouvoir «un véritable partenariat entre les ministères africains de l’Éducation et de la formation, ainsi que de leurs partenaires techniques et extérieurs». 

Ce faisant, elle constitue une institution panafricaine de référence pour impulser des dynamiques de changements significatifs en matière d’éducation et de formation pour l’éducation. Un capital immense quand on est d’accord avec le défunt président sud-africain Nelson Mandela pour dire que «l’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde». Trouver des solutions adéquates pour les situations d’urgence qui entravent la bonne marche des systèmes éducatifs africains devient alors un véritable impératif. Un cri du cœur!

© Serge Mathias Tomondji
Ouagadougou, 24 février 2022

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