Le 30 juillet 2021 disparaissait dans la ville Les Abymes en Guadeloupe, le talentueux et célèbre artiste-musicien Jacob Desvarieux, l’un des fondateurs du groupe musical de légende dénommé KASSAV. Au-delà de l’hommage à l’artiste aux multiples casquettes, c’est aussi l’homme qui a contribué avec bien d’autres membres du groupe à jeter un grand pont entre l’Afrique et les Antilles qu’il faut saluer.
Ils étaient légion à travers le monde à continuer d’espérer que Jacob Desvarieux s’en sorte après l’annonce de son hospitalisation pour cause de COVID-19. Mais on le savait souffrant d’autres pathologies aussi. Son heure aura sonné ce 30 juillet 2021.
La nouvelle de la mort de Jacob Desvarieux a suscité l’émotion d’une immense perte, particulièrement en Afrique Noire où KASSAV est adoré et le Zouk à toutes les ambiances musicales. Jacob Desvarieux, c’est une tessiture de voix particulière et un guitariste hors pair que l’on ne verra plus et n’entendra plus en live.
C’est à Paris que naît Jacob Desvarieux le 21 novembre 1955. Il vit les premières années de son enfance en Guadeloupe avant de partir pour le Sénégal à dix ans. Et c’est là, au coeur de l’Afrique Noire, dans la capitale sénégalaise, que le talent du jeune Jacob Desvarieux va éclore. Le moins que l’on puisse dire est qu’il est précoce. Avec sa première guitare que sa mère lui offre à dix ans, il va devenir arrangeur à seize ans. Un artiste est né. De concert avec sa bande de copain, ils fondent leur premier Groupe THE BAD GRASS pour faire du Rock d’abord. Après, il se tourne vers le Disco et la rencontre avec Pierre-Edouard Décimus fait le reste. La magie opère comme on a coutume de dire. Et c’est parti ! La suite de l’aventure est longue et restera gravée dans les annales de la musique antillaise, française, africaine et internationale.
Stéphanie Melyon-Reinette, Chercheure-Sociologue-Écrivain-Activiste résidant en Guadeloupe a confié à Aujourd’hui L’Afrique :
« Jacob DESVARIEUX est une voix qui a imprégné nos mémoires émotionnelles. Il était une des caisses de résonance de Kassav et avec son départ on sait que c'est une page de notre histoire, fondamentale, qui se tourne. Je garde en mémoire son timbre incomparable et sa virtuosité. Sa puissance, conjuguée, décuplée, par celles de ses acolytes. Avec Desvarieux et l'essence qu'il a donné à Kassav, c'est une manifestation de notre grandeur qui s'éteint. Charge à nous, Héritiers et héritières de cette réverbération de faire briller le pays à travers nos talents, compétences et prismes respectifs. Car il nous enseigne qu'il ne faut aucunement de douter de la primordiale de notre être monde et de ce que nous pouvons contribuer dans ma grande geste culturelle globale. ».
Pour sa part, Giles Guilon, alias Gilou Apiyé du Groupe Made in Mizik de la Martinique a confié à Aujourd’hui L’Afrique à propos de Jacob Desvarieux :
« Je retiens de Jacob Desvarieux le talent! L'expression de nos racines à travers le Monde. J'ai eu la chance de partager la scène avec ce mythe, la mémoire sera notre plus belle arme! Je n'oublierai pas ses titres qui ont marqués mon parcours musical : Sweet Florence, Euphrasine Blues, Mwen diw awa...Sur mon album en préparation avec le groupe Made in Mizik sur deux compositions (Doudou sé wou, Sa ki Taw), JACOB DESVARIEUX m'a laissé un trésor inestimable de deux partitions guitares remarquables... suivi d'un concert live où il est venu interpréter ladite partition. Nous pleurons un Homme, un Mythe, Jacob tout simplement. Merci pour tout et à bientôt l'artiste »..
Lors de son dernier voyage au Bénin en vacances, en janvier 2021, Jabob Desvarieux a déclaré sur les ondes de l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin (ORTB) :
« ...Les concerts, ça veut dire qu’on voit l’aéroport, l’hôtel, le stade et retour...Et après ben, vous connaissez le Bénin ? Oui, je suis allé. Vous avez vu quoi ? Euh...euh....Voilà. Là, pour une fois, quelques jours je suis resté là et j’ai vu Ganvié. Je connaissais les images, parce que j’étais allé à l’école au Sénégal lorsque j’étais petit, et il y avait les images des villes lacustres, il y avait des choses comme ça...J’ai entendu parler de Bèhanzin à l’école, là j’ai pu aller voir ce qui s’était passé...les nombreux Rois qu’il y a eus. J’ai pu aller à Porto-Novo. Ah, je regrette, je n’ai pas pu aller à Ouidah mais je vais revenir... »
Hélas, ce retour aux sources n’aura plus jamais lieu.
Il y a beaucoup d’Africains qui croient que les Antilles ne doivent pas attendre que l’Afrique Noire vienne à elle, même s’il pensent que l’Afrique lui doit des excuses publiques et officielles pour sa part de responsabilité dans la traite des Noirs due à la cupidité de certains, mais qu’on ne saurait mettre sur le même pied d’égalité que celle des esclavagistes et autres décideurs de l’époque en Occident. Et de souligner que les Antilles ont une influence sur l’Afrique Noire qu’elle ignore. Comme pour dire que tout ce qui se passe dans les Antilles touche d’une manière ou d’une autre l’Afrique Noire et inversement sans aucun doute. L’influence du Groupe KASSAV et le lien qu’elle a contribué à renforcer aux yeux des uns et des autres n’est donc pas à négliger, et encore moins à occulter.
Lors d’un entretien accordé au journal L’indépendant du Mali en 2014, Jacob Desvarieux avait raconté comment sa mère et lui étaient arrivés à Dakar :
«On racontait que ce sont des sauvages comme dans Tarzan, la misère dans des huttes, les guerres tribales, les catastrophes, autant de clichés qu’elles voulaient combattre»,
avait raconté Jacob Desvarieux lors d’une interview au journal L’indépendant du Mali en 2014.
«Nous avons pris le bateau et débarqué à Dakar. J’y ai vécu de 1966 à 1968. Je suis allé à l’école là-bas. J’ai appris mes premières notes de guitare avec les grands frères du quartier et j’en garde des souvenirs très précis (...) A l’âge adulte, j’y suis retourné, j’ai reconnu tous les lieux de mon enfance, ma maison, mon école. J’ai retrouvé des copains».
Il se considérait comme Africain, et à juste raison : «Je suis Africain. J’apprécie leur sagesse, le respect qu’ils ont pour les aînés. Les Africains sont moins hypocrites que nous», avait-il ajouté lors de cet entretien.
L’artiste-musicien sénégalais, Youssou Ndour, a bel et bien raison de déclarer à son propos : « L’Afrique et les Antilles perdent un grand ambassadeur ».
Par Elvis Koffi
2 – KASSAV EN QUELQUES DATES
La Groupe KASSAV a été créé en Guadeloupe en 1979 par Pierre-Edouard Decimus (un ancien membre de l’Orchestre Les Vikings de la Guadeloupe), Georges Decimus, Jacob Desvarieux et Freddy Marshall. Ce n’est qu’en 1983 que l’emblématique chanteuse Jocelyne Béroard qui y collabore déjà va rejoindre le Groupe de manière formelle.
Discographie
Albums studio
1979 : Love and Ka Dance 1987 : Vini Pou (disque de platine)
1980 : Lagué mwen 1989 : Majestik Zouk (disque d'or)
1981 : Kassav n°3 1992 : Tékit izi (disque d'or)
1982 : Kassav' 1995 : Difé (disque d'or)
1983 : Kassav n°5 2000 : Nou la
1983 : Passeport 2004 : Ktoz
1984 : An ba chen'n la 2007 : All U Need Is Zouk
1985 : Ayé (disque d'or) 2013 : Sonjé
Autres albums
1983 : Gréviss (avec Jocelyn Mocka)
1998 : Un toque latino (chansons de reprise en espagnol)
Albums live
1986 : Kassav au Zenith
1993 : Live au Zénith - Sé nou menm'
1996 : Kassav' cho : Live au zenith 96
2005 : Carnaval Tour
2009 : 30 ans : Live au Stade de France
2016 : Chiré Douvan
E. K
