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MONDE – AFRIQUE-RUSSIE : Paradoxes et limites des arguments des Pro-Russes Africains ou Pro-Poutine

Valdimir Poutine, le Président de la Russie
Valdimir Poutine, le Président de la Russie.

Qu’ils soient des Agents de la Russie en Afrique ou qu’ils aient étudié en Russie ou dans l’ancienne Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) ou encore qu’ils soient tout simplement hostiles à la France, aux Etats-Unis ou l’Occident en général, les Pro-Russes ou Pro-Poutine constituent une sorte de nébuleuse en mouvement Afrique. Une nébuleuse dont les motivations et les intérêts sont tout aussi divers que les groupes qui la composent. Mais leurs actions sont visibles et manifestes dans nombre de pays, en particulier en Afrique francophone où le terrain se prête bien à un certain populisme dont il faudrait pourtant se méfier.

Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Afrique a connu en un temps record un nombre impressionnant de spécialistes de la Géopolitique. Et chacun y va de sa méthode et de son discours sur les événements en cours. Mais c’est surtout dans les anciennes colonies de la France où la Russie est en train de reprendre pied et où les mercenaires du groupe Wagner sont présents que ce phénomène est le plus remarquable. Car il en va tout autrement dans les autres pays d’Afrique, à l’instar des pays anglophones, lusophones et arabes.

Outre les dirigeants des Etats d’Afrique dont les positions à l’ONU par rapport à l’invasion de l’Ukraine n’ont rien à voir avec celles de leurs populations, les arguments des Pro-Poutine pour ne pas dire Pro-Russes comportent des paradoxes et des limites pour convaincre une bonne frange des citoyens des pays d’Afrique francophone.

1 – A propos de l’invasion de l’Ukraine par la Russie

On ne saurait dire qu’il y a une majorité d’Africains qui approuvent l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Même si aucun sondage n’a été fait à ce sujet, il va de soi que la plupart des Africains, y compris même en Afrique francophone ou le Président Vladimir Poutine bénéficie de quelques soutiens, l’on considère qu’il s’agit bel et bien d’une invasion. Par conséquent, il s’agit d’une guerre injuste menée par le maître du Kremlin à Kiev. Aucun des prétextes allégués par Moscou pour attaquer l’Ukraine n’est défendable. Sauf pour les Pro-Poutine Africains dont la seule motivation du soutien n’est que la haine viscérale vis-à-vis de l’Occident du fait de son passé colonial en Afrique.

Mais ce que ces derniers feignent d’ignorent ou ignorent effectivement, c’est que le mobile principal de l’invasion de l’Ukraine par la Russie est inhérent au passé colonial de la Russie en Ukraine. La Russie étant purement et simplement aux yeux des Ukrainiens ce que les Africains qui reprochent à l’Occident en Afrique, c’est-à-dire une ancienne puissance coloniale.

Pour rappel, c’est avec la fin de la guerre entre la Russie et la Pologne que le traité dit Traité d'Androussovo en 1667, que l’on connaît également sous le nom de appelé aussi «Trêve d'Androussovo», conlu entre la République des Deux-Nations (Pologne) et la Russie que l'Ukraine fut partagé entre la Pologne et la Russie. Comme le fut l’Afrique au Congrès de Berlin en Allemagne en 1885. En effet, c’est cette guerre qui mit fin à l’occupation de l’Ukraine par la Russie sous le Tsar Alexandre III de Russie.

2 – Sur la présence des mercenaires du groupe Wagner en Afrique

Les mercenaires russes du Groupe Wagner sont actuellement présents en Libye, au Soudan, en Centrafrique, au Mali et au Burkina Faso. L’on sait quels sont les conséquences de la collusion avec des miliciens ou des armées qui ne répondent d’aucun Etat. Car les mercenaires de Wagner ne répondent pas de l’Etat russe comme en témoignent les violents clivages entre Wagner et l’Armée russe sur le terrain en Ukraine. 

Faut-il le souligner Evgueni Prigojine, le patron de Wagner, ne répond qu’au nom de Vladimir Poutine.

En Afrique, la Convention de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), faite à Libreville au Gabon le 3 juillet 1977,  a formellement interdit les activités des mercenaires pour l'indépendance, la souveraineté, la sécurité, l'intégrité territoriale et le développement harmonieux des Etats membres. Car le mercenariat engendre la déstabilisation des Etats et favorisent des conflits armés. C’est pour cette raison qu’il a été demandé à l’Afrique du Sud de dissoudre en 1993 le fameux « Bataillon Buffalo » ou « Groupe Buffalo », impliqué dans plusieurs coups d’Etat et tentatives de coups d’Etat en Afrique. Les mercenaires de cette ancienne unité spéciale du régime d'Apartheid mais rendue multiethnique avec l’intervention dans la guerre en Angola était en son temps considérée comme ayant les meilleurs mercenaires de la planète. Et, certains de ses éléments s’étaient reconvertis en une Entreprise de mercenariat. Elle a longtemps sévi en Guinée Equatoriale et en Centrafrique. 

A en croire les Services de renseignement américains, Wagner a ourdi un complot visant à assassiner le Président Mahamat Idriss Deby Itno du Tchad. Une révélation publiée par le journal américain Wall Street Journal dans son édition du 23 février 2022 de sources officielles aussi bien occidentales qu'africaines. Si à l’instabilité déjà quasi permanente en Afrique d’un point de vue politique, l’on doit ajouter le fait de déstabilisation de mercenaires étrangers, fussent-ils de n’importe quel pays, il y a manifestement là un grand danger pour l’Afrique. Aucun développement ne se construit sur la base de l’instabilité ou de la guerre. Le terrorisme ou le jihadisme qui sévit aujourd’hui en Afrique en est la manifestation la plus éloquente.

3 – Les rivalités entre Vladimir Poutine et la France, les Etats-Unis et l’Occident en général

Les uns ont pour arguments que la France, ancienne puissance coloniale, continue de s’accrocher à ses anciennes colonies comme un rapace. En perpétuant ainsi la prédation économique entamée avec la colonisation. Le franc CFA n’est que l’illustration la plus éloquente. Les autres invoquent l’esclavage et le racisme, etc. Plus largement, certains des faits sur la base desquels se fondent ceux qui trouvent grâce à Poutine en Afrique sont plus largement à imputé à l’Occident en général. Surtout lorsqu’on parle d’esclavage et de colonisation.

En admettant même que le passé resurgit en force dans l’esprit des nouvelles générations par l’action conjuguée de la précarité économique et des actions terroristes en Afrique, est-ce pour autant que c’est Vladimir Poutine ou la Russie qui doive suppléer la mise de la France hors de ses anciennes colonies en Afrique ? Il y a quelque chose d’absolument incohérent à se proclamer souverainiste et indépendant puis à appeler à une nouvelle colonisation russe dont on ignore et ne mesure même pas de quoi elle sera faite. Si cela de la haine envers la France, ça y ressemble bien. Et pourtant, il suffirait de quitter le Franc CFA et de battre sa propre monnaie, d’arrêter de dire honteusement que le Français n’est plus langue officielle mais langue de travail et de choisir une langue africaine pour être langue de travail et/ou officielle, etc. Il suffirait tout simplement de s’assumer au lieu de continuer à user de faux-fuyants face à ses responsabilités et de choisir la facilité d’imputer aux autres les conséquences de ses irresponsabilités.

4 – Les rivalités entre Vladimir Poutine et les Etats-Unis d’Amérique

Les sympathisants de Poutine ou Agents russes en Afrique évoquent rarement l’Ukraine pour dire leur hostilité affichée aux Etats-Unis d’Amérique. S’ils leur reprochent certaines interventions à l’internationale lorsque le pays s’était arrogé le rôle de « Gendarme du monde », ils évoquent souvent à juste raison l’Irak et les conséquences que leur intervention injustifiée a engendrées depuis. Mais c’est surtout en Afrique, pour le cas de la Libye où ils étaient impliqués avec la France de l’ancien Président Nicolas Sarkozy en première ligne, qu’ils sont les plus amers. Et si les Pro-Poutine ont bel et bien raison sur les principes, la question que tous devraient se poser est de savoir pourquoi la Russie qui dispose du droit de veto à l’ONU n’avait pas bloqué la Résolution. Pourquoi la Chine qui dispose de ce même droit ne l’avait pas fait également. Et pourtant les dirigeants africains à travers l’Union africaine s’étaient carrément opposés à cette intervention occidentale en Libye. Mais tous les membres permanents du Conseil de Sécurité y compris la Russie et la Chine n’avaient pas daigné écouter l’Afrique. Si tant est que la Russie et la Chine avaient vraiment à cœur la défense des intérêts de l’Afrique, pourquoi n’avaient-elles pas suivi les arguments de l’Union africaine en bloquant l’intervention occidentale ? Au lieu de venir jouer les sapeurs-pompiers plus tard…

5 – L’avenir de l’Afrique n’est peut-être pas en Occident, mais il n’est ni en Chine ni en Russie…

Le Président de la Russie, Valdimir Poutine en compagnie de son homologue chinois, Xi Jinping
Le Président de la Russie, Valdimir Poutine en compagnie de son homologue chinois, Xi Jinping.

En termes de partenariat de co-développement avec des pays étrangers, l’avenir de l’Afrique n’est pas en Occident, mais il n’est ni en Chine ni en Russie pour autant. Si l’Afrique tient à se développer en échappant à toute tentation des grandes puissances actuelles d’en faire leur terrain de jeu géopolitique ou même économique pour ne pas répéter les mêmes erreurs qu’avec l’Occident, elle doit regarder ailleurs dans le monde et faire preuve de vision prospective. Il est certes plus aisé d’échanger avec les anciennes puissances coloniales pour des raisons évidentes de communication, mais il n’est pas certain que même les Pro-Poutine soient convaincus que la Russie apportera quelque chose de salvateur à l’Afrique dans sa marche vers le développement et le progrès. Les récriminations entendues çà et là ne sont que l’expression d’un ras-le-bol ou de la colère, voire de haine d’une jeunesse qui ne sait plus à quel saint se vouer. Entre des dirigeants en manque de clairvoyance et les dures réalités économiques, le terrain est propice à tous les populismes pour mobiliser et recruter. Autant les manipulateurs et autres politiciens véreux que les terroristes et autres jihadistes profitent de cette précarité des jeunes sans perspectives. Quand on a vécu les années 1970-1980 au moment où le Bloc Chine-Russie-Corée du Nord était encore très présent en Afrique contre le Bloc Occident, on ne peut être que moins rêveur. Et se garder d’applaudir trop fort et de hisser des drapeaux russes au lieu de brandir les siens.

Le plus grand paradoxe dans tout ce déchainement de sentiment anti-Français ou anti-Occidental à des fins politiciennes ou inavouées, est qu’ils ne sont pas nombreux les jeunes africains qui, en partant d’Afrique pour chercher une vie meilleure dans un autre continent, aspirent à migrer en Russie ou en Chine. Et encore moins les Africains dans leur immense majorité qui aspirent à vivre sous des régimes à l’instar de celui de Pékin ou de Moscou.

La question n'est pas de coopérer ou de ne pas coopérer avec la Russie. Et encore moins avec la Chine.  « Les états n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts », dixit l'ancien Président français, le Général Charles de Gaulle. La question est plutôt de mettre en garde les dirigeants africains qui privilégient la Russie ou la Chine aux autres partenaires occidentaux que les Africains ne veulent pas entendre parler de régime politique à l'instar de la Russie de Vladimir Poutine et de la Chine de Xi Jinping. Et que ceux qui en auraient la tentation se le tiennent pour dit. La Démocratie n’est pas une invention occidentale, loin s’en faut !

Par Serge Félix N’Piénikoua

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