Au seuil de l’an 2018, l’Afrique n’a pas encore réussi à résoudre ses multiples difficultés. La désespérance afflige constitutivement ses populations vaincues par la faim et la maladie.
Mais si le péril semble parfois plus menaçant que jamais, rappelle J.-C. Guillebaud, les moyens de s’en sortir ont progressé en proportion. “Chaque société humaine et chaque génération nouvelle auront trouvé devant elles autant de raisons d’espérer que de désespérer (…). De tout temps et en tous lieux (…), ‘le péril’ et ‘ce qui sauve’ furent à peu près équivalents. La désespérance n’est pas mieux fondée que l’espérance (…). Elle participe (…) d’une manière de lâcheté (…). En nous souvenant des grands ‘optimistes’ de jadis qui ont été capables de faire bouger l’Histoire, il nous incombe aujourd’hui d’être aussi joyeux et aussi déterminés qu’ils l’étaient eux-mêmes” (Lire Un autre monde est possible, p. 213-214).
C’est la raison pour laquelle il importe de saluer la parution du nouveau livre de Pini Pini sur La Renaissance Africaine. Non pas dans le but de théoriser indéfiniment sur ce concept au point de s'évader des transformations sociales qui s’imposent. Mais c’est parce que Pini Pini est allé mettre le doigt sur ce qui se donne à voir comme un mode de présence à l’histoire africaine et de manifestation en visibilité historique d’une Afrique qui tente de renaître de ses cendres.
Après avoir dégagé avec rigueur critique et hauteur de vue le procès du passé africain qui permet d’expliquer les chutes vertigineuses auxquelles on livre le continent noir, Pini Pini attire l’attention sur le fait que “l’Afrique, comme le martelait le colonel Mohammar Khadafi, doit se réveiller, car il n’y a pas de raison qu’elle ne puisse pas le faire” (p. 114). Elle ne peut y parvenir judicieusement que sur la base du modèle ancestral riche du paradigme égypto-nubien. De belles pages de l’écriture de l’auteur permettent à celui-ci de dérouler tout cela.
Méthodologiquement, il paraît justifié de considérer que l’immersion dans le discours ancestral est une belle introduction à l’enracinement et à la vision du centre Songhaï de Porto Novo du Bénin.
Ce centre est né en 1982 à l’initiative d’un universitaire nigérian ayant évolué aux USA jusqu’au jour où il a décidé de débarquer en Afrique en vue de démentir à sa façon les statistiques désavantageuses sur le continent. A son sujet, Pini Pini écrit : Godfrey Nzamujo “voulait relever le défi de faire renaître les valeurs enracinées dans les civilisations africaines, de transformer les innombrables avantages comparatifs du continent en avantages compétitifs et de valoriser efficacement les opportunités disponibles” (p. 152). C’est ainsi qu’il démarra en octobre 1985 le projet Songhaï “en s’attribuant d’entrée de jeu le nom prestigieux du puissant et florissant empire Ouest-africain du XVè siècle, Songhaï” (p. 153). Son ambition était de renouer avec “les grandes valeurs que véhiculait l’Empire ancien et qui lui ont permis de bâtir un grand peuple : vision, courage, créativité, sens du bien commun, discipline, solidarité. Tels furent les fondements du centre Songhaï inauguré le 5 octobre 1985. Cet exemple concret de la renaissance africaine totalise actuellement 32 ans d’existence.
Aujourd’hui, personne ne doute du succès du centre Songhaï. Les jeunes viennent de partout. Ils suivent une formation qu’ils vont mettre en pratique dans leurs milieux de vie. Ils assimilent le modèle des villes rurales vertes que le centre Songhaï a mis en place. Ce schéma les persuade de la nécessité de vivre dans leurs milieux de vie ruraux comme il en était de coutume à l’époque ancestrale. Il leur offre des conditions de vie et des services auxquels ils aspirent. Il y a là le nouveau visage des villages ancestraux (p. 160s).
Au vu de tout cela, il apparaît que la “Renaissance africaine doit devenir un projet politique global (…), mais il peut démarrer sans attendre par des petites actions locales qui sont des accélérateurs du projet global” (p. 173). C’est le mérite de Godfrey Nzamujo et de son équipe de collaborateurs. C’est ce que l’initiateur du centre Songhaï souligne à juste titre : L’Afrique maintenant (référence au livre de Godfrey Nzamujo intitulé Songhaï. L’Afrique maintenant , Paris Editions du Cerf, 2016).
En se faisant l’écho de la Renaissance africaine en marche, Pini-Pini invite à allumer sans cesse la flamme de l’espérance qui à la fois concerne l’avenir et se vit au présent qu’elle éclaire et enrichit. Il montre à quel point une nouvelle Afrique germe à Songhaï et dans d’autres coins d’Afrique.
La Renaissance Africaine. Les villes Rurales vertes de Songhaï,
PINI-PINI NSASAY, K.,
Douala, Ed. C.A. Diop, 2017.
Par Prof Kalamba Nsapo, Théologien et interculturalitologue