Porté sur les fonts baptismaux lors du 18è sommet de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba en Ethiopie en 2012, elle a décidé de lancer la fameuse Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) en 2021. Son objectif : favoriser l’intégration et le libre-échange à l’intérieur du continent. Mais à y regarder de près, il ne s’agit que d’une nouvelle aventure pour le continent africain.
Si l’idée a germé en janvier 2012 lors de la 18e session ordinaire de la Conférence de l'Union africaine (UA) à Addis-Abeba, c’est lors du sommet de Kigali au Rwanda en 2018 que les premières signatures des Etats membres ont commencé à être apposées pour sa concrétisation. Non sans la réticence de plusieurs Etats comme le Nigeria qui ont dû attendre longtemps pour le faire en exigeant au préalable la possibilité de se retirer en cas de besoin. Ainsi, le Président du Muhammadu Buhari du Nigeria et le Président Patrice Talon du Bénin vont enfin signer l'accord de libre-échange à l’occasion du sommet de l'Union africaine de Niamey au Niger le 7 juillet 2019. Au total, 55 pays d’Afrique devraient le signer, le Maroc qui avait quitté l’organisation ayant déjà fait son retour. Mais 54 pays l’ont signé à la notable exception de l'Érythrée.
Plusieurs économistes africains critiques le projet de la ZLECAF comme étant un projet qui n’a pas suffisamment été pensé par les Africains. Ce qui lui vaut les épithètes de projet « copié-collé » d’intégration économique à l’européenne au lieu d’être un projet d’intégration économique africaine. Et ils sont nombreux à penser qu’il n’apportera sinon rien du moins pas grand-chose à la transformation des économies africaines. Et portant, Dieu sait si elles en ont bien besoin.
En annonçant l’entrée en vigueur de la ZLECAF le 1er janvier 2021, l’ancien Président Mahamadou Issoufou du Niger avait déclaré : « Avec la Zlecaf, nous mettons fin à une histoire de 134 ans de balkanisation de notre continent. Nous sortons, par le haut, de 84000 km de frontières ces frontières qui sont autant des murs qui séparent les Africains des Africains ». Plus facile à dire qu’à faire.
Le vrai problème que pose la ZLECAF est celui que pose déjà la création de, l’Eco, la monnaie de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). En effet, les Etats membres ont moins d’échanges économiques entre eux en interne que cela pose un véritable problème quant à l’efficience du fonctionnement d’une monnaie régionale commune. A l’inverse ces mêmes pays ont parfois plus d’échanges économiques et monétaires avec l’étranger qu’ils ne l’ont avec leurs voisins immédiats. Cela montre à quel point le développement du commerce intra-africain est à la fois goulot d'étranglement et une condition sine qua non à la réalisation de certains objectifs économiques communs. Pour réaliser l’intégration économique régionale qui a présidé à la création de zones économiques sous-régionales à travers le continent, il s’avère donc impératif de commercer d’abord dans les frontières de celles-ci et ensuite à l’échelle du continent. In fine, la ZLECAF vise à mettre en synergie la zone de libre-échange incluant le Marché commun de l'Afrique centrale et australe (COMESA), la Communauté de développement de l'Afrique centrale (SADC), la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEMAC), la Communauté économique des États de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO), l'Union du Maghreb arabe (UMA) et la Communauté des États sahélo-sahariens.
Malheureusement, le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) qui devrait préparer la mise en place efficiente de ce projet est un exemple parmi tant d’autres de projets continentaux dont les résultats laissent à désirer. Bien des années après son lancement, l’on peine encore à voir ses grandes réalisations sur le continent. Dans ces conditions, on est en droit de se demander pourquoi les chefs d’Etat et de gouvernement du continent ont décidé de se lancer dans la mise en œuvre de ce chantier de la ZLECAF alors même qu’ils peinent à atteindre les objectifs sous-régionaux. A moins que certains pays aient au sein de l’Union africaine des arrière-pensées économiques qu’ils cachent, les Africains sont perplexes devant la ZLECAF. En attendant de voir jusqu’où cette nouvelle aventure ambiguë des dirigeants du continent va les conduire.
Par Godefroy Onyanka