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LIVRE : L’Afrique s’annonce au rendez-vous, la tête haute ! de Kum’a Ndumbe III

Ils sont comptés par le bout du doigt ceux qui jettent sur leur continent, tel un aigle, un regard perçant, en scrutent l’avenir et proposent aux générations tant futures que présentes des chemins inédits sur leur destin. Le parangon ou le modèle réussi d’un tel regard est le prince Bele Bele, Kum’a Ndumbe, enfant du terroir camerounais, professeur des universités, chercheur aguerri, auteur polyglotte, reconnu pour son activité d’écrivain exemplairement féconde ayant comme lanternes la politique, l’histoire, l’archéologie, la poésie, les langues germaniques, etc. 

La phraséologie qui s’étale sur 217 pages dans cet ouvrage se veut un discours à la fois de sensibilisation, de prospective et de perceptive. La méthodologie est simple : autour des thèmes mis en exergue comme au fronton du temple de Delphes, l’A. écrit, citant la Bible, « je maudis l’ignorance ». Cette ignorance qui avilit et empêche quiconque s’y inféode de tenir compte du multilatéralisme dans le concert des nations. L’ignorance bannie sur l’Afrique ouvre les jardins de l’avenir aux semences nouvelles. Elle permet, précise Kum’a Ndumbe, d’être ensemble, de faire « avancer les nouvelles donnes pour une paix durable en Afrique et dans le monde pour qu’enfin l’Afrique, ce berceau de l’humanité fructifie le monde de ses trésors encore jalousement cachés. ». 

Dès l’introduction du livre (pp.11-15), un drame est arboré et le contenu révélé. Ce drame est celui de l’effacement de la « mémoire au fil des siècles » des Noirs, des Africains et de la diaspora. Précisant le contenu, l’A. reconnaît que ce drame enferme dans une ignorance qu’il faut combattre depuis ses racines en vue de « permettre que le génocide intellectuel et spirituel de nos peuples soit arrêté avec des arguments hautement scientifiques à la base, grâce à un petit libre léger et facile à lire » (p.12). 

Ce contenu s’éclaire davantage, en effet, dans cette assertion : « L’Afrique est le berceau de l’humanité, le Noir est le premier homme sur cette planète, Adam et Eve, et il n’y a rien de surprenant ou departiculier que le Noir ait donné les bases essentielles à la religion, aux sciences exactes comme les mathématiques, la physique, la chimie, aux sciences politiques, sociales, à la médecine, à la pharmacie, etc. Le berceau de l’humanité est aussi le berceau de la science. Qu’y a-t-il de surprenant que Moïse ait reçu ses dix commandements en Afrique, que Jésus-Christ se soit réfugié en Afrique et qu’il y ait été initié, que la pièce de démonstration mathématique la plus ancienne et datant de 22000 avant Jésus-Christ se soit retrouvée à Ishango, au Congo Démocratique, que Thalès et Pythagore aient été élèves de mathématiciens noirs, que celui qui a dirigé l’opération de la NASA Pathfinder sur mars en 1997, Cheikh Modibo Diarra, soit d’origine malienne ? » (p.12).

C’est fort de cette vérité indubitable et non un postulat que l’A. prononce, avec une force de persuasion extraordinaire, différents discours sur les problèmes essentiels des peuples africaines et de la diaspora « pour montrer comment l’Afrique a sombré, ce qu’il faut savoir pour être capable de relever le défi du présent et du futur » (p.14).


Livre Kuma'a Ndumba

Mais que faut-il retenir distinctement et globalement de chacun de ces discours qui ressemblent aux cours d’eau qui s’appellent en même temps qu’ils se repoussent ? Le premier discours (pp.17-66) déplore la démission des Africains devant leur devoir historique. C’est cette démission que l’A. appelle « panne sèche ». Malheureux Africains ! ils sont en « panne sèche » puisqu’ils ne prennent pas conscience que leur continent est le berceau de l‘humanité et que sa mémoire est effacée par l’allaitement à l’école moderne qui piétine ses trésors ancestraux en les condamnant à l’autodafé de l’eurocentrisme ; ils sont en « panne sèche » puisqu’ils acceptent que leurs « ainés et sages » soient marginalisés par un système de transmission du savoir qui leur impose la langue du Blanc et une culture qui méconnait la leur ; ils sont en « panne sèche » puisque même leurs religions sont frappées d’ostracisme et ce, à l’heure du dialogue interreligieux. Le deuxième discours (pp.67-75) donne des preuves évidentes et spectaculaires que « les prières dites aujourd’hui, mais sous le label de religions importées en Afrique depuis quelques siècles seulement, venant de l’Europe ou de la Péninsule arabique » (p.67) sont des copies certifiées conformes des prières dites par les Africains de 3000 à 5000 ans avant Jésus-Christ. Le troisième discours (pp.77-87) place sur un piédestal la « charte de Kurukan Fuga de 1236 en empire du Mali » de Soundjata Keïta et montre que déjà au XIIIe, cet Empire disposait d’un modèle inédit et riche de textes de base pour une constitution. Ce modèle exploité dans toute son amplitude éviterait aux pays africains pour leurs constitutions de s’inspirer de modèles américains et occidentaux. Le quatrième discours (pp.89-114) montre comment il y a 120 ans tout le Cameroun à l’instar de beaucoup d’autres nations africaines « basculait de manière durable sous la domination étrangère » (p.89). Ce basculement dont les contours ont été définis à la fameuse Conférence de Berlin (Novembre 1884-Février 1885) a été pour le Cameroun et l’ensemble de l’Afrique une véritable vallée des larmes avec la colonisation. Il y a eu comme fruits amers ou conséquences désastreuses le transfert au prix d’une « escroquerie monnayée » de souveraineté aux étrangers, l’extraversion (politique, économique et culturelle) et la domination durable. Le cinquième discours (pp.115-167) salue dans la mondialisation, au-delà de tout ce qu’on peut en dire, un phénomène qui « cache une opération de domination des sphères géographiques les plus riches de la planète au détriment des sphères vulnérables et peu capables de défendre leurs intérêts dans la compétition mondiale actuelle »(p.115). En s’inscrivant dans une telle vision, l’économie dite mondialisée, qu’elle soit camerounaise ou pas, devient une économie foncièrement extravertie, i.e. tournée vers les besoins de l’extérieur, comme d’ailleurs du temps de l’esclavage transatlantique et de la colonisation. Le sixième discours (pp.169-190) plaide pour l’avènement des universités proprement africaines, qui ne sont plus « d’obédience étrangère, occidentale, européenne ou nord-américaine » (p.169) et qui ne font plus des langues des autres des instruments privilégiés d’enseignement. Le septième et dernier discours (pp.191-207) établit le lien inextricable entre langue, libération et développement, et sur cette base, s’oppose farouchement à ceux qui estiment que « la pensée dans le domaine public africain demeurera donc embrigadée dans les normes de la langue européenne, dans les structures de diffusion de la pensée prévue par ces langues des métropoles européennes ». (p.193).

Bula Kalekangudu Ernest

Disons un mot de la fin. A lire ce livre, on est pris dans les mailles d’un vertige épistémologique époustouflant pour lequel on se demande par quelle magie l’on réussira à s’en défaire. Dans l’entrelacement des idées fortes de l’auteur, il y a pléthore de fleurons à cueillir : histoire, sciences, mathématiques, géométrie, philosophie, anthropologie, littérature, politique, théologie, etc. 

C’est tout ce bagage savamment assaisonné qui fait du prince Bele Bele Kum’a Ndumbe III, cet orateur politique hors pair, ce linguiste chevronné, ce défenseur du dialogue, un génie pour notre temps, un prophète. L’Afrique dont il rêve est une Afrique libre, une Afrique prête à affronter les grands débats du monde actuel sans complexe. C’est l’Afrique chère à Cheikh Anta Diop, Nkwame Kruma, Martin Luther King, Thomas Sankara, Patrice Emery Lumumba, Etienne Tshisekedi, etc.

Découvrir cette Afrique, c’est s’engager dans une odyssée à la Kum’a Ndumbe pour se rendre compte que l’humain n’ira jamais de l’avant sans tenir compte du multilatéralisme dans le concert des nations. D’aucuns, en nous entendant parler, pourraient nous accuser d’être un admirateur naïf et béat. Et pourtant, tout ce que dit l’A. de cet ouvrage est prouvé scientifiquement de A à Z. Comme le sage Confucius, Kum’a Ndumbe nous convie à faire de cette pensée la rengaine du jour : « il vaut mieux allumer une chandelle que de maudire l’obscurité ».

Par Bula Kalekangudu Ernest, Philosophe

L'Afrique s'annonce au rendez-vous, la tête haute! 
Auteur : Kum'a Ndumbe III (Douala, 2007). 
ISBN 3-939313-16-5 (978-3-939313-16-8). Prix : 17,50 €.

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