Le Président Kaïs Saïed doit faire face depuis quelques mois aux dures réalités sociopolitiques et économiques de son pays. Face à une jeunesse qui a du mal à trouver des raisons d’espérer, les mouvements qui ont agité le pays d’Habib Bourguiba ont révélé sa fragilité en dépit de l’espoir suscité par l’avènement au pouvoir de « Robocop ». En effet, relever le pays s’apparente bien à une tâche titanesque.
Les élections d’après les années Béji Caïd Essebsi en Tunisie ont connu leur épilogue le 13 octobre dernier. Point d’orgue : la présidentielle qui a vu la victoire de Kaïs Saïed. Le Professeur de droit constitutionnel ayant réussi à réunir la majorité des Tunisiens autour de sa vision du pays. Fort de ses avec 72,7 % de voix contre 27,3% pour Nabil Karoui, on peut dire qu’il s’agit là d’une large victoire. Mais maintenant, il reste à sortir le pays de son instabilité sociopolitique chronique et autres actions terroristes qui ont ruiné son image à l’étranger. Et compromis aussi les perspectives de développement dont sa jeunesse, initiatrice du Printemps arabe, a longtemps rêvé afin de s’épanouir enfin. Avec l’élection du président Kaïs Saïed dont le surnom est « Robocop », l’on croyait que le pays allait définitivement tourner cette page. Mais on en est loin apparemment plus de deux ans après son avènement au pouvoir.
Même si les Tunisiens n’en peuvent plus des crises sociopolitiques qui n’en finissent plus, ils sont légion à craindre que leur président verse dans la dérive autoritaire à l’allure où vont les choses. Il a beau leur faire miroiter qu’il faille passer par là pour lutter contre la corruption et l'impunité qui sont les conséquences directes des problèmes économiques et sociaux graves qu’il connaît. En effet, le 25 juillet 2021, Kaïs Saïed s'est arrogé les pleins pouvoirs en décidant de dissoudre le gouvernement et de suspendre le Parlement. Des mesures d’exception qui ne sont pas du goût de tous et qui ont provoqué une très vive tension dans le pays. Mais « Robocop » entend bel et bien réformer le pays, fût-ce à coup de mesures exceptionnelles et transitoires.
Anciennement pays stable dans un Maghreb en grande partie en proie à de fréquentes crises sociopolitiques à la notable exception du Royaume chérifien, la Tunisie connaît depuis quelques années une succession de crises. Il faut dire que la fièvre islamiste sur fond d’attentats terroristes qui a endeuillé le pays pendant un certain temps n’a pas facilité la mise en place d’institutions politiques stables depuis le Printemps arabe. L’éviction du régime oligarchique et dictatorial de Zine el-Abidine Ben Ali n’ayant pas apporté les solutions aux problèmes économiques du pays, et en particulier une jeunesse en mal d’opportunités d’emploi et de perspectives.
La Tunisie a accédé à son indépendance sous la conduite du président Habib Bourguiba le 20 mars 1956. L’homme qui a présidé longtemps à ses destinées s’était fait fort de lui doter de l’une des Constitutions qui faisait sa fierté. Non seulement au Maghreb mais également dans toute l’Afrique et dans le monde entier. En ce que cette Constitution-là, dans le contexte de son époque, accordait une place d’importance à la femme. L’homme n’aura ni ainsi trahi la femme qui est la mère de l’Homme, pour reprendre un adage. Et encore moins sa profession d’avocat. Le président Habib Bourguiba fut le premier avocat des femmes de son pays par cet acte courageux et visionnaire que beaucoup qualifient d’ailleurs de « révolution » en Tunisie et dans le monde arabe.
A travers le Code du statut personnel (CSP) du 13 août 1956, le président Habib Bourguiba donna aux femmes tunisiennes des droits qu’aucun pays arabe n’accordait aux femmes. Ce code établissait le principe fondamental de l’égalité de l’homme et de la femme, interdisait la polygamie, imposait le consentement des époux, répondait à la question du divorce devant un tribunal, etc. Il s’agissait là de la première grande révolution tunisienne, en somme.
Parti de Sidi Bouzid le 17 décembre 2010, la contestation populaire ou « révolution de jasmin » restera à la fois un symbole et une leçon dans l’histoire de l’émancipation des peuples d’Afrique. A savoir que tout peuple doit pouvoir se libérer de tout dirigeant, quel qu’il soit, quand il assez de gémir sous son joug. Elui de unisie aura ainsi mis fin au régime oligarchique et dictatorial de Zine el-Abidine Ben Ali.
Au lendemain de la chute de ce dernier, le paysage sociopolitique connaît un bouleversement. L’organisation des élections présidentielle aboutit à l’élection Moncef Marzouki, ancien opposant à Ben Ali. Mais ce changement à la tête du pays ne suffira pas à régler pour autant les problèmes que la jeunesse tunisienne a posés aux acteurs politiques de leur pays. Au contraire, au lieu d’être le cas, dans l’imbroglio sociopolitique né de l’après-révolution de Jasmin, les forces démocratiques n’ont pas su émerger et se maintenir. Pour éviter le pire, avec son cortège de dérives islamistes et terroristes ou de crise économique, les Tunisiens choisiront de confier le destin de leur pays à un vieux de l’arène politique à l’issue de la présidentielle du 21 décembre 2014. En remplacement de son prédécesseur Moncef Marzouki qu’il bat au second tour. Et le vieux président Mohamed Béji Caïd Essebsi va nommer Premier ministre le jeune universitaire Youssef Chahed pour conduire ledit gouvernement. Tout un symbole et un message à l’endroit de la jeunesse de son pays ! La suite de l’histoire, on la connaît maintenant.
Ses compatriotes le savaient vieux et malade depuis. Et il leur aurait fait le coup du faux départ après une hospitalisation à la suite de laquelle il avait ironisé en déclarant : « Excusez-moi de ne pas être mort ». Le 25 juillet dernier, il n’y a plus eu de faux départ. Il s’en est allé pour de bon.
Premier chef de l'État élu démocratiquement de l'histoire de la Tunisie, Béji Caïd Essebsi avait finalement remporté à 88 ans la présidentielle. Quatre ans après la révolution qui déclencha le Printemps arabe en Tunisie. Il est décédé le jeudi 25 juillet à l'âge de 92 ans, date symbole pour le pays, car elle avec le a coïncidé le 63e anniversaire de la célébration de la République. Pour cet ancien compagnon du premier président de la République de Tunisie, Habib Bourguiba, il ne pouvait pas avoir meilleure coïncidence pour lui rendre hommage. Plus que la semaine de deuil national décrété à cet effet par Mohamed Ennaceur, le président intérimaire, la coïncidence symbolique tient lieu de grand hommage. Quoi qu’il en soit, la mort inattendue du président tunisien, Béji Caïd Essebsi, a redistribué les cartes politiques dans le pays. Mieux que cela, elle a littéralement chamboulé le paysage politique en redessinant une nouvelle carte dans le rapport de forces politiques.
Par Ahmed Ben Nasser