Alors même que les otages d’Areva venaient d’être enlevés au Niger, je décide avec mes compagnons Thérèse Oudot et Alexandre Camp de ne pas renoncer au voyage par la route de la France jusqu’au Bénin prévu de longue date en passant par le Maroc, le Sahara Occidental, la Mauritanie, le Mali et le Burkina. Une belle aventure pleine de surprises et de découvertes. C’est Alexandre Camp – patron de l’Entreprise Camp Plomberie-Chauffage, un grand passionné d’automobile et de moto devant l’éternel – qui doit conduire notre 4 X 4 jusqu’à Cotonou via l’Espagne (Barcelone), le Maroc (Tanger, Moulay-Bouslham, Rabat, El Jedida, Tiznit, Dakhla), la Mauritanie (Nouakchott, Kiffa, Ayoûn el Atroûs), le Mali (Nioro du Sahel, Bamako, Sikasso), le Burkina Faso (Bobo-Dioulasso, Ouagadougou, Fada N’Gourma) et le Bénin (Porga, Tanguiéta, Hôtel Bourgogne Natitingou, Cotonou).
29 septembre 2010. Barcelone est en pleine manifestations syndicales comme en France quand j’arrive dans cette ville qu’on qualifie d’unique en Catalogne. Après un long contournement par la route périphérique, le port s’offre à mes yeux avec une kyrielle de bateaux en rade ou à quai.
Puisqu’il faut attendre le lendemain à 10 heures pour embarquer sur le Majestic du Grandi Navi Veloci pour Tanger au Maroc, je m’accorde un tour de ville avec mes compagnons de voyage. En passant par Les Drassanes, un monument en l’honneur de la marine catalane du Moyen Âge pour tomber sur le monument juste en face, celui du mondialement célèbre Christophe Colomb. Conçu par Gaieta Buïgas en 1886 après que le héros de la marine mondiale fût accueilli par les rois catholiques à Barcelone au retour de son premier voyage au Nouveau Monde en 1493. Il est composé de la statue de l’amiral fixée au sommet d’une colonne métallique de 50 mètres.
Par le beau temps qu’il fait, le front de mer est bondé de gens. Beaucoup de touristes Anglais et Français. Mais aussi, beaucoup d’Espagnols qui profitent de la journée de grève pour un pique-nique à la plage. De là, il est loisible de contempler les allées et venues du téléphérique. Lequel surplombe le bassin et conduit jusqu’à sa tour jumelle, la tour Sant Jaume, et de là à Miramar, un belvédère situé à 80 mètres de haut sur les flancs de la colline de Montjuïc.
A défaut de pouvoir prendre le téléphérique, parce qu’il y a une longue file d’attente de touristes, je me contente d’une découverte du front de mer à pied, où les fameuses « golondrinas » (espèces de bateaux -mouche) n’ont de cesse de glisser sur l’eau.
30 septembre. 7 h 00 : je pensais que nous serions les premiers dans la file d’attente pour l’embarquement au port de Barcelone. Erreur. Comme le dit si bien ce beau proverbe Natemba (une ethnie des montagnes du nord-ouest du Bénin qui a mené durant trois ans (1914-1917) la résistance à la conquête française), « il ne faut jamais s’écrier d’être le premier levé, car vous risquez d’être contrarié par quelqu’un d’autre qui lui, n’a pas du tout fermé l’œil jusqu’au lever du jour ».
Bien d’autres voyageurs étaient donc déjà là avant nous. La « Guardia civil » espagnole s’est occupée avec la maîtrise d’un chef d’orchestre de diriger véhicules et motos de toutes marques, de tous âges et de chargements divers vers les files qui convenaient.
Avant d’embarquer sur le Majestic du Grandi Navi Veloci, j’ai été surtout frappé par cette sorte d’ambiance de retrouvailles qui régnait entre gens qui avant cette traversée de la mer ne se connaissaient ni d’Adam ni d’Eve. Des gens qui en d’autres lieux et circonstances se seraient croisés sans même se saluer, bavardaient comme s’ils se connaissaient depuis longtemps.
Contrairement à mes deux compagnons, Thérèse Oudot et Alex Camp qui sont Français – et qui n’ont donc pas besoin de visa pour le Maroc – , mon passeport a été tourné et retourné par la police marocaine. Il n’y avait pas beaucoup de Noirs qui voyageaient, et je comprends que le contrôle en valait la peine. Surtout quand on sait que de nombreux jeunes africains prennent des risques démesurés pour gagner l’Europe via le Maroc. Passons.
Enfin, je tiens un vieux rêve que je n’avais pu réaliser à Bordeaux. Une croisière. Sur le pont du bateau et ailleurs, il y a évidemment beaucoup de Marocains qui rentrent au pays. Des touristes européens aussi. Mais peu de d’Africains noirs : un Malien, cinq sénégalais et moi-même, quand je fais le compte.
Hamidou, le malien, un peintre à Toulouse, me confie que « l’Europe, c’est maintenant la galère. C’est mon premier voyage en voiture jusqu’à Bamako. J’y ai mis des choses que je vais revendre au pays. Et si ce premier essai est positif, je ferais d’autres voyages ». Comme quoi, ceux qui se jettent à l’eau dans l’espoir d’un hypothétique eldorado en Europe finiront par comprendre un jour que, « comme on fait son lit, on s’y couche ». Pour reprendre un bel adage.
J’ai passé quelques heures à contempler la mer et à discuter avec quelques français à bord. 24 heures de traversée pour arriver à Tanger en passant par le Detroit de Gibraltar. Avec mes compagnons, nous passons le plus clair du temps à étudier nos cartes. Après les formalités de police.
Par Marcus Boni Teiga