Le 28 juillet 2021, la Cour de Cassation a confirmé en France la condamnation de Teodoro Nguema Obiang Mangue, dit Teodorín, pour « biens mal acquis ». Le Président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo et son fils, le Vice-président Teodorin sont donc sur la sellette pour ainsi dire. Mais cette condamnation risque d’avoir des conséquences politiques et diplomatiques entre la France et la Guinée Equatoriale.
En France, la décision de la Cour de Cassation de confirmer la condamnation de Teodoro Nguema Obiang Mangue, dit Teodorín, dans l’affaire des « biens mal acquis » vient clore une longue procédure contre la Guinée Equatoriale, à travers son Vice-président.
Transparency International de concert avec Sherpa ont engagé un bras de fer judiciaire avec les gouvernants de plusieurs pays africains parmi lesquels ceux de la Guinée Equatoriale. A Teodoro Nguema Obiang Mangue, dit Teodorín, il a été reproché un blanchiment d’argent à travers les biens accumulés en France. Des biens qui ne pouvaient provenir que de l’argent soutiré frauduleusement des caisses de l’Etat ou d’affaires inhérentes à la gestion du pouvoir d’Etat.
Ainsi, à la suite d’une longue procédure judiciaire riche en rebondissements, le premier procès de cette affaire dite des « Biens mal acquis » a eu lieu du 19 juin au 05 juillet 2017 à Paris en France. Il s’est achevé par le verdict du Tribunal correctionnel de Paris le 27 octobre 2017. L’accusé Teodorin a été reconnu coupable pour des faits de blanchiment, notamment de détournement de fonds publics et de corruption. Pour ce faire, il a écopé d’une condamnation à trois ans de prison avec sursis et une amende de 30 millions d’euros avec sursis, ainsi que et la confiscation intégrale de ses biens saisis sur le territoire français. Au total, ils sont estimés à la colossale somme de 150 millions d’euros. Teodorin ayant fait appel de sa condamnation, le procès en appel est prévu pour décembre 2019.
A Genève en Suisse, une procédure similaire à celle de la France avait été ouverte en 2016 contre le même Teodorin et deux autres personnes. Pour éviter des déconvenues, elle a abouti à un accord avec l’Etat de Guinée Equatoriale à l’initiative de ce dernier. Contre l’abandon de cette procédure pénale pour « blanchiment d’argent et gestion déloyale des intérêts publics », les biens de Teodorin devaient être vendus et l’argent restitué à l’Etat tandis que Malabo devrait verser à Genève 1,3 million de francs suisses, soit 1,4 million d’euros, pour payer notamment les frais de procédure. L’argent issu de la vente des biens confisqués estimé à plusieurs millions d’euros étant destiné a priori à être affecté pour un programme à caractère social en Guinée équatoriale.
Dans cette optique, le 29 septembre dernier, a eu lieu dans un Club de Golf près de Genève en Suisse la vente aux enchères des biens en question dont vingt-cinq voitures de luxe. Parmi elles, sept Ferrari, trois Lamborghini, cinq Bentley, une Maserati et une McLaren. Valeur estimée : au moins 18,5 millions de francs suisses, soit plus de 17 millions d’euros. Reste à savoir comment la Suisse s’y prendra pour que l’argent ainsi récolté puisse effectivement aller au programme déterminé. Une gageure. Si l’on sait qu’il sera difficile de pouvoir vérifier qu’il en a été ainsi.
Le 10 février 2020 aura été une journée sombre pour le régime de Malabo. Outre les confiscations de biens, Teodorin Obiang a écopé de trois ans de prison avec sursis, 30 millions d’euros d’amende à la fin de son procès en appel devant la justice française. Celle-ci a eu la main plus lourde vis-à-vis du Vice-président de Guinée équatoriale. Par contre Me William Bourdon, l’avocat de Transparency international n’a pas manqué de s’en féliciter ainsi que Marc-André Feffer, le président de Transparency France.
Sara Brimbeuf de Transparency International a répondu à Falila Gbadamassi de France Info: « C’est une décision historique parce que c’est la première fois en France et également dans le monde entier qu’un dirigeant étranger en exercice – c’est très important – est condamné pour blanchiment de détournement de fonds publics. La France ne fait qu’appliquer les conventions internationales, mais c’est la première fois qu’un pays le fait. Sans les ONG, il n’y aurait pas eu cette affaire. Cette décision est importante parce qu’elle peut influencer d’autres cours de justice à l’étranger, en Espagne par exemple, où la Costa Brava est plébiscitée par les kleptocrates étrangers. Nous sommes pionniers mais j’ose espérer que les cours de justice et l’Union européenne emboîtent le pas ». La LOI n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (1) permet dorénavant à la France de traquer des biens établis pour mal acquis. Avec l’adoption par l’Assemblée, ensuite par le Sénat le 20 juillet de cette loi, la France a dorénavant un dispositif législatif adapté. Et elle pourrait bien faire école notamment en Europe et dans d’autres pays à travers le monde.
Tour à tour ministre et deuxième Vice-président de la Guinée équatoriale de 2012 à 2016, Teodoro Nguema Obiang Mangue est finalement à un pas seulement de succéder à son père au pouvoir. En tant que Vice-président du Parti démocratique de Guinée équatoriale, le parti présidentiel, si l’on excepte le fait qu’il est le fils prédestiné à cette fonction. Et l’on se demande ce qu’il adviendra des relations politiques et diplomatiques quand il accèdera enfin à la magistrature suprême de son pays.
L’affaire des Biens mal acquis ne concerne pas que la Guinée Equatoriale. Il y a aussi le président Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville, Feu Omar Bongo du Gabon. Sans compter bien des personnalités ayant gravité dans leur entourage. Mais, pour le moment, le hic dans toute cette affaire de Biens des dirigeants africains soupçonnés de détournement de deniers de leurs Etats, c’est que Transparency International et Sherpa donnent l’impression d’avoir une dent dure contre la seule Guinée Equatoriale. Ou des pays déjà identifiés et associés aux Bien mal acquis cependant qu’ils ne pipent mot pour d’autres dirigeants – de plus en plus nombreux et sans vergogne – depuis les saisines concernant les premiers. En effet, on sait clairement que les Biens de bien des chefs d’Etats africains sont tout aussi mal acquis que ceux des Obiang et autres. Transparency International et Sherpa ont donc encore fort à faire si tant est qu’ils ne veulent pas donner l’impression de se focaliser ou de s’acharner sur le pays de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo.
Par Peter Mufang